Dans son éditorial « Sauvons la République ! » parue dans Mutations du lundi 28 janvier 2019, Le Directeur de publication du quotidien privé de la rue de l’aéroport revient sur les événements du samedi 26 janvier 2019 au Cameroun et dans la diaspora camerounaise. L’éditorialiste montre fort opportunément que le droit de manifestation au Cameroun est réprimé par le régime en place.
Sauvons la République !
Un nouvel épisode du mélodrame camerounais s’est écrit samedi 26 janvier 2019. Sur la scène, chaque acteur s’est appliqué à mettre du sien afin que l’intrigue sente le soufre. Résultat des courses, les « marches blanches » organisées par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) se sont soldées par quelques échauffourées et des interpellations à Yaoundé, Bafoussam, Mbouda…Mais, à Douala, elles ont pris un tour sanglant. Face à des manifestants jugés agressifs, les forces de l’ordre ont réagi de manière disproportionnée, blessant quelques-uns dont Célestin Djamen et Michèle Ndoki.
A Paris, Berlin et Londres, les évènements sont allés bien au-delà du caractère « pacifique » de la mobilisation. Une armée d’enragés a vandalisé l’ambassade du Cameroun en Allemagne et en Grande-Bretagne et commis un « coup d’Etat » en France. Notre représentation diplomatique en Hexagone a été mise à sac, les symboles de l’Etat profanés, la photo officielle du chef de l’Etat déclaré élu par le Conseil constitutionnel remplacée par celle du candidat classé deuxième.
Qu’on se le dise. Depuis plus de 10 ans, le pouvoir de Yaoundé, à travers les autorités administratives, s’est résolu à ôter à l’opposition et à toutes les organisations qu’il considère comme politiquement incorrectes, le droit de manifester, pourtant consacré par la Constitution, sous l’immuable prétexte de « menace de trouble à l’ordre public ». Même des réunions publiques, qui participent d’un simple banquet citoyen, sont proscrites. Le tout dans un élan partisan et sur fond d’arrogance.
Le ressentiment des forces qui s’offrent en alternatives mijote donc depuis longtemps et seuls les tenants du pouvoir n’ont pas prévu que le couvercle finira par sauter. Seuls les faucons qui nous gouvernent n’ont pas vu venir cette rupture violente du contrat social. Jean-Jacques Rousseau pose justement dans son ouvrage « Du contrat social » que « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir ». Par les actes qu’il pose, notamment en matière de liberté d’expression, l’ordre gouvernant emporte-t-il encore la légitimité nécessaire à sa puissance ?
Bien comprise et étendue à d’autres pans de la vie nationale, cette question est sans doute éclairante sur la désaffection populaire croissante vis-à-vis du système qu’incarne Paul Biya, laquelle ne se traduit pas nécessairement dans ses scores électoraux.
Cela dit, l’aspiration légitime à la liberté d’expression ne doit en aucun cas être éclipsée par l’anarchie et la sauvagerie. « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », affirme encore Rousseau. Dans un monde civilisé, les désirs et appétits de pouvoir ne doivent donc pas prendre le pas sur la loi, même perçue comme mauvaise, auquel cas, on déboucherait sur l’état de nature.
Dans ce qui s’est joué samedi et bien avant, le peuple se sent certainement plus concerné par l’appel au dialogue pour normaliser la situation dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Et par le scandale de la Coupe d’Afrique des nations que le pouvoir tente de masquer par une acrobatie sémantique.
Au demeurant, quelle que soit la gravité des revendications, celles-ci doivent s’exprimer et se résoudre dans le cadre de la République. La République étant la chose commune, personne ne doit la confisquer pour des desseins inavoués. Lorsque la République est donc menacée, le peuple doit se lever, comme un seul homme, pour la sauver. Eh bien, sauvons la République !