Lebledparle.com, CWT
Dans une sortie sur son mur Facebook ce 7 mars 2019, l’économiste statisticien parle de nouveau de la crise anglophone. Le consultant de Club d’Elites sur Vision 4 remet sur la sellette le débat sur la forme de l’Etat. Il reste constant dans sa position de départ, l’avènement de l’Etat fédérale en lieu et place de l’Etat unitaire qui montre de plus en plus ces limites. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité de la chronique de Dieudonné Essomba.
DU GOUVERNEMENT INTELLIGENT
Un Gouvernement intelligent n’est pas celui qui négocie, mais celui qui sait anticiper et éviter des situations où il sera obligé de négocier.
En effet, toute négociation à laquelle est contraint un Gouvernement l’affaiblit nécessairement. Pour éviter d’être acculé à la négociation, il faut anticiper les évolutions de la situation, sur la base des situations analogues vécues ailleurs.
Et c’est cela qu’aurait dû comprendre notre Gouvernement : la Sécession anglophone était prévisible pour n’importe quel observateur, car la Sécession est fatale dans tous les pays qui sont nés et qui ont évolué comme le Cameroun. Il n’existe aucun cas dans l’Humanité où on a supprimé une autonomie fédérale sans déclencher une guerre de sécession. Cela n’existe nulle part, et les exemples du Soudan, de l’Ethiopie et de la Somalie, tous pays nés sous le même modèle sont là pour nous le rappeler.
On ne voit pas très bien sur quoi se fondaient les pouvoirs publics camerounais pour imaginer qu’on pouvait noyer la spécificité d’une communauté en récitant les histoires d’unité nationale.
Même si le mouvement autonomiste est aussi vieux que le Cameroun indépendant lui-même, il a pris une ampleur officielle, depuis les années 1990, avec la Tripartite où et les Anglophones avaient réclamé le retour à l’Etat Fédéral. Le Gouvernement avait eu l’intelligence de couper la poire en deux, en parlant d’Etat unitaire décentralisé.
Mais les multiples atermoiements pour mettre en place la décentralisation administrative que lui-même avait acceptée, et la malheureuse répression des fédéralistes ont laissé prospérer la chienlit de la Sécession.
Et celle-ci fait mal, très mal au Cameroun : économiquement, financièrement, socialement.
Et même diplomatiquement, car quand cette histoire se déclenche, des gens soutiennent que les pays étrangers considéreront ce mouvement comme une simple affaire intérieure. Ce qui est vrai, mais à condition que le Gouvernement fasse ce qu’il faut.
Mais il ne l’a jamais fait ! Accroché à son dogme de l’Etat unitaire, il n’a jamais compris que ce modèle a épuisé tout son potentiel de développement et de paix, et qu’on ne peut plus le sauver. Il est trop coûteux, trop inefficace, trop corrompu, trop violent. Et il développe le tribalisme en entretenant des compétitions intercommunautaires intenses sur les avantages de l’Etat que sont les emplois publics, les postes de pouvoir, les infrastructures collectives et les rentes.
La conséquence est que les concessions que le Gouvernement a pu faire en les considérant comme des avancées ne le sont pas du tout aux yeux des Anglophones et des pays étrangers. Bien plus, on les assimile à de la diversion pure. Et plus le temps va passer, plus ces puissances étrangères vont lorgner dans nos affaires, sans demander notre avis.
Et en dehors des fanfaronnades, nous ne pourrons rien.
Dès le premier jour, j’avais annoncé que le Cameroun unitaire n’avait pas les moyens politiques, économiques, financiers et diplomatiques pour réduire la Sécession anglophone par les moyens militaires. Il ne sert donc absolument à rien à multiplier de lourdes opérations militaires et trop coûteuses en argent et en vies humaines.
Il faut assécher l’attractivité de la Sécession en allant au modèle fédéral qui permet par ailleurs de mieux la combattre. C’est cela qu’on appelle « anticiper » sur les évolutions et prendre de bonnes mesures à temps.
Car, quel que soit le cas, l’Etat unitaire ne garantira jamais plus la paix, ni le développement au Cameroun. Par sa nature, il va nous conduire dans de pires difficultés sur le plan interne et sur le plan international.
Quant à ceux qui parlent d’héritage en évoquant le passage de l’Etat fédéral à l’Etat unitaire, c’est un pur sophisme. Car le modèle fédéral est nettement supérieur à tout point de vue au modèle unitaire, et on ne peut pas parler d’avancée quand on va d’un système qui marche bien vers un système qui marche mal.
Dieudonné ESSOMBA
