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Eric Essono Tsimi : « Ce n’est pas la France qui peut moraliser le Cameroun aujourd’hui »

Dans un texte publié sur son compte Facebook, le mercredi 21 juin 2023, l’universitaire Eric Essono Tsimi parle de la venue avortée de Jean-Marc Berthon, Ammbassadeur des causes LGBT. Etant contre son entrée sur le territoire camerounais, il pense que la France est très mal placée pour donner des leçons de Morale au Cameroun. Lebledparle.com vous propose le texte intégral.

Tsimi Essono Eric
Eric Essono Tsimi, Universitaire - DR

Pour une Interdiction d’entrée sur le territoire camerounais de M. Jean-Marc Berthon

C’est seulement en 2010 que la France a cessé de considérer la transidentité comme une maladie mentale. Et si aujourd’hui elles peuvent s’identifier comme non-binaires (ni homme ni femme), les personnes transgenres doivent encore passer par des processus médicalisés lourds pour faire reconnaitre leur identité. C’est donc cette France qui chasse encore ses démons transphobes, qui se cherche sur la question et ne reconnait que Madame et Monsieur, c’est cette France qui aujourd’hui veut moraliser le Cameroun, à domicile. A Paris, toute tentative de féminiser certains mots ou de refléter les évolutions légales de ces dernières années dans le langage se heurte à des crispations conservatrices et des pesanteurs sociales. Les études de genre commencent à peine à y être acceptées. Et les statistiques au sujet des violences physiques à l’égard des personnes LGBTQIA+ restent importantes.

Pourtant la mission civilisatrice de Paris à Yaoundé, du 27 juin au 1er juillet, veut enseigner aux petits Noirs une science qui en France n’a pas encore été bien assimilée. Il pourrait s’agir de provocation. Par exemple un acte de provocation pour faire avancer une cause: malheureusement tout dans la démarche montre qu’ils ne s’intéressent pas à l’épanouissement et à la protection des personnes LGBTQIA+ au Cameroun. On est dans la maladresse, la stupidité, des aventures personnelles de gens qui n’ont absolument rien à proposer à l’Afrique, rien à donner, et qui se cachent derrière des étiquettes pour organiser des petites sauteries avec des jeunes en détresse, qui pour aller en Europe sont prêts à mourir dans le désert et forcément avec plus de précipitation pourraient se mettre à genoux, tout avaler, si un visa leur était promis.

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Il y a eu cette année plusieurs féminicides mais aucun lynchage ni poursuite judiciaire contre des personnes LGBTQIA+ qui parfois, tout en étant au Cameroun assument ouvertement leur sexualité et, dans les réseaux sociaux sont suivis et aimés par des milliers de camerounais qui les adorent.

Ma question au ministère camerounais des relations extérieures est celle-ci : pourquoi écrire au ministère de l’Intérieur, lui demander d’empêcher la tenue de cette conférence, au lieu de s’assurer que M. Berthon ne rentre pas au Cameroun ? Chaque semaine des visas sont refusés à des fonctionnaires ou des chercheurs camerounais de bonne foi: il y a eu cette semaine une tribune dans Le Monde au sujet de ce paradoxe consistant à promouvoir la destination études en France sur le papier tout en durcissant, sur le terrain, les conditions de délivrance de visa aux étudiants et aux chercheurs. Au nom de quoi M. Berthon qui n’est ni commerçant, ni artiste ni universitaire viendrait éclairer les foules ? Sa démarche est politique. Un intellectuel camerounais, Moussa Njoya, et d’autres au même moment, s’étonnait avec raison de ce que les missions commerciales sont dépêchées en Chine, en Arabie Saoudite, mais au Cameroun, toujours, il s’agit de prêcher la haine anti-russe, anti-chinoise, de distraire, de distraire, mais de quoi au juste ? Qu’est-ce qui réellement se cache derrière cette autre distraction ?

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Les Camerounais victimes d’abus homophobes peuvent se défendre eux-mêmes et ne refusent pas d’être aidés, ils peuvent se battre pour leur cause et ils le font depuis des années, ils ne veulent pas des conférences-spectacles, ils ne veulent pas qu’une fois de plus des Blancs viennent parler à leur place et définir pour eux le sens de leur combat, ils se méfient de cet homonationalisme vertical. Ils veulent des visas pour circuler, pour étudier, pour commercer, ils veulent des financements pour investir, ils veulent la fin du CFA, ils veulent du travail, et de manière générale, ils possèdent bien leur corps, davantage même que les femmes cis (hétérosexuelles). Et une conférence sur le sujet de l’identité de genre doit se tenir dans un milieu universitaire, par respect pour la société camerounaise, qui a le droit de se chercher et discuter avec elle-même de ses repères sans parasitage externe.

 


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