Un pharmacien de Château-sur-Epte a été condamné à trois ans de prison pour avoir surfacturé pour plus de 500 000 euros à l’Assurance maladie. Plaidant la bonne foi et la mauvaise gestion, il écope malgré tout de prison ferme et de plusieurs dizaines de milliers d’euros d’amende.
Depuis 2015, il se passait des choses pas claires à la pharmacie des Saints-Clairs, à Château-sur-Epte. À tel point que le patron de l’officine était sanctionné par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, après qu’un patient du Val-d’Oise s’était rendu compte, en consultant ses relevés de la CPAM, que le pharmacien continuait de facturer 8 000 euros de soins mensuels son traitement contre le cancer suspendu depuis plusieurs mois. L’étape suivante de ce signalement s’est jouée mardi devant le tribunal judiciaire d’Évreux.
« Une erreur »
Le pharmacien, Serge Donkeng Alimeta, comparaissait pour répondre d’escroquerie ainsi que pour avoir tenté de s’opposer à deux inspecteurs du travail venu contrôler son établissement, le 5 juin 2020. À la barre, cet homme de 51 ans, aux cheveux ras et à la forte stature enveloppée dans une veste matelassée, se lamente : « C’est une erreur, monsieur le président. Je le reconnais, il y a peut-être eu une mauvaise gestion de ma part. » Le président Franck Doudet, quoiqu’un peu surpris, réplique : « Ça n’est pas du Doliprane que vous avez surfacturé, mais des médicaments parmi les plus chers. Pour exemple, ces 175 boîtes d’un produit à 1 675 € l’unité. C’est certainement une grosse erreur. »
Et quand le magistrat pointe de façon plus précise certaines manipulations douteuses, comme une double facturation, l’apothicaire a la mémoire qui flanche. Quand il la retrouve, c’est avec une propension à rejeter la faute sur l’une de ses employées. Trois d’entre elles, dont il s’est séparé, le poursuivent d’ailleurs devant le tribunal des prud’hommes.
Au fil des débats 2019, apparaît aussi que le comptable de Serge Donkeng Alimeta a refusé de valider les comptes de la pharmacie, estimant qu’il ne pouvait justifier l’augmentation de la marge bénéficiaire, passée de 30 à 50 %. Et pour cause ! Sur le banc des parties civiles, elles sont cinq à réclamer réparation : tout d’abord les caisses primaires d’assurance maladie du Val-d’Oise et de l’Eure, réclamant la bagatelle de 519 840 € de remboursement ; le Conseil de l’ordre des pharmaciens qui souhaite 10 000 € ; l’inspecteur du travail rudoyé qui demande dédommagement à hauteur de 1 000 €, tout comme le syndicat CFDT.
Prison et amende
Quant au prévenu, il continue de reconnaître a minima son implication, voire réfutant carrément ce qui lui est reproché à l’égard de l’inspecteur du travail. Me Gabriel Kengne, son avocat, va tenter de démontrer la bonne foi de son client. Il n’y réussit d’ailleurs pas trop mal. Alors que le parquet avait requis cinq ans de prison, dont trois ferme et 100 000 € d’amende pour le prévenu et 50 000 € pour la pharmacie en tant que personne morale, le tribunal se montre moins sévère.
Il condamne le pharmacien à trois ans de prison, dont un ferme, ainsi qu’au remboursement des sommes surfacturées. Serge Donkeng Alimeta se voit frappé d’interdiction d’exercer durant trois ans et devra s’acquitter d’une amende de 50 000 € en son nom propre. Sa pharmacie est également condamnée à 20 000 € d’amende. Les parties civiles sont indemnisées : 3 000 € pour le conseil de l’ordre, 400 € chacun pour l’inspecteur du travail et le syndicat. Le montant du remboursement des caisses primaires sera affiné lors de l’audience sur intérêts civils, prévue le 19 octobre prochain.
Source : paris-normandie.fr