Les barbouzes
Le couperet est tombé dans toute sa glauque gravité renversante, déchirante et choquante dimanche. Dans un état de putréfaction et portant des traces de torture, la dépouille mortelle de Martinez Zogo, animateur populaire et chef de chaîne de Amplitude FM, a été retrouvée dans la périphérie de Yaoundé. Le présentateur de l’émission de grande audience « Embouteillage » était porté disparu il y’a plus de cinq jours. Sa famille biologique et son entourage professionnel étaient sans nouvelles de lui.
Martinez Zogo avait choisi d’être la voix des sans voix, sur un ton et un style qui tordaient souvent les règles éthiques et déontologiques.
Dans un pays où la désaffection entre la justice et les justiciables enfle chaque jour, il recevait des plaintes et dénonciations des personnes de toutes les couches sociales, parmi les plus insoupçonnées. Malheureusement il instruisait généralement ses dossiers dans son tribunal radiophonique uniquement à charge et en direct. Ça plaisait, ça déplaisait, Martinez n’en avait cure, déterminé qu’il était à poursuivre son œuvre de « salubrité publique ». Les sanctions du Conseil national de la communication (Cnc) et son bref séjour en prison glissaient sur lui comme sur les plumes d’un canard. Les intermèdes successifs étaient pour lui un repos du guerrier et il annonçait à chaque fois son « retour fracassant » à l’antenne.
Profitant de son audimat composite et obèse, les clans politico- économico- mafieux qui s’affrontent pour le contrôle de l’après-Biya verront en Martinez un instrument précieux et déterminant pour assouvir leurs desseins. Conscient de sa force de frappe, l’animateur va souvent mettre ses services aux enchères. Dans l’antichambre de son émission fétiche, l’embouteillage des offres se fera toujours aussi palpable, inénarrable et finalement inextricable.
Dans cette sorte de ménage polygamique, l’époux a toujours une préférence qui tient à un détail. De là à fâcher les co- épouses, il n’y a qu’un pas…
Ces derniers temps, l’animateur a même pris soigneusement des distances avec un de ces clans et a multiplié des tirs nourris à son encontre. Ça faisait grand bruit et grand mal, assurément.
L’histoire aurait pu seulement prêter à sourire si on en restait là.
Hélas, devenu gênant voire incontrôlable comme le monstre de Frankenstein, la tête de Martinez a été mise à prix. Les barbouzes qui ont informalisé le fonctionnement de la République ont manifestement décidé de lui ôter la vie.
Comme hier pour Mgr Jean-Marie Benoît Bala, prélat aux convictions en acier trempé, qui avait été pris pour cible par de puissants adeptes de pratiques contre-nature, Martinez est dans l’eau, pas de la Sanaga, mais dans celle infecte de la barbouzerie régnante. Rien, mais alors rien ne peut justifier une telle inhumanité.
D’ici on ne peut que crier justice pour Martinez. Si celle des hommes louvoie, celle de Dieu ne faillira point!