Eric Essono Tsimi, universitaire et écrivain, partage ses réflexions sur la situation politique en Afrique, en particulier au Gabon, et sur les relations entre la France et les pays africains.
Fin des régimes granitiques
Essono Tsimi estime que l’accession du général Nguema au sommet du Gabon marque la fin des régimes autoritaires en Afrique. Il met en garde contre la simplification de la politique africaine en la réduisant à une opposition entre ceux qui soutiennent la France et ceux qui s’y opposent. Il souligne que les dirigeants africains ont leurs propres motivations et alliances.
Risque pris par le nouveau leader gabonais
Il salue le fait que le général Nguema prenne des risques en s’opposant à d’autres dirigeants africains, notamment le président du Tchad et le président du Cameroun, Paul Biya, qui est au pouvoir depuis longtemps. Il estime que la politique française en Afrique est basée sur le refus de la repentance, le refus de quitter l’Afrique et le refus des réparations et des restitutions, mais qu’une telle position n’est pas viable à long terme.
Situation au Niger
Eric Essono Tsimi soutient que ce qui se passe au Niger est une tentative de recolonisation avortée et que si le Niger demande à la France de partir, la France devrait respecter le droit international et partir.
Solidarité africaine
Il appelle à la solidarité entre les pays africains pour lutter contre l’emprise française et aider les pays comme le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Il souligne que l’objectif ne devrait pas seulement être la démocratie, mais aussi l’avènement de nouveaux dirigeants qui reflètent les aspirations de la jeunesse africaine.
Ci-dessous, l’intégralité du texte
Le Gabon, un mauvais putsch ?
C’est un peu rapide de classer ce putsch comme étant un “arrangement”. L’histoire nous enseigne que les créatures échappent trop souvent à leurs créateurs, et quelle que soit la manœuvre derrière l’accession du général Nguema au sommet du Gabon, c’est la fin des régimes granitiques; c’est un piège de croire que si une personnalité se démarque et ne ferme pas les frontières, ni n’est hostile au président Macron (qui mérite tout le mépris du monde) elle est forcément à la solde de l’Elysee. Dans ses discours il cite plus volontiers les USA comme exemple donc encore une fois c’est pas aussi simple son alignement, même Ali Bongo essayait déjà à sa façon de s’éloigner Paris, il n’y a rien à faire donc la Francafrique est à l’agonie.
Le nouvel homme fort gabonais prend beaucoup de risques, c’est à mettre à son crédit, il n’hésite pas à s’attaquer frontalement à son homologue putschiste du Tchad et même au président camerounais qui est ne l’oublions pas à la tête de la plus longue transition de l’histoire. Arrivé pour remplacer Ahidjo, Paul Biya a ensuite régulièrement changé de constitution, et imposé à son peuple des mandats illimités de plus en plus longs.
La politique de la France en Afrique repose sur deux ou trois refus, trois piliers philosophiques: 1. Le refus de la repentance 2. Le refus de quitter l’Afrique (la laisser respirer). 3. Le refus des réparations et des restitutions (y compris des territoires qu’elle a illégalement naturalisés, cf. Conflits avec Madagascar ). Cette position de cow-boy n’est pas tenable sur le long terme, soixante millions de français ne peuvent pas soumettre deux milliards de personnes en Afrique.
Ce qui se passe au Niger est soutenu par la propagande du Monde et certaines organisations internationales, c’est un cas de recolonisation avortée qui visait le Sahel. La colonisation d’il y a un siècle a eu lieu grâce à divers mécanismes -puissance militaires, missions scientifiques ou religieuses, traités, arrangements diplomatiques multilatéraux (Nations Unies)-. Si le Niger demande à la France de partir, elle doit plier bagages et partir, il ne s’agit pas pour elle de reconnaître un gouvernement ou un régime mais d’avoir une posture d’Etat respectueux du droit international.
Nous devons aider le Niger, le Burkina, le Mali. A combattre parce que nous sommes au Cameroun, au Sénégal, en Côte d’Ivoire le noeud gordien de cette emprise maléfique. En Afrique centrale, avec le Gabon et le Tchad, on a des coups d’Etat au rebond, des putschs au seuil, liminaux, il y a donc une méfiance légitime chez ceux qui rêvent d’une vague decoloniale avec des Assimi Goita ou Ibrahim Traoré partout… En Afrique centrale jusque-là ils arrivent comme des coups d’état de neutralisation de possibles successions démocratiques. Le plus important n’est pas la démocratie en soi mais l’avènement d’hommes et de femmes nouveaux qui reflètent les aspirations de la jeunesse à être maîtresse de ses ressources.