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Coups de feu a Kondengui : Ce qui s’est réellement passé

prison centrale kodengui

La nuit du lundi 22 au mardi 23 juillet 2019, a été très mouvementée au quartier Kondengui, abritant la prison centrale de Yaoundé, au Cameroun.


prison centrale kodengui
Prison de Yaounde Kondengui, confusion totale (22/07/2019) Capture d’ecran

Les informations qui nous sont parvenues de ce pénitencier indiquent qu’environ 1000 prisonniers ont envahi la cour des visiteurs. Une source nous a confirmé que certains détenus essayaient d’escalader pour sortir de l’enceinte de la prison. Le renforcement du dispositif sécuritaire a été observé et les coups de feu ont commencé à retentir à 21 heures, et se sont poursuivi jusqu’à très tard.

Plusieurs pensionnaires de luxe, ont été dépouillés : « ils ont tout emporté », lance l’une des victimes. D’après des sources dignes de foi, il y a eu des blessés, du côté de la catégorie « VIP ». Cette tension a pourtant commencé à se faire ressentir le matin, dans la même prison.

Rappelons que cette tentative de soulèvement est essentiellement l’œuvre de détenus de la crise anglophone depuis la matinée d’hier lundi 22 juillet. Ils exigent leur libération immédiate et dénoncent la lenteur dans les procédures judiciaires. D’autres prisonniers se plaignent entre autre, de la non et mal nutrition, de la mauvaise qualité des soins de santé.

L’homme politique Cabral Libii a réagi à cette situation au pénitencier de Kodengui et soulève le problème du standard carcéral. « Le standard en matière carcérale est de : 1 gardien de Prison pour 3 détenus.  A la prison centrale de Kondengui, c’est 4500 détenus environ pour 350 gardiens de Prison… », écrit-il sur Facebook ce lundi soir.

Voici ce que publiait le quotidien Mutations à propos de nos prisons :

*L’enfer de la surpopulation carcérale*

*Par Lucien Bodo*

Il est des visions d’une horreur pétrifiante comme celles que décrit Stephen King dans son recueil de nouvelles, « Brume ». Lorsqu’il publie son livre en 1985, l’écrivain américain, maître de l’épouvante et du suspense, pensait sûrement qu’il n’est pas possible d’imaginer des monstruosités supérieures à celles qu’il présente dans son ouvrage. Mais si, dans sa quête d’inspiration, il lui venait à l’idée de séjourner dans l’une des prisons camerounaises pour embaumer son cerveau des réalités locales, il changerait sans doute d’avis.

Il verrait une pluie d’urines, des batailles rangées avec comme munitions des excréments, des humains –ou reste d’humains- entassés les uns sur les autres comme du bétail voué à l’échafaud, des bâtiments insalubres et crasseux à souhait, pour ne citer que cette photographie commune. Il faudrait peut-être aussi qu’il trouve le moyen de supporter l’odeur qui règne dans les quartiers mal famés de ces bagnes ; une odeur à assommer un taureau.

Ce spectacle chaotique des pénitenciers camerounais a comme cause principale la surpopulation carcérale. En septembre 2015, le gouvernement indiquait que les prisons du pays abritaient 26 702 détenus pour une capacité d’accueil de 17 000 places. Avec les multiples arrestations dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, la guerre dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest et la crise post-électorale, ces chiffres ont sans doute gonflé. Dans son rapport pays annuel de 2018 sur le Cameroun, Amnesty International renseigne que la prison de Maroua accueillait 1500 détenus, soit plus de quatre fois la capacité prévue. La population de la prison centrale de Yaoundé était quant à elle d’environ 5000 détenus alors que sa capacité maximale est de 1 500 prisonniers. Celle-ci est par ailleurs désormais au centre d’attentions sécuritaires particulières avec l’arrivée quasi incessante de personnalités arrêtées dans le cadre des crises évoquées plus haut.

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Pour comprendre cette surpopulation carcérale, il faudrait parcourir le rapport 2014 du ministère de la Justice sur l’état des droits de l’homme. La cartographie suivant le statut carcéral précisait que sur un effectif de 25 908 détenus à cette époque 15 853 étaient des prévenus et le reste présenté comme des condamnés définitifs. Malgré l’avènement des peines alternatives dans le Code pénal en 2016, les prisons demeurent remplies plus qu’il ne le faut. De ce fait, en plus de mettre en danger les prisonniers eux-mêmes, cette surpopulation carcérale amène à s’interroger sur la sécurité des geôliers qui travaillent dans des conditions difficiles.

Même s’il n’y a pas eu mort d’homme, l’incident de la Prison centrale de Yaoundé, le 15 juin dernier, appelle à une réforme plus profonde et urgente. La prison n’est pas un hôtel cinq étoiles certes, mais elle ne devrait pas non plus être un temple de déshumanisation. Elle devrait aussi cesser d’être un enfer de béton et de barbelés pour véritablement remplir sa mission d’instrument de resocialisation.

*In Mutations N°4876 du lundi 17 juin 2019*


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