Le code électoral camerounais, la bible des tricheurs
Si des conditions minimales de transparence du processus électoral sont garanties, le scrutin majoritaire à un tour aboutira au Cameroun à une légitimité très faible du prochain Président de la République. Certains hommes et femmes politiques ayant commencé à jouer avec la fibre régionaliste, on peut se retrouver avec un président élu par deux ou trois régions mais second dans cinq autres… Il serait présenté comme démocratiquement élu et pourtant son élection n’obéirait pas aux standards de représentation que le Cameroun impose aux candidats indépendants qui doivent par exemple récolter un nombre égal de signatures dans toutes les régions.
Si es élections à un tour doivent être maintenues, il faut intégrer une règle que nous avons vu à l’oeuvre au Nigéria. Il y faut déjà au moins 25% des suffrages exprimés. Au Cameroun, on peut devenir président avec 10% si par exemple les autres candidats réunissent chacun entre 4,99 et 0,01. Ce sont des situations extrêmes, mais les législateurs sérieux prennent en compte tous les cas de figure.
En plus du pourcentage plancher de 25% requis au Nigéria, dont la diversité et les tensions communautaires sont encore plus fortes qu’au Cameroun, le président élu doit avoir gagné dans au moins deux tiers des Etats, soit au Cameroun dans au moins six régions francophones et au moins une région anglophone. Que vaudrait un président de la république élu partout sauf au Nord-Ouest et au Sud-Ouest ? Ou premier partout sauf dans les régions du Nord, de l’Extrême-Nord et de l’Adamaoua ? Ou premier partout sauf dans le Sud, le Centre, et l’Est ?
L’un des problèmes du législateur est de toujours penser le Cameroun comme si Paul Biya serait toujours là et qu’il serait possible d’imaginer une personnalité du RDPC gagner plus de 60% quand Paul Biya, avec toute sa force et toute son expérience n’a obtenu que 71%. A peu près le même pourcentage que sept ans plutôt (2011) mais avec moitié moins de voix exprimées en sa faveur. En d’autres termes, les voix de Paul Biya en 2011 sont plus ou moins égales aux voix totales validement exprimées en 2018.
C’était une première alerte, le système est arrivé au bout de sa logique taillée sur mesure. En 2025, qui au Cameroun peut prétendre réunir autour de soi, 60% ? Convaincre la majorité absolue des Camerounais en l’espace de deux ou trois ans, du Nord au Sud, d’Est en Ouest ? Pas même Paul Biya. Ni a fortiori n’importe quelle autre toxine du système.
Il y a près de trente millions de camerounais, Paul Biya a été élu en 2018 par deux millions d’entre eux (près de quatre millions en 2011), sur le plan de la légitimité démocratique, même en ignorant le bourrage des urnes, en ignorant sa durée, son âge, l’usage abusif qu’il fait des ressources de l’Etat pendant sa campagne, Monsieur Bazoum est plus légitime que lui. L’observateur externe pourrait croire en un déclin de la population camerounaise, il s’agit d’un effacement des voix, le parti au pouvoir empêche la population de voter pour mieux fabriquer des électeurs fantômes.
Pour fausser le jeu démocratique, ils vont attendre pour, dans l’entre-soi de la chambre d’enregistrement parlementaire, faire adopter de menus changements de dernière minute. Assez pour faire illusion. Pas assez pour que ça tienne. Voilà illustré leur refus de savoir la volonté du peuple.
Sachez-le, cette fois ça ne passera, aucune manipulation des passions communautaires ne va sauver ce régime, la chute est prochaine et certaine si Paul Biya qui en a encore l’occasion ne choisit pas de partir avec grâce. S’il ignore les conseils à faire passer tel ou tel par la force ou par la fraude, il tiendra sa plus belle réalisation pour le Cameroun, un pays ouvert.