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ECRANS NOIRS: SIDIBE Oumar: « Les africains eux même trouvent que nos films sont péjoratifs »

Oumar Sekou

Acteur et réalisateur Burkinabè, SIDIBE SEKOU Oumar est bien connu du public africain pour son rôle dans la série Burkinabè « Commissariat de TAMPY » dans laquelle il incarne le rôle de l’inspecteur Rock. Il est en complétion cette année aux Ecrans Noirs au Cameroun, dans la catégorie « Court métrage international » grâce à son film « Wakman ».

 

Oumar Sekou
SIDIBE SEKOU Oumar alias Inspecteur Rock du « Commissariat de TAMPY », à Yaoundé pour les Ecrans Noirs 2015

LeBledParle.com est allé à sa rencontre. SEKOU Oumar nous présente ici son court métrage de14′ 58 et revient sur les raisons qui selon lui, font à ce que le cinéma africain a du mal s’imposer ailleurs.

LeBledParle.com : Comment trouvez vous le festival Ecrans Noirs?

SIDIBE SEKOU Oumar : Personnellement, concernant l’accueil, la restauration, le logement, le déplacement, j’apprécie beaucoup. Mes camarades, mes collègues Cinéastes, on échange bien. Voilà aussi que des journalistes s’intéressent à ce qu’on fait.

C’est votre première venue au Cameroun ?

Oui, c’est la première fois que je viens à Yaoundé.

Et comment trouvez-vous Yaoundé ?

Il n’y a rien à dire, tout est beau, en tout cas ce que j’ai vu : les immeubles, les voies. La ville est propre, c’est bien.

En quoi les Ecrans Noirs sont une opportunité pour vous ?

Mes confrères et moi on ne se connaissait pas. Et aussi nous sommes une génération montante de Cinéastes africains. Il y a une génération qui vieillit. Elle a besoin de la relève et pour ce faire, il faut qu’on les accompagne, qu’on les suive dans les festivals. Donc venir aux Ecrans Noirs, ca me permet de me frotter aux ainées. Aussi, c’est une occasion de faire connaitre nos films. Je me demande, s’il n’y avait pas cette diffusion est ce que quelqu’un allait voir « Wakman », comment est-ce que vous alliez être entrain de parler de ce film ? (Sourire !)

Parlons un peu de votre film « Wakman » qui est en projection aux Ecrans Noirs. De quoi il est question dans ce film ?

« Wakman » peint en fait une réalité, une culture africaine qui est un peu partagée. En Afrique, quand quelqu’un va mourir, on dit souvent que son fantôme sort et ceux qui sont initiés sont à même de voir que telle personne va mourir. Et la coutume aussi dit que, quand tu pressens, quand tu vois l’âme de quelqu’un qui est entrain d’errer, si on retient son âme, la personne ne meurt pas. Donc ici, mon film parle un peu de ca. C’est un jeune qui a vu l’âme de sa fiancée qu’il doit marier dans 4 jours, ce qui veut dire que c’est un mauvais signe. Il se trouvait qu’elle doit voyager. Mais comme il y’a la possibilité de modifier le destin, il va courir voir les féticheurs pour empêcher un probable accident.

Vous êtes connu au Cameroun grâce au film « Commissariat de TAMPY ». On a remarqué que les films ivoiriens et Burkinabès, très proches, plaisent beaucoup à la population camerounaise. Pourquoi à votre avis vos films plaisent tant au public africain ?

Je viens d’arriver au Cameroun, je ne connais pas trop la logique de fonctionnement, de pensée des camerounais. Mais effectivement j’ai remarqué que les gens suivent nos films, parce que moi on m’a reconnu et ca m’a étonné. Il y a certains qui n’imaginaient pas me voir dans la rue (Sourire). Maintenant voilà, ce pourquoi peut être vous aimez, je me dis que peut être on est plus naturel. Parce que chez nous c’est comme si on est toujours comédien, on joue naturel. Quand on regarde les grands films ailleurs que les gens aiment tant, ils ne se disent pas qui joue dans le film, quand tu vois, tu as l’impression que c’est la vie réelle de la personne. Peut être que c’est ce côté là. Ce n’est pas une récitation, on est dans le film corps et âme. Quand vous regardez « Commissariat de Tampy », où j’incarne le rôle de l’inspecteur Rock, je joue avec l’inspectrice Mouna. Des gens se disent que s’il ne réussit pas à conquérir la femme là, il va mourir (sourie). Alors que si le film fini c’est fini ! On ne se revoit pas. On ne se voit que lors des tournages. Donc on essaye de faire cette complicité pour amener les gens à croire, à s’identifier à nous.

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Vous dites que le naturel est l’une des qualités du cinéma Burkinabè. Maintenant en générale on a remarqué que le cinéma africain a du mal à s’imposer à l’international. Quel est selon vous le problème ?

Il y a des cultures dominantes. Elles ne veulent pas que les cultures minoritaires s’affichent. Je suis allé à Bruxelles, j’étais dans un autre pays européen, je n’ai pas vu de films africains. Peut être qu’il y’a une politique pour ne pas faire voir, c’est mon impression. On traite nos films de calebasses, de films amateurs. Maintenant, si nous, sur le plan national on est même pas vu, comment on peut être vu sur le plan international. Les africains eux même trouvent que nos films sont péjoratifs, qu’on est incompétent. Mais en fait c’est un problème de culture. Il faut peut être qu’il y ait une politique nationale des pays africains pour essayer aussi d’imposer nos valeurs à l’occident. Un film qui n’est pas vu comment l’apprécier? Je crois que sur le plan national il faut qu’on consomme. Quand vous voyez au Nigéria, ils consomment tellement interne et automatiquement leurs films sortent. Le fait de voir tout le temps les films africains, permet de copier la culture. En Afrique on a trop tendance à regarder les telenovelas, et tout ce qui vient de l’extérieur. Donc on peut nous empêcher d’être vu là-bas au risque de valoriser notre culture.

Est-ce qu’il n’y a pas aussi un défaut de formation des acteurs ? Le thème des Ecrans Noirs 2015 est rappelons-le « Numérique et exigence de formation ». Est-ce que la qualité des cinéastes n’est pas également le gros problème ?

Je vais revenir sur le débat culturel. Ce n’est pas un problème de compétence, ni de qualité, parce qu’ici même s’il y en a qui ne sont pas bien formés, il y en a qui sont très bien formés, il y en a qui font de très bons films. Mais comme je l’ai dit il y a une politique pour étouffer ça. En même temps, chacun veut s’initier au cinéma, ils prennent le matériel sans formation, sans financement, c’est normal que la qualité sera au rabais. Il faut qu’on comprenne qu’avec un budget de deux, trois, cinq millions on ne peut pas faire un long métrage. Bon ! Même si on veut que les occidentaux regardent ils ne le feront pas parce qu’il y aura beaucoup de déchets.

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Quelle est la place d’internet dans votre quotidien en tant que réalisateur ? Aujourd’hui ce nouveau monde permet aux réalisateurs de maximiser l’exposition de leurs films.

Chez nous il y a une maison de production qui avait mis un système en place pour pouvoir faire une banque de films et permettre de regarder sur internet moyennant un payement. Je ne sais pas à quel niveau la maison se trouve. Sinon, internet, je l’utilise pour ma promotion. Par exemple, si je prends ma page facebook, s’il y a une info sur moi j’essaye de partager avec le public.

Tout à l’heure j’ai interrogé des cinéastes Camerounais, je leur ai demandé comment ils font pour écouler leur produit, quand on sait qu’au Cameroun, il n y’a pas de salle de cinéma. Sur place au Burkina, comment ca se passe ?

A Ouagadougou (Capitale Du Burkina-Faso, ndlr) il y a deux salles de cinéma vraiment correctes. Et les deux salles réunies ca vaut 1800 places. Il y a une de 1000 places et l’autre de 800 places. Donc quand ont fait un film qui marche, le billet d’entée est à 1000 francs CFA, donc du coup la salle où c’est 1000 places, la recette s’élève à 1 millions et l’autre 800 mille francs CFA. On programme 3 fois par jours, on peut aller jusqu’à 4 fois, ca dépend. Donc en prenant la salle de 1000 places, avec 3 projections par jour, ca fait 3 millions. Si tu programmes le film pendant une semaine, tu peux gagner gros. Et si le film est intéressant, les burkinabès vont regarder. Et ca c’est d’abord dans les deux salles, alors que dans les quartiers, il y a de petites salles qui ne sont pas couvertes, l’entrée est à 500 franc CFA. Du coup ca permet de gagner un peu. Il y a aussi des chaines de télé qui peuvent acheter, mais c’est moins cher. On a aussi des ONG qui achètent les droits des films pour diffuser. Il y a les DVD qui s’achètent mais ce n’est pas beaucoup parce que quand tu fais sortir un DVD, il y a des pirates qui te devancent, sauf si tu te pirates toi-même. Chez nous en tout cas on peut gagner si le film est bon. C’est la condition vraiment. Mais le reste du temps c’est les festivals. Si par exemple ton film gagne un prix au FESPACO tu peux avoir la chance de voyager, d’être programmer dans une salle en Europe.

Merci Sekou Oumar d’avoir accordé du temps à LeBledParle.com.

Merci à vous aussi, c’est gentil.

© Entretien avec Yves Martial TIENTCHEU, LeBledParle.com

 


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