La sortie du ministre de l’Enseignement secondaire après l’assassinat du jeune professeur de mathématiques Boris Njomi Tchakounté par son élève de 4ème a suscité l’indignation de plusieurs enseignants. L’un d’eux a envoyé une missive à madame Pauline Nalova Lyonga dans le sens de la recadrer.
«Le ministre des Enseignements secondaires porte à la connaissance du public que mardi le 14 janvier 2020, Monsieur Njomi Tchakounté Boris Kévin, professeur de mathématiques en service au lycée de Panké Djinoum dans la région de l’Ouest», peut–on lire entre autre entre les lignes du communiqué de la patronne de l’éducation secondaire au Cameroun. Lequel communiqué semble mettre un point d’orgue sur le fait que la victime a déserté son lieu d’affectation pour rester en ville.
Courroucé par la mort de son jeune collègue et la réaction de la ministre des enseignements secondaires, l’enseignant Pierre Claver Onana a écrit au ministre Nalova Lyonga. Lebedparle.com s’est procuré l’entièreté de ses propos et vous les dévoile.
Madame le Minesec,
Nous avons reçu et lu avec consternation votre communiqué au sujet du décès tragique de notre jeune et talentueux collègue, Njomi Tchakounte Boris Kevin des suites d’une agression de son apprenant ( en attendant les résultats de l’enquête comme toujours).
Vous nous invitez au calme en nous rassurant que les mesures sont prises. (Oui, nous sommes calmes.)
De quelles mesures parlez-vous quand les enseignants sont victimes de toutes sortes de violence ?
Aujourd’hui, le jeune Boris Kevin a payé le prix de son engagement professionnel, de son amour à former la jeunesse camerounaise. Oui, il n’était qu’un enseignant, comme vous, certes du secondaire, ECI de surcroît, ce vocable qui colle sur la peau des enseignants et qui est devenu leur deuxième patronyme.
Madame le minesec, vous qui représentez ceux qui nous gouvernent dans le secteur éducatif, nous attendons des mesures fortes et des moyens financiers en terme de primes de risque pour continuer à garder le calme. Oui, les risques, nous les en prenons chaque jour que nous entrons dans l’enceinte d’un établissement scolaire, dans une salle de classe.
Oui, nous prenons des risques quand nous voulons correctement faire notre travail comme nous le demande l’éthique et la déontologie.
Oui, nous prenons des risques quand nous voulons seulement faire le travail qui dépasse certains parents à savoir éduquer lesquels parents nous regardent d’en haut.
Oui, nous prenons des risques quand vous estimez qu’un enseignant doit mettre un, deux, trois ans voire plus avant de toucher son premier salaire pendant que les autres en reçoivent étant encore en formation.
Oui, nous prenons des risques quand nous vous supplions de signer les avancements sans parler d’effets financiers qui restent un long serpent de mer.
Oui, nous prenons des risques dans ce pays où l’enseignant n’a pas droit à une mission par an comme les autres fonctionnaires.
Oui, nous prenons des risques lors des examens officiels, stressés de peur de faire une moindre erreur. Faute qui nous coutera l’humiliation d’entendre notre nom à la radio.
Oui madame le minesec, vous êtes une maman, je vous demande de vous mettre à la place de cette mère qui a perdu son fils, peut-être le seul espoir de sa famille.
Oui, le jeune Boris Kevin était affecté quelque part à l’ouest, (loin d’encourager ceux qui abandonnent leurs postes de travail), comment devait-il se rendre et vivre là-bas si les simples frais de relève ne lui étaient pas donnés ?
Oui madame le minesec, imaginez votre enfant à la place de ces milliers de jeunes que le système que vous incarnez violente tous les jours.
Oui, les enseignants sont en pleurs. Ils l’ont toujours été mais cette fois-ci c’est grave.
En plus d’être la risée du reste à cause du traitement inhumain que le système leur inflige, ils doivent maintenant subir toutes sortes de violences surtout physique.
Oui madame, la bouche parle de l’abondance du cœur. Une dernière chose, dites à votre fameuse communauté éducative (puisque nous n’en faisons pas partie) que nous sommes fatigués de nous occuper des enfants abandonnés par leurs parents et la société.
Pierre Claver Onana