Après la condamnation des militants du MRC par le tribunal militaire, le discours sur le fait que Maurice a lâché ses camarades politiques a refait surface au sein d’une certaine opinion publique. Lebledparle.com vous propose l’Enquête d’AGA médias sur des affirmations récurrentes mais jamais étayées.
Depuis la condamnation de plusieurs dizaines de militants dont des cadres de premier plan – le trésorier national Alain Fogue Tedom , le responsable national de l’organisation Pascal Zamboue, la présidente du mouvement des femmes Awasum Mispa, le porte-parole du président national Olivier Bibou Nissack, entre autres – à des peines lourdes et infamantes allant de 6 mois à 7 ans, des internautes répètent à satiété une antienne déjà entendue à la libération le 5 octobre 2019 d’une centaine de leaders et alliés du Mrc Renaissance dont son président national Maurice Kamto. Que ce dernier manquerait soit de solidarité avec les détenus maintenus en prison. Soit qu’il ne s’est jamais assez engagé pour leur libération.
Pour la première affirmation évidement fausse, ils tiennent pour avérer le fait que lors de la première vague de libérations après quelque 9 mois de détentions, Kamto qui avait déclaré lors de sa pénitence à la suite de sa traduction devant le tribunal militaire de Yaoundé ainsi que 104 autres responsables et alliés du MRC, ne devoir jamais sortir tant qu’il resterait un seul militant aurait pourtant accepté de retrouver sa famille alors que quelques cadres de ce parti dont son premier Vice, Mamadou Mota, étaient encore détenu.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la déclaration attribuée au leader national du MRC avait été faite dans un contexte précis. Celui des poursuites engagées contre ces militants et responsables de l’opposition par le pouvoir à travers la justice militaire dans le cadre des manifestations pacifiques contre les résultats de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018.
Refus d’être libéré seul dès le premier mois de sa détention
Comme pour répondre à ceux qui, dans le cadre des manœuvres en vue de faire tomber la pression interne et surtout internationale (sociétés savantes auxquelles est affilié le juriste internationaliste de grande réputation ; les pays amis du Cameroun, la société civile nationale et internationale, les défenseurs des droits de l’homme, les institutions internationales et régionales dont l’ONU, le Commonwealth, la Francophonie, l’Union africaine, et la Commission de l’Union européenne et le parlement européen), il était acquis dès le premier mois de la détention en masse des personnes arrêtées que la libération individuelle de Maurice Kamto était la priorité pour divers émissaires dont l’avocat français et actuel ministre de la justice de Emmanuel Macron. Sentant le piège, Maurice Kamto, chef du mouvement dit de résistance nationale dans le cadre duquel avaient été organisées les fameuses marches blanches opposa une fin de non-recevoir nette. D’où cette déclaration depuis utilisée hors contexte par ses contempteurs.
En effet, et contrairement aux apparences, Maurice Kamto tint rigoureusement parole. Ainsi, il ne quitta la prison principale de Kondengui, compagnie de ses 6 codétenus ainsi que la totalité des détenus de la prison centrale poursuivis exclusivement pour leur participation aux marches blanches, que lorsqu’il eut la garantie que toutes les personnes détenus sur mandat du commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire de Yaoundé avaient bénéficié du même arrêt des poursuites que lui. Plus, ses émissaires obtinrent qu’ils soient précisés dans l’ordonnance de la justice militaire d’arrêt des poursuites que l’accusation (commissaire du gouvernement) renonçât à toutes poursuites ultérieures pour ces faits-là. D’où la mention » désistement de toutes poursuites » contenue dans le communiqué du Sgprc annonçant la décision attribuée au président de la République Paul Biya.
Mota et autres maintenus en prison et condamnés pour émeutes à Kondengui
Pour bien comprendre ce fait tout de subtilité, les chroniqueurs judiciaires ainsi que les analystes attentifs et autres commentateurs lucides se rappelleraient d’une constante. Chaque fois qu’une décision d’arrêt (ou d’abandon) des poursuites à l’égard de militants ou activistes politiques a été prise depuis l’entrée en vigueur du Code procédure pénale ou le code de la justice militaire, les analystes proches du pouvoir se sont faits forts de rappeler que personnes libérées grâce à ce qui était alors présenté comme « un geste de magnanimité du président de la République Paul Biya », par ailleurs président national du Rdpc. Ce fut par exemple le cas pour les leaders détenus du Consortium (de la société civile anglophone) Agbor Balla et autres; l’ancien député et avocat général Ayah Paul Abine; la journaliste Mimi Mefo ou encore l’écrivain Patrice Nganang. Tout le contraire des militants et alliés du MRC.
Ce qu’il faut savoir, s’agissant de quelques-uns dont le vice-président Mamadou Mota, qui tout en bénéficiant de la fameuse ordonnance d’arrêt des poursuites du 5 octobre 2019 est pourtant resté en détention à la prison centrale de Kondengui pendant un peu plus d’un an, c’est la chose suivante. Pendant sa détention, des poursuites nouvelles avaient été entreprises à son encontre pour des faits ne relevant pas de la même procédure que la centaine de militants et alliés du MRC dont Kamto. En juillet 2019, alors que selon les sources de AGA il était quasiment acquis que tous les détenus du MRC seraient purement et simplement libérés comme l’exigeaient les défenseurs des droits de l’homme ainsi que les partenaires du Cameroun, de curieuses émeutes éclatèrent à l’intérieur de la prison centrale de Kondengui. Mamadou Mota détenu dans ce pénitencier et quelques autres militants du MRC dont Serge Blanco Nana, diasporien Siewe, etc. furent inculpés ainsi que des activistes anglophones dont Manchon Bibixy et autres. C’est cette nouvelle procédure qui valut leur maintien en prison malgré l’abandon des poursuites dans l’affaire principale. Jugés cette fois devant une juridiction civile de Yaoundé, ils écopèrent de 23 mois de prison. Leur libération a eu lieu en 2021 après qu’ils ont purgé la totalité de leurs peines.
Quant à l’accusation selon laquelle Kamto aurait lâché ses camarades récemment condamnés parce que prétendent ceux qui l’affirment » il n’a jamais été aperçu ni au tribunal en train de les défendre » ou encore « il a négocié sa liberté » et d’autres balivernes du même tonneau, il est utile de rappeler que bien qu’avocat internationaliste, Maurice Kamto n’est pas inscrit au barreau du Cameroun. Tout le contraire de nombre de barreaux étrangers où il est spécialisé dans les dossiers relevant du droit international.
Assistance judiciaire et sociale constante des détenus et leurs familles
Par ailleurs, en tant que leader du MRC, il est l’ordonnateur principal de la stratégie de défense juridique et même sociale de ce parti vis-à-vis de ses nombreux militants en réclusion. C’est le parti dont il est le chef qui engage les avocats réunis en collectif tout le temps que durent ces longues et controversées procédures. Il n’hésite pas, partout où il peut, de plaider le cas de se camarades rudoyés, au point où reproche lui est même souvent fait de n’organiser des campagnes que pour ses militants! C’est dire si son rôle à la tête du parti, au cas même où il le souhaitait en tant qu’avocat défendre ses partisans, ne saurait se limiter ou cantonner à la présence devant les prétoires ou assurer le suivi diligenté des procédures. Répartition des tâches dans une véritable organisation oblige !
S’agissant de son absence dans la liste des personnes poursuivies dans le cadre des événements du 22 septembre 2020, et qui valent à ses principaux lieutenants d’être condamnés à des peines infamantes allant jusqu’à 7 ans, le bon interlocuteur pour avoir le fin mot n’est-il pas celui ou ceux qui ont l’initiative des poursuites dans ces dossiers? C’est au gouvernement en général, au parquet militaire en particulier d’expliquer ses actes. Mais c’est un fait incontestable et incontesté que les services de sécurité forcément travaillés par des cercles politiques ont décidé d’isoler le chef du MRC en décapitant via la justice militaire l’essentiel de son équipe opérationnelle. Qui peut croire que c’est la volonté du concerné quand bien même ses adversaires lui prêteraient, sans aucune logique objective, des pouvoirs extraordinaires sur les institutions répressives? Personne de saint d’esprit à mon sens.
Alex Gustave Azebaze