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Jean de Dieu Momo : « Si je m’étais tu, ils m’auraient eu…»

Jean de Dieu Momo, Le ministre délégué auprès du ministre de la Justice du Cameroun
Jean de Dieu Momo, Le ministre délégué auprès du ministre de la Justice du Cameroun

C’est propos du ministre délégué à la Justice, son rapportés par nos confrères de Jeune Afrique dans un article commis dans son site internet le 25 aout 2021 ayant pour titre : « Jean de Dieu Momo, truculent ministre de Paul Biya et opposant repenti ».

Momo Jean de Dieu
Jean De Dieu Momo (c) Droits réservés

Dans cet article dans nous vous livrons l’entièreté, le journal ressasse le parcours politique de Momo et se projette dans son avenir après Biya.

Lebledparle.com vous propose cet article signé de Clarisse Juompan-Yakam pour Jeune Afrique

 Ministre délégué à la Justice depuis janvier 2019, il ne craint ni de fâcher ni de déplaire. Portrait d’un homme qui a fait de l’outrance son fonds de commerce et du revirement, le moteur de sa trajectoire en politique.

« Pas lui ! » Beaucoup ont été surpris d’apprendre que Jeune Afrique s’intéressait à Jean de Dieu Momo, ministre camerounais délégué à la Justice. Ex-pourfendeur du régime de Paul Biya, il est surtout connu pour ses vidéos, souvent virales, dans lesquelles il se livre sans filtre ni retenue. Dans l’une d’elles, il s’émerveille d’être membre du gouvernement, se félicitant de s’être « repenti ». Dans une autre, il disserte sur l’art de déguster le Nkuii, un plat typique de l’ouest du pays.

« Ministre du peuple » pour les uns, « politicard canaille » pour les autres, Jean de Dieu Momo se sait clivant. Alors, d’entrée de jeu, il tente de créer une connivence avec son interlocuteur, comme pour donner tort à ses détracteurs. Jovial, il déroule méthodiquement son histoire : une enfance heureuse dans une fratrie de 56 enfants dont il est l’aîné ; la détermination de son père, artisan tailleur, à les envoyer tous à l’école – même si les filles sont encouragées à se marier dès que possible ; ses pérégrinations de l’université aux prétoires, jusqu’à l’affaire des neuf disparus de Bépanda, qui le révèle aux Camerounais.

Nous sommes à la fin des années 1990. Le Cameroun connaît une période de grande insécurité. Pour rétablir l’ordre, le gouvernement crée le Commandement opérationnel, une unité composée de policiers, de militaires et de gendarmes, qui s’illustrera par sa brutalité et ses exactions. Le 23 janvier 2001, neuf personnes sont interpellées dans le cadre d’une enquête pour vol. Elles ne réapparaîtront jamais, probablement exécutées.

Frondeur

Jean de Dieu Momo est l’avocat des familles des disparus. Malgré les menaces de mort, il s’investit corps et âme et finit par se forger une réputation de frondeur sans peur et sans reproche. Mais l’affaire laisse des traces. Après le procès, le conseil voit ses autres gros clients se détourner de lui. « Pour plaire au gouvernement », analyse Momo, qui reconnaît avoir passé des moments difficiles entre 2001 et 2005.

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Une bouffée d’oxygène viendra du Tribunal pénal international pour le Rwanda, où il siègera comme avocat principal. De retour au Cameroun, il crée son parti, les Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (Paddec), et se présente à l’élection présidentielle de 2011 face à Paul Biya. Avec à peine 0,5 % des voix, Momo est classé huitième (sur 23), devant des opposants historiques comme Anicet Ekanè. Une entrée en politique remarquée, sur laquelle celui qui se considère comme « la révélation de la présidentielle de 2011 » va capitaliser à sa façon.

En 2018, penaud, Jean de Dieu Momo confesse s’être trompé. Opérant un virage à 180 degrés, il devient l’un des premiers soutiens de celui qu’il a combattu durant trois décennies. « J’étais un opposant extrémiste. Je me suis “déradicalisé” au contact de la réalité », explique-t-il. Au sein d’une coalition de petits partis, le « G20 », que les mauvaises langues ont tôt fait de rebaptiser le « G faim », le président du Paddec mouille la chemise pour la réélection de Paul Biya.

Le chef de l’État n’est plus « un dictateur qui affame le peuple » mais « un grand humaniste chrétien, qui pourchasse les prédateurs des biens de la République ». Médusés, ses ex-partenaires de l’opposition crient à la trahison. On menace de le lyncher s’il s’aventure dans son Bafou natal, dans l’Ouest. Il jure que ces attaques ont renforcé sa détermination. « Seul contre tous sur les réseaux sociaux, j’étais Bruce Lee au milieu d’une bande de brigands, fanfaronne-t-il. Je cognais de tous les côtés, rendant coup pour coup ! »

« Si je m’étais tu, ils m’auraient eu », poursuit-il. Depuis, il a pansé ses blessures, et il jubile désormais en voyant ceux de ses amis qui l’avaient renié baisser les yeux quand ils le croisent lors des cérémonies officielles. « L’homme de la rue se reconnaît en moi et je compte plus de détracteurs virtuels [sur les réseaux sociaux] que réels. »

Virulent, le verbe haut, l’argumentaire parfois simpliste mais sans doute est-ce à dessein, Jean de Dieu Momo sait comment ulcérer ses adversaires. S’il dit avoir gardé une âme de défenseur des droits humains, il a remisé au placard son costume d’activiste. Du haut de son 1,90 m, il se pose désormais en « républicain » et a fait évoluer son discours.

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Ainsi, il dit comprendre avec le recul que le Commandement opérationnel ait pu recourir à des solutions extrêmes pour éradiquer l’insécurité au regard de la situation dans les régions anglophones. « L’État prend ses responsabilités », lâche-t-il. Propos incongrus ? « Non, un défenseur des droits humains n’a pas à dérouler le tapis rouge à des criminels. » Il assume son divorce d’avec les ONG qui « dressent les peuples africains contre leurs gouvernements » et ne condamne pas les arrestations d’opposants qui avaient appelé à manifester : « Transgresser volontairement un interdit expose à des sanctions. »

Rares sont ceux qui échappent à sa vindicte. Pas même les Bamilékés, dont il est. « Les Bamilékés contestent tous les pouvoirs. Ils exigent, revendiquent, se targuent d’être les meilleurs, au risque de se mettre à dos toutes les autres communautés réunies », lance-t-il sans craindre d’alimenter un discours tribaliste au potentiel explosif. « Momo veut à tout prix endosser le rôle du Bamiléké bienveillant, par opposition à Maurice Kamto, diabolisé par le pouvoir », tacle un ancien camarade.

Et l’après-Biya ?

Aux journalistes qui s’étonnent qu’il ne porte aucun grand dossier au sein de ce ministère qui lui a été confié en janvier 2019, il rétorque qu’il n’a de comptes à rendre qu’à ses patrons. La surpopulation carcérale, la corruption dans la magistrature… Il n’en parle pas. Pas même sur Fo’o Dzakeutonpoug Tv, sa web-tv où, jour après jour, à coups de modules aux titres évocateurs (« Africa Paradise : bienvenue au Cameroun », « Voici pourquoi le Cameroun est une grande puissance en devenir »…), il tente de dessiner les contours d’un pays qui gagne. Il a d’ailleurs fait de la lutte contre « le Cameroun bashing de la diaspora » son nouveau crédo.

Se projette-t-il dans l’après-Biya ? Jamais plus il ne briguera la présidentielle, assure-t-il, mais il militera « pour la continuité ». Difficile pourtant de croire que cet homme qui se targue d’être un fin politicien, qui assume des calculs opportunistes et qui cultive un certain populisme, agisse sans arrière-pensée.


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