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Dawala, l’homme derrière Maître Gims et Black M [Biographie]

Dawala

Silhouette massive et allure athlétique, Dawala est l’actionnaire unique d’une holding au profil très particulier : le Wati B, leader sur le marché du rap français et de ses produits dérivés.

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Dawala, l’homme derrière Maître Gims et Black M – DR

Ce Franco-Malien gère aujourd’hui les carrières des artistes rap les plus en vue en France, dont Maître Gims et Black M, issus du groupe parisien à succès Sexion d’Assaut. La montée en puissance de cette « équipe qui gagne parce qu’elle suit sa ligne » est symbolisée par l’installation, depuis 2013, des bureaux de Wati B chez son distributeur et partenaire Sony Music Entertainment, au sixième étage d’un bel immeuble haussmannien du 9e arrondissement de Paris, non loin de la direction de la major du disque.

Wati B, c’est d’abord un label hip-hop qui grimpe et fait de l’ombre à la concurrence. Avec son champion belge, Stromae, Universal Music France a certes « vendu deux millions de Racine carré [2013], s’amuse Dawala, large sourire. Mais si on additionne tous nos projets, c’est bien plus : 3 millions d’exemplaires de L’Apogée de Sexion d’Assaut [2012], plus d’un million pour les deux albums de Maître Gims, plus de 500 000 pour le dernier de Black M, Les Yeux plus gros que le monde… Nous sommes la structure hip-hop numéro un en Europe. »

En 2012, Sony France a acquis 30 % du capital de la branche discographique de Wati B. Les activités de la holding sont pour le moins diversifiées. Editions musicales avec Wati Edit, du textile avec la marque sportswear Wati B et ses cinq magasins en France, Wati Tour qui gère les tournées, hier de Sexion d’Assaut, aujourd’hui celle de Maître Gims, qui débute le 12 novembre. Wati B, c’est aussi un style de vie. La marque se lance dans la distribution de boissons festives non alcoolisées avec Wati Bulles – la bouteille, noire et chic, de 75 cl est vendue 5,90 € dans les grandes surfaces en France, « pour concurrencer le Champomy », s’amuse Dawala, et 80 € dans les discothèques du Moyen-Orient.

Avec Wati Film, Dawala promet sur les écrans, en janvier, un premier long-métrage, La Pièce, qu’il a coécrit avec Dry, un des artistes de Wati B. La liste des activités ne s’arrête pas là. Le groupe Sexion d’Assaut animera, à partir du 25 novembre, une émission musicale à la télévision, diffusée dans cent soixante pays. En parallèle, la holding ouvre une société de conseil aux sportifs, Wati Sport. Le label et la marque sportswear Wati B sponsorisent le stade Malherbe de Caen, le Montpellier Hérault Sporting Club et le club de basket Pro A, le SF Nanterre.

Leçon de coaching

Cette apparente boulimie pourrait donner le tournis mais, chez Sony, Laurent Rossi, directeur du label Jive Epic, qui a signé Sexion d’Assaut en 2009, est confiant : « C’est un développement très raisonné, à l’américaine, réfléchi. » Car le Wati B a un Wati Boss, longtemps resté dans l’ombre, Dadia Diakité, dit « Dawala ». En parlant du jeune quadra, Laurent Rossi se fait élogieux. « Dawala est un entrepreneur qui a le sens de la gestion et qui réinvestit en permanence. » Contrairement aux structures hip-hop créées à la fin des années 1990 par NTM, IAM ou par les membres du Ministère A.M.E.R, chez Wati B, les artistes conservent leur place. Sexion d’Assaut, ses huit membres et les neuf autres jeunes artistes signés sur le label ne sont jamais aux commandes : « Comme au foot, résume Dawala, je suis l’entraîneur et le président, les artistes sont les joueurs. »

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Né en 1974, à Paris, Dadia Diakité a été élévé au Mali dès l’âge d’un an par sa grand-mère peule, à Nioro du Sahel, dans la région de Kayes. Revenu en France à 11 ans, avec son frère, il passe de la brousse, où « les seuls Blancs [qu’il avait] vus là-bas, c’était pour le Paris-Dakar », à l’agitation parisienne. Arrivé en plein hiver, « en boubou », il ne parle que le soninké et le bambara. Le foot l’aide à s’intégrer. « “Dawala”, c’est l’association de Dadia, mon prénom, et de awara, un mot que je disais sur le terrain pour “lâche le ballon”. Les quartiers sont ainsi, on y gagne des surnoms à toute vitesse. » Il joue en division d’honneur à Bobigny. C’est là qu’il prend sa première leçon de coaching : « On avait une équipe très forte, mais on perdait parce qu’on n’accordait pas nos violons. Alors l’entraîneur a une idée pour nous rapprocher : chaque fin de semaine, tout le monde, juifs, Maghrébins, Africains, ramenait un plat que l’on mangeait ensemble. Et ça a marché : on gagnait, car en vérité tout se passe dans la tête. »

En 1999, le rap français atteint son apogée avec les succès en radio de Passi, de Stomy Bugsy, du 113. Educateur sportif pour la Ville de Paris, dans le 19e arrondissement, Dawala enregistre d’abord des mix tapes, des compilations de rap, sous le nom de PSG pour « Pur son du ghetto ». Il est malin : « J’avais mis une tour Eiffel sur la pochette, raconte-t-il. Avec “PSG” écrit dessus. Je vendais aux puces, les touristes me les achetaient direct. »

Dawala trouve le nom de son entreprise en rendant visite à son père, au Mali : « Il habitait à neuf heures de voiture de Bamako et, sur la route, je vois écrit sur une cabine téléphonique : ouverte “warati bé” [« à tout moment »], et je le transforme en Wati B. » Dawala demande à Clark, le graphiste, d’imiter le logo à trois bandes d’Adidas – la marque Wati B en aura six. Pour financer la production des mix tapes, Dawala enchaîne les jobs : « Plombier, maçon, installateur en sanitaire, carreleur », tout en continuant à jouer au football. Lors d’un match à Orly (Val-de-Marne), il rencontre Dry, membre du groupe de hip-hop Intouchable, dont il devient le manager.

Dry lui présente les huit garçons de Sexion d’Assaut. « Ils avaient 22 ans de moyenne d’âge, moi j’en avais 29. » Cette fois-ci, Dawala prend son temps, insiste sur l’esprit d’équipe et les règles des affaires bien faites. « Dans la Sexion, ils sont huit. Il a fallu que je leur explique ce qui leur resterait après les taxes, les impôts, l’investissement. Le hip-hop a toujours eu des problèmes de comptabilité. Et souvent, l’ego des artistes l’emportait sur la structure. »

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« J’ai toujours cru en Sexion d’Assaut. On allait partout avec ma petite bagnole. On vendait de la main à la main. » Mais la Sexion a un rêve : « Etre dans les bacs de la Fnac. » Ils vendent 45 000 exemplaires de l’album Ecrasement de tête, mis en distribution chez Because, un producteur indépendant (Christine and the Queens, Catherine Ringer, Manu Chao…). J’ai aidé Dawala parce que j’ai toujours pensé que, comme aux Etats-Unis, le rap devait être géré par les gens du rap », observe Emmanuel de Buretel, le PDG. et non pas par les maisons de disques. Il a su s’entourer d’une super équipe de jeunes compétents. »

« Je travaille à l’ancienne »

Dawala développe très vite ses idées marketing. « L’idée, c’était que, quand on avait acheté un CD, on avait un tee-shirt. Pour nos concerts, les tee-shirts servaient de tickets d’entrée. » Laurent Rossi rencontre Dawala et Sexion d’Assaut à cette période : « C’était étrange. Au premier rendez-vous, ils étaient réservés, mais très déterminés. Ils se projetaient déjà sur cinq ou six ans. Dawala, lui, analysait, jaugeait. Il n’est pas comme ces producteurs de musique qui essaient de vous draguer, de vendre leur sauce. Il était assez en retrait. Dans l’univers du rap, les groupes font souvent des hold-up. Ils veulent prendre des avances, gagner beaucoup et s’en aller. Eux voulaient être là pour longtemps. » Premier bras de fer : Dawala refuse de faire écouter aux prétendants les maquettes du prochain album. Emmanuel de Buretel, de Because, ne marche pas. Laurent Rossi, oui. Ils iront chez Sony.

L’argent gagné avec les ventes d’albums de Sexion d’Assaut a été réinvesti en permanence dans les clips (entre 30 000 et 100 000 euros pour chacun), qui, selon Dawala, assure « la visibilité de ses artistes » et permet « le placement de produits », les siens d’abord. La « team » Wati B est très présente sur les réseaux sociaux, plus de 6 millions de fans sur Facebook, ce qui en fait la plus grosse communauté musicale de France. L’investissement dans un studio d’enregistrement permet de sortir des disques régulièrement, au moins trois par mois. Quand on lui parle de streaming, Dawala fait mine de ne pas comprendre. « Moi, je travaille à l’ancienne, ce sont les ventes de CD physiques et les concerts qui génèrent le chiffre d’affaires. » Une donnée qu’il refuse de communiquer « par peur des jalousies, des fantasmes, suppose Laurent Rossi. Le rap est un milieu où on spécule beaucoup sur le succès des autres. Souvent, leurs fans, leurs rivaux, confondent chiffre d’affaires et profit ». Un clin d’œil plus tard, une poignée de main plus loin, Dawala philosophe en s’amusant : « Les vautours, tu ne peux pas les éviter. »

 


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