La proposition d’un cessez-le-feu entre les sécessionnistes des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO) du Cameroun et l’armée régulière du pays revient très souvent comme étape quasi-incontournable pour donner une chance au dialogue pour la paix. Mais les partisans de la solution militaire, quand ils ne demandent pas avec qui on veut que le gouvernement de la république dialogue, se montrent outrés qu’on puisse suggérer que l’armée dépose les armes alors que c’est aux sécessionnistes qui ont pris illégalement les armes qu’il faut l’exiger.
A force de l’entendre à longueur de débats, l’opinion camerounaise semble avoir admis que « cessez-le-feu » et « dépôt des armes » ont la même signification. Surtout que des personnalités politiques, des universitaires, des experts des droits de l’homme et des journalistes se servent indifféremment des deux expressions sans que personne ne relève qu’il s’agit d’un amalgame qui fausse la compréhension des solutions proposées. Pourtant les deux notions sont bien distinctes : le cessez-le-feu est « l’arrêt ou la suspension des hostilités en période de guerre », tandis que déposer les armes revient à « reconnaître sa défaite, se désarmer, se rendre pour arrêter le combat ».
Si pour certains, confondre « cessez-le-feu » et « dépôt des armes » peut relever de l’ignorance (y compris parmi ceux qui proposent le cessez-le-feu au NOSO), la carrure intellectuelle de beaucoup donne plutôt à penser qu’ils font une confusion volontaire dans un but de manipulation. Car il est bien connu, notamment des politologues, des diplomates ou des praticiens du droit humanitaire, que le cessez-le-feu est une trêve formelle dans une guerre ou un conflit armé, fruit d’un accord bilatéral « négocié et signé par des représentants d’au moins deux parties », généralement dans le but de lancer un dialogue de paix. Ceux qui sont contre l’option du dialogue pour mettre fin à la guerre scélérate du NOSO ont donc certainement intérêt à mettre en avant des arguments faussement « républicains » faisant croire que réclamer un cessez-le-feu revient à demander à l’armée de déposer les armes, mettant ainsi sur un pied d’égalité des bandes armées terroristes et l’armée régulière.
L’histoire des guerres à travers le monde est parsemée d’épisodes de cessez-le-feu. Refuser de l’envisager dans un conflit fratricide comme celui du NOSO, en suggérant que ce serait appeler les belligérants à déposer les armes, donc à piétiner l’honneur des forces de sécurité et de défense qui seules ont le droit de porter des armes, c’est faire preuve de cruauté. Car c’est opter pour l’imposition de la paix par la victoire militaire de l’une des parties en guerre, après une horrible accumulation de morts. Est-il possible de rejeter l’éventualité d’une paix par le dialogue si on n’a pas des intérêts bassement égoïstes dans une guerre ?
Le cessez-le-feu, contrairement au dépôt des armes, ne consacre ni la victoire, ni la défaite de l’une des parties à une guerre. De même qu’il ne rabaisse ni ne glorifie aucun des belligérants. Mais il ouvre une voie royale pour un dialogue franc pouvant aboutir à la paix. Les esprits malins doivent savoir qu’une guerre fratricide n’a que des perdants, et pas de gagnant. Même ceux qui croient en tirer des richesses matérielles ignorent simplement qu’on ne vend jamais son humanité qu’à perte.
Charles MONGUE-MOUYEME