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Florian Ngimbis à propos du contentieux post électoral : « Les Camerounais ont découvert avec effroi les absurdités d’un système taillé sur mesure »

Florian Nguimbis

L’écrivain, chroniqueur et blogueur camerounais a signé ce jeudi 18 octobre 2018, une tribune dans Jeune Afrique, dans laquelle il a fait l’autopsie de l’élection présidentielle et des audiences du contentieux post électoral diffusées pour la première fois dans les écrans de télévision.


Florian Nguimbis
Florian Ngimbis – DR

L’affaire peut sembler banale pour un observateur étranger mais, pris à l’aune du Camerounais lambda, il s’agit d’un événement inédit dans un pays où les scores staliniens qui réélisent Paul Biya depuis trente-six ans ont définitivement laissé dans l’air une odeur de soufre. Les débats publics et retransmis en direct sur la chaîne nationale ont captivé toute la République.

Le peuple camerounais tout entier s’est arrêté de vivre pour écouter. Parfois sous la pluie, devant des postes de télévision de rue. Il retenait son souffle. Un souffle court, ponctué par les envolées lyriques des avocats des parties et l’enchaînement des rebondissements.

Là où le parti au pouvoir s’attendait à une joute juridique soporifique, ponctuée de questions de droit, l’opposition camerounaise a saisi l’occasion de cette diffusion en direct pour mener un baroud d’honneur, en transformant le contentieux électoral en véritable procès des institutions camerounaises en général et du système électoral en particulier.

L’enjeu de ces auditions, qui examinaient les recours en annulation totale ou partielle du scrutin, introduits par les candidats de l’opposition, était faible. Dans les chaumières et bars qui accueillaient les téléspectateurs, les convictions étaient presque faites : Paul Biya serait déclaré vainqueur. Des chiffres avaient fuité. Comme une pilule administrée à doses homéopathiques pour en atténuer l’amertume.

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Paul Biya déclaré vainqueur… mais vainqueur de quoi ?

Le peuple camerounais, observateur généralement lointain d’une élection dont il est pourtant le centre, a découvert l’absurdité de la pièce kafkaïenne dont il est un figurant. Un Conseil constitutionnel dont certains membres sont des camarades de parti du candidat de la majorité présidentielle. Des membres nommés par ce dernier, ci-devant président du Conseil national de la magistrature.

Des magistrats dont l’un des plus influents est également président de la Commission de recensement des votes. Le comptable des élections qui se retrouve à la table de la validation de ses comptes. Un conflit d’intérêts malsain, mais vite botté en touche, en même temps que la demande de récusation formulée par l’opposition.

Les Camerounais ont découvert avec effroi les absurdités d’un système taillé sur mesure pour entretenir un flou dont la finalité lui apparaît de plus en plus clairement. Ils ont été pris de vertige devant ces vides juridiques qui profitent invariablement au camp du pouvoir. Ils ont compris pourquoi leurs villes sont tapissées quasi exclusivement d’affiches bleues, la couleur de la réclame racoleuse de celui qui se présentait comme le garant de la force, celle de l’expérience censée lui être conférée par sa longévité.

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L’opposition camerounaise a su que ce peuple regardait et a transformé le prétoire en tribune. Une tribune qui a mis les Camerounais face aux démons qui ont animé la campagne de bout en bout. Le tribalisme larvaire, parent de l’exclusion ; la crise anglophone, reléguée cyniquement au statut de crise « résiduelle » ; la peur, celle du lendemain, celle de morts probables en cas de manifestations, ces rassemblements interdits car redoutés au point où on interroge le patriotisme de ceux qui font hurler les sirènes de la rue au lieu de s’offusquer devant la violence de ceux qui répriment les manifestations dans le sang.

Ce peuple sait désormais qu’il est au cœur de ce dialogue, de cette partie de poker menteur dont il sera l’arbitre, soit en relançant, soit en se couchant pour sept ans de plus.


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