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Dieudonné Essomba : « la problématique de la terre est fondamentale dans la paix et la stabilité d’une communauté nationale »

Après une première tribune où il vole au secours de Claude Abé au sujet de sa sortie sur Vision 4 Tv, le dimanche 16 avril 2023, Dieudonné Essomba, économiste statisticien revient avec une autre tribune le mercredi 19 avril 2023, dans laquelle, il pense qu’il ne faut pas noyer la problématique de la terre au Cameroun, parce que cela peut être à la longue, une menace pour la paix et la stabilité du Cameroun. Lebledparle.com vous propose de lire la réflexion intégrale.

Dieudonne Essomba 1
Dieudonné Essomba, consultant médias - DR

L’espace vital est un problème potentiellement meurtrier !

On ne peut pas noyer le débat sur les vrais problématiques du développement et de la paix au Cameroun en multipliant des discours pseudo-moralisateurs sur la République, en accusant compulsivement les gens de tribalisme ou en ameutant le monde entier sur un discours génocidaire.

Ces tentatives maladroites de noyer le poisson ne modifient en rien à la réalité ! Et ce ne sont pas les débats sur l’ethnicité qui ont créé le génocide rwandais, mais bel et bien les violentes compétitions intercommunautaires sur l’espace foncier extrêmement étroit de ce petit pays surpeuplé compétitions qui, jusque-là, n’avaient jamais être régulée de manière satisfaisante.

D’ailleurs, ce génocide venait après un grand nombre d’autres génocides dans la passé, et si celui de 1994 est devenu emblématique, c’est simplement par son ampleur et les conditions de son déroulement devant la communauté internationale.

Du reste, ni le génocide rwandais, ni la répression des responsables n’ont jamais empêché d’autres massacres de masse, en Afrique et ailleurs !

Ce qui empêche les tensions politiques meurtrières, ce n’est pas le silence sur les faits de société, mais leur traitement raisonné et des solutions durables et consensuelles. Ni la violence d’un Gouvernement, ni la menace d’un tribunal, ni les discours lénifiants sur l’unité nationale, rien de tout cela ne peut empêcher les troubles et maintenir la paix sans des mécanismes acceptés de régulation entre les divers segments communautaires d’une Nation.

Il faut avoir le courage de poser clairement les problèmes de notre pays à temps, afin d’y trouver des solutions préalables et éviter les drames du futur. Les problèmes ne disparaissent pas parce qu’on n’en parle pas ! Et c’est une illusion de croire qu’en étouffant pudiquement le débat sur les dysfonctionnements du vivre-ensemble ou en en se passant pour victime d’un prétendu futur génocide en préparation, cela va changer quoi que ce  soit dans la réalité.

Cour Internationale ou pas, si un groupe humain se présente comme une menace pour les autres, ceux-ci vont sévir durement contre lui, un point c’est tout ! C’est une règle anthropologique que rien ne peut oblitérer !

Et c’est de ce point de vue que la problématique de la terre est fondamentale dans la paix et la stabilité d’une communauté nationale.

La terre a en effet deux statuts :

-un facteur de production qui permet de mener des activités économiques.

-l’espace vital d’une communauté

En tant que facteur de production, la terre permet de mener des activités économiques et de ce fait, elle représente un facteur central pour le développement d’un pays. Pour un ays comme le Cameroun, la terre apparait comme le principal outil de lutte contre la famine, le premier pourvoyeur des revenus et des devises et le levier stratégique des politique de développement. Son exploitation judicieuse et efficace constitue une base solide pour alimenter des activités technologiquement plus évoluées. La croissance remarquable du Cameroun de la Côte d’Ivoire et du Kenya de 1960 jusqu’aux années 1980 s’expliquent notamment par des politiques agricoles vigoureuses qui ont pu dégager des devises permettant à leur tour de mettre sur pied les infrastructures de base sur lesquels reposait le développement.

Il n’existe donc aucun débat sur la nécessité de valoriser la terre.

Toutefois, la terre est aussi un espace vital, le lieu de vie d’une Communauté, le lieu où reposent ses ancêtres et tous ses référents culturels. C’est sa propriété et son identité, et ce n’est pas un hasard si chaque localité porte justement le nom de la communauté qu’elle abrite.

L’espace vital ressort ainsi de l’anthropologie et non de la loi, d’où son potentiel hautement meurtrier. Depuis le début de l’Humanité, la principale source de guerre, de violence et de génocides a toujours été la compétition des communautés pour l’appropriation de l’espace vital.

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Pour maintenir la paix et le développement dans un pays, il est absolument nécessaire de concilier les besoins économiques d’exploitation des terres avec l’impératif de ménager l’espace vital des Communautés qui y habitent. Car, si vous privez une Communauté de son espace vital, vous la détruisez et elle n’existe plus ! A moins de l’éliminer totalement comme l’ont fait les Européens aux Indiens d’Amérique, cette Communauté devenue apatride recherchera toujours à reprendre sa patrie et à revivre en recourant à la force et au terrorisme!

C’est donc une source de grave instabilité que de mener des politiques qui peuvent conduire à la disparition de l’espace vital des Communautés, que cela soit volontaire ou non. Car, il faut ici insister sur un fait essentiel : les mécanismes ayant conduit à la disparition de l’espace vital importent peu. Que les terrains aient été arrachés par la violence, ou acquis par des moyens légaux ou dolosifs, dès lors que cela se traduira par la disparition de l’espace vital d’une Communauté et son sentiment d’être apatride, elle réagira.

Tous les pays du monde composés de communautés différentes organisées en territoire évitent soigneusement de s’attaquer à leur espace vital, y compris en empêchant des migrations lorsque celles-ci peuvent créer un basculement de la démographie au détriment des autochtones. C’est le cas des USA avec des réserves indiennes, mais aussi la Chine ou la Russie qui interdisent radicalement aux non-citoyens d’acquérir des terres des communautés qui ne sont pas les leurs, tout en limitant d’ailleurs l’immigration.

Au Cameroun, l’Etat se préoccupe de l’espace vital quand lui-même intervient. Lorsqu’il crée un barrage, il délocalise la population tout en lui reconstruisant un autre espace. Il en se limite pas à le dédommager.

De même, lorsqu’il octroie une concession aux étrangers, et contrairement à ce que certains pensent, seul l’espace économique est cédé en location, l’espace vital n’étant pas affecté. La Communauté riveraine est toujours  partie prenante, puisqu’elle bénéficie d’office d’un certains nombre d’avantages : préemption absolue sur l’emploi, fourniture des infrastructures sociale, équipements sociaux, etc.

En tout état de cause, cela n’a pas pour but de noyer la population locale dans un magma cosmopolite au nom du développement.

Et c’est ici que se pose le débat de fond au Cameroun : les acquisitions mal régulées des terres attaquent directement l’espace vital des Communautés et lorsqu’elles sont faites par des Communautés allogènes, elles créent des colonies tribales qui suscitent les conditions explosives de confrontations dangereuses et des purifications tribales.

C’est certainement ce risque qu’a perçu le Gouvernement en interrompant certains les acquisitions des terres dans certaines localités du Cameroun. Et c’est certainement face à ce genre d’acquisition que le Sultan des Bamoun a annulé toutes les acquisitions qui ne respectaient certaines contraintes.

On ne peut pas continuer à bâtir un système sociopolitique potentiellement explosif, au nom d’une prétendue accélération du développement et surtout, de ce fameux principe du « Camerounais partout chez lui » que certains lisent très mal.

Ce principe signifie que le Camerounais doit se sentir chez lui sur le territoire national, sans avoir à justifier sa présence. Mais il n’a jamais signifié que le Cameroun est un no man land à conquérir, et qu’on a le droit de disséminer des colonies tribales agressives partout, qui refusent de s’intégrer dans la Communauté d’implantation tout en réclamant les mêmes droits !

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Le « Camerounais partout chez lui » ne signifie pas qu’une colonie Ekang peut aller s’installer dans le Royaume Bamoun ou le lamidat de Rey  Bouba, rejeter la loi des souverains locaux au nom de la République et mépriser les cultures locales au nom de la République ! Ce principe signifie que vous n’avez qu’une alternative : soit vous vous intégrez dans la Communauté qui vous abrite désormais et vous perdez le souvenir de votre tribu d’origine, soit vous gardez vos allégeances à votre tribu d’origine et vous acceptez tout simplement le statut d’allogène !

Vous ne pouvez pas en même temps garder vos allégeances à votre communauté d’origine dont vous maintenez les rites et les coutumes et où vous vous faites enterrer, tout en réclamant le droit des autochtones !

C’est cela qu’on appelle « colonisation tribale » dans le but de la parasiter la vider, la détruire et finir par la remplacer.

C’est un projet très dangereux !

Le Cameroun est un espace de partage, où tout le monde doit avoir sa place, et non un champ de conquête où les plus forts et les plus rusés dominent les autres. Un tel Cameroun n’est pas viable et n’aura jamais lieu !

C’est le message extrêmement clair qui a été envoyé à tous quand le Parlement a adopté la notion d’autochtonie. Il ne faut pas que par des pratiques mal régulées, on se retrouve obligé de durcir des mesures de cette nature.

Les terres camerounaises doivent être exploitées, car c’est un impératif de développement. Mais dans le strict respect de l’espace vital des Communautés, car le développement lui-même n’a de sens que s’il y a la paix, et il n’y a aucune paix quand on piétine l’espace vital des communautés !

Il existe  cet effet des techniques comme la concession, le métayage, le fermage qui sont d’ailleurs appliquées, puisqu’un grand nombre de Camerounais y recourent pour mener des activités agricoles hors de leur Région d’origine, sans que cela génère des tensions. L’Etat doit les favoriser.

Et surtout, l’Etat doit mettre au cœur de ses politiques publiques cette préoccupation centrale de la paix qui est l’espace vital. Quand une élite achète un village entier, on s’attend à ce que ses descendants fassent quoi, sinon se transformer un jour en guérilleros ? Quand une Communauté entière perd toutes ses terres et n’a plus aucun recours, on attend à ce que ses enfants fassent quoi, sinon se transformer en Chefs de guerre pour récupérer ses terres ?

Que certains Camerounais ne se trompent pas ! Les choses qui arrivent ailleurs peuvent aussi arriver au Cameroun ! Ces massacres qu’on dénonce, ces purifications tribales, rien ne préserve le Cameroun de ces tragiques événements !

N’achetez pas les terres n’importe comment, car non seulement ces terres vous seront un jour arrachées, mais surtout vous risquez d’y perdre votre vie ! Et cette République que vous instrumentalisez ne pourra rien pour vous !

Même si c’est Biya en personne qui vous a délivré un titre foncier au NOSO, ce titre est nul et de nul effet devant les sanguinaires Amba Boys ! Vous n’avez nulle part où faire valoir vos droits et si vous insistez, c’est votre tête qu’on retrouvera piquée au bout d’un bois sur un carrefour !

Il faut justement éviter qu’on en arrive là en fabriquant des sources d’instabilité par nos cupidités et nos désordres.

Dieudonné ESSOMBA

 


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