« Guerre au NOSO : que faire maintenant ? ». Se questionne l’économiste dans une nouvelle chronique envoyée ce jeudi 29 octobre 2020 à la rédaction de Lebleparle.com. Dieudonné Essomba pense précisément qu’il n’y aura jamais de victoire militaire face à la crise anglophone et, le gouvernement sera contraint de négocier. Lisez plutôt.
Ne pas confondre l’occupation militaire avec la victoire
Certains se plaignent du manque de collaboration des populations anglophones avec les Forces de Défense et de Sécurité.
C’est parce qu’ils ne veulent rien comprendre au problème de fond. La Sécession se présente comme une guerre de libération et il y a bien des Anglophones qui sont favorables à cette libération !
Ceux qui sont favorables viennent de deux sources :
Un vieux courant séparatiste qui date de 1961, et qui contestait la décision des Nations-Unies de ne pas offrir au Cameroun britannique la perspective de l’indépendance. C’est la descendance de ce vieux courant qui forme le noyau dur, irréductible et idéologique de la Sécession.
Une masse anciennement fédéraliste, voire unitariste mais qui a adhéré à la Sécession parce qu’excédée par l’autisme, la condescendance et la violence des autorités de l’Etat unitaire. C’est le groupe le plus nombreux et peut-être majoritaire chez les Anglophones. C’est ce groupe dont l’idéologie de base est le fédéralisme qu’on peut récupérer en leur proposant l’Etat fédéral.
Mais on ne peut absolument rien obtenir si on ne leur présente comme alternative que l’Etat unitaire dont les Anglophones ne veulent plus ou la Sécession qui n’est pas leur premier choix, mais qu’ils préfèrent par rapport à l’Etat unitaire !
Ils iront à la Sécession et approuveront les opérations des bandes rebelles qui leur apparaitront alors comme une guerre de libération ! Comment pouvez-vous obtenir leur soutien dans ces conditions ?
J‘ai entendu des gens se plaindre que les Sécessionnistes auraient déjà été totalement vaincus si la population collaborait !
Mais justement, il n’y a aucune victoire si la population ne collabore pas ! Car, c’est la collaboration de la population qui est la victoire et non l’occupation militaire qui n’est que l’expression de la colonisation !
C’est un peu comme si quelqu’un se plaignait que la SWAPO ou l’ANC a été militairement vaincue, mais ce qui manque, c’est l’adhésion de la population !
Il n’y a aucune victoire quand il n’y a aucune adhésion de la population ! C’est une simple occupation militaire, pas différente de celle des USA en Irak celle de l’URSS en Afghanistan ou celle des colons dans les pays colonisés !
C’est l’expression de la force brute devant la faiblesse, mais cela ne conduira nulle part. Dans ce genre de jeu, le colon est toujours battu, quelle que soit sa force.
Le Cameroun sera donc battu par les Amba Boys s’il persiste dans la voie sans issue de la force qui en fait une armée coloniale. II pourra utiliser son puissant arsenal militaire pour imposer sa présence au NOSO, mais ne gagnera jamais la guerre parce qu’il ne gagnera jamais le cœur des populations avec son Etat unitaire.
Les arguments sur la violence, l’illégalité ou le terrorisme qu’évoquent en permanence les thuriféraires de la violence d’Etat contre les Anglophones ne passent pas : ils confortent plutôt le Gouvernement dans son statut de force coloniale, car c’est exactement le même discours que tiennent les forces coloniales depuis les Maccabées de la Bible. Plus récemment, les colons l’ont tenu au Cameroun contre l’UPC, en Namibie contre le SWAPO, en Afrique du Sud contre l’ANC, en Algérie contre le FLA, etc. les Camerounais n’inventent donc rien !
La bonne strategie
Un grand nombre de personnes demandent le cessez-le-feu suivi des négociations ou d’un Dialogue.
Il faut d’abord le dire, quel que soit le cas, le Gouvernement finira par négocier. Mais s’il le fait maintenant en l‘état de la situation actuelle, il partira dans une position d’extrême faiblesse, lourdement pénalisée par son aventure militaire qui aura échoué. Les Sécessionnistes ne manqueront pas d’y lire une défaite et seront poussés à durcir leurs exigences.
Comme, d’un côté, la Communauté Internationale ne peut entériner la Sécession au risque d’un effet de chaine dans d’autre pays africains, mais que d’autre part, il faudrait bien satisfaire au moins en partie des exigences des Séparatistes, la seule solution de négociation sera une Confédération de deux Etats en bonne et due forme. Autrement dit, le retour à la situation de 1961, mais avec plus d’autonomie encore. En réalité ce sera pratiquement l‘indépendance du NOSO.
Or, c’est justement ce terme qu’il faut absolument éviter. Pour cela, le Gouvernement ne devra jamais aller aux négociations avec les Sécessionnistes sans avoir reçu un appui puissant des Fédéralistes anglophones. Il devra tout faire pour que les négociations opposent, d’un côté, le Gouvernement et les Fédéralistes Anglophones, et de l’autre côté les Sécessionnistes.
J‘insiste sur ce point capital : le Gouvernement doit absolument aller aux négociations avec le soutien d’un mouvement anglophone populaire et puissant de manière à ne pas présenter le problème sous l’angle polarisé Anglophones/Francophones. Car cet angle nous conduit tout droit à une Confédération.
Cela signifie qu’avant toute négociation, le Gouvernement doit procéder à une réforme constitutionnelle où les deux Régions anglophones prennent le statut d’Etats Fédérés avec un droit à une Constitution locale compatible avec le Constitution fédérale, et les droits de représentation qu’avait le Southern Cameroon en 1961, notamment en termes de 2ièmepersonnalité de la République.
Simultanément, les ressources actuellement prévues pour la reconstruction seront affectées à la mise en place de la police des Etats, recrutée par les Gouvernements locaux dont l’une des missions sera la lutte contre la Sécession. Les Forces de Défense et de Sécurité du Cameroun devront alors se faire plus discrètes, confinées dans des camps, mais prêtes à venir au secours de la police locale dans les combats.
Cette police pourrait d’ailleurs être recrutée auprès des Séparatistes qui ont rejoint la Sécession par pur dépit, mais qui restent fondamentalement fédéralistes.
C’est après cette démarche qui devrait être menée dans les 6 mois que le Gouvernement pourra entamer les négociations avec les Sécessionnistes irréductibles avec plus d’arguments à l‘appui.
En définitive, ce qu’il faut retenir ne se résume en 4 points :
1- Il n’y aura jamais de victoire militaire de l’Etat unitaire sur la Sécession
2- La Sécession ne peut être asséchée que par le retour à l’Etat fédéral
3- Le Gouvernement ne doit pas négocier avant d’avoir instauré le fédéralisme avec une police locale qui va sous-traiter la lutte contre la Sécession
4- Les négociations ou le Dialogue ne doivent pas se présenter de manière polarisée opposant les Anglophones au Francophones mais plutôt, un débat opposant un Cameroun fédéral à la Sécession.