Après deux semaines de congés, le quotidien Le Messager est à nouveau dans les kiosques. Dans la parution de ce lundi 4 janvier 2021, le directeur de la publication, Jean François Channon, loin de l’idée d‘appeler à une insurrection populaire comme il le relève à la fin de son éditorial, interpelle ses compatriotes d’assumer leur devoir de citoyenneté, celui de « mettre la pression » sur l’appareil dirigeant afin que les choses changent. Lebledparle.com pour invite à lire la position de notre confrère dans sa première édition de 2021.
Par Jean François CHANNON
Amis lecteurs du Messager, voici 2021 ! Bonne et heureuse année à tous. Nous vous la souhaitons fructueuse, pleine de santé, de bonheur et de prospérité. Surtout pour l’immense majorité des camerounais qui sont exclus de la vie décente et qui baignent dans la pauvreté et la misère pendant qu’une minorité des privilégiés connaissent la funeste passion de l’enrichissement illicite au nom des pouvoirs qui leur ont été conférés. Et c’est le sermon de Mgr Emmanuel Abbo, évêque titulaire du diocèse de Ngaoundéré qui nous conforte dans notre propos lorsqu’il se demande dans son sermon de Noël 2020 si «….les enfants de pauvres peuvent encore espérer obtenir un emploi dans notre pays ? Ou encore peut-on passer un concours dans notre pays ou espérer à une promotion sans avoir un parrain ? Les pauvres peuvent-ils encore se soigner dans les hôpitaux ?…..» Les injustices ont donc fait leur lit au Cameroun sans que la plus Haute institution du Cameroun n’en parle. Nous avons tous suivi le discours de fin d’année du président de la République le 31 décembre dernier. Paul Biya a-t-il eu le mot juste pour chacun dans son vécu quotidien ? Difficile à répondre par l’affirmative. Le laïus de l’homme du 06 novembre 1984 était beaucoup plus centré sur la pandémie du Covid-19. Normal, la panacée dans le monde aujourd’hui. Tous les dirigeants de presque tous les pays du monde en ont parlé. Même ceux des plus grandes et des plus féroces dictatures ont su cogiter dessus.
La pandémie du Covid-19 a donné l’occasion, un bel alibi, une belle excuse à Biya de se sentir à l’aise pour faire un discours bilan un peu trop facilement. C’est en effet facile de se pencher sur cette pandémie qui a fait des milliers de morts au Cameroun et omettre de citer des noms célèbres des camerounais qui en ont été mortellement victimes. Pour aider le président de la République, saluons la mémoire de Manu Dibango et celles des centaines de camerounais qui nous ont quittés en 2020, laissant des familles inconsolables jusqu’à ce jour. Que nos aïeux bienveillants, les accueillent dans la vie céleste où nous espérons tous les y retrouver. 2020 aura été une année difficile. C’est vrai. Et 2021 nous donne encore des raisons de croire que la pandémie à Coronavirus va nous accompagner dans nos systèmes de vie au Cameroun. Comme l’a dit le président de la République (et nous sommes d’accord avec lui) il va falloir continuer à respecter les mesures barrières. Il y a lieu de tuer la banalité ambiante qui fait croire aux africains en général, et aux camerounais en particulier, que le virus c’est pour ailleurs que sur le continent. C’est un leurre ! Il y a donc lieu de renforcer les mesures barrières. Renforcer les mesures de protections collectives dans les lieux publics, que sont, les Églises, les mosquées, les bars et boîtes de nuits, et les lieux de restauration. Personne n’a le droit de souhaiter un malheur à son pays, mais si nous n’y prenons garde, il risque hélas d’avoir encore des morts au Cameroun à cause du Covid-19. Et ce serait dommage que des familles soient encore endeuillées et que nous nous retrouvions en fin d’année en train de geindre et lancer tous les quolibets sur 2021.
Apprenons tous, en tant que Camerounais à mettre la pression collectivement sur ceux qui nous gouvernent. Il n’est pas acceptable encore que la gestion publique soit ce qu’elle est, avec des villes entières situées à peine 50 kilomètres de la capitale qui passent jusqu’à deux mois pour certaines, sans électricité ni eau potable. En cela, la ville de Nanga-Eboko, chef-lieu du département de la Haute Sanaga, fait office de scandale. Dans l’opinion, du fait que la Première dame et celui que l’on considère comme « le vice-Dieu », soient originaires de cette contrée laisse songeur. Mais c’est quoi la politique si l’on ne peut pas travailler pour l’amélioration des conditions de vie des gens ? Et le Pr Théophile Obenga, dans une vidéo actuellement virale sur les réseaux sociaux, donne des leçons aux africains que nous sommes, mais davantage aux dirigeants, de comprendre qu’il y a lieu de prendre chacun en ce qui le concerne, notre destin en main. Mettre la pression, c’est rappeler à Paul Biya qu’il est président du Cameroun parce qu’il a été élu par les camerounais (même si les élections présidentielles ont toujours été marquées par des fraudes massives et à chaque fois contestées) pour s’occuper des problèmes des camerounais qui l’ont élus. Et non de se laisser encercler par une mafia qui prend tout un pays en otage au gré de leurs intérêts satanistes. Et les camerounais ont le devoir de dire non à ces gens qui veulent toujours s’enrichir par des moyens peu orthodoxes pour asservir d’autres camerounais dont ildétiennent les clés de la paupérisation anthropologique collective, où des citoyens d’un pays ne peuvent pas avoir des vrais leaders, capables de susciter leur mobilisation collective, pour une pression socialement payante.
Il va falloir structurer cette pression. La rendre citoyenne autour des valeurs qui fondent notre République et notre espérance démocratique, pour faire taire tous ceux qui croient à tort que « le Cameroun est leur chose ». Il y’a lieu de s’organiser tous, pur faire comprendre à ces gens qui utilisent la Fonction publique pour s’enrichir. Sinon, comment expliquer que des ministres soient des propriétaires des grands hôtels, des entreprises de lobbying financier, ou encore des gestionnaires des patrimoines immobiliers estimés à des milliards des FCFA, ici et ailleurs sans qu’on explique la provenance des fonds qui ont permis leurs acquisitions ? Mais si le président de la République ne dit rien sur cette corruption qui signe son retour et qu’il laisse réduire la fameuse lutte contre ce fléau à une opération de rouleau compresseur contre des hauts commis de l’Etat qu’on veut broyer pour avoir osé parler de la lutte pour « l’après Biya », eh bien les camerounais ont le devoir de dénoncer toutes ces manœuvres. Et ce n’est pas juste de croire que c’est en durcissant les lois contre les aspirations démocratiques, ou en remplissant les prisons de ses opposants les plus farouches, qu’on entrera dans l’Histoire. Loin s’en faut. On entre dans l’Histoire en respectant ses opposants, et donnant à la fonction suprême un contenu de réconciliation même avec les personnes qu’on croit dignes de mépris.
Et là, la persistance de la crise anglophone, avec son lot de morts nous montre bien que le président de la République risque bien, tôt ou tard se voir ravir le monopole du règlement de ce conflit qui a abouti depuis quelques années à une guerre civile. Rien n’explique pourtant ce conflit sanglant encore aujourd’hui. Surtout après le supposé Grand dialogue national tenu en septembre 2019, et consacré à trouver des voies et moyens pour ramener la paix dans cette partie du pays. Le président a-t-il conscience que ses collaborateurs s’enrichissent autour de cette guerre et ne tiennent nullement à sa fin? Voilà pourquoi, la pression doit être mise sur lui, pour que cesse enfin en 2021, ce conflit meurtrier entre camerounais. 2021 sera donc une année où il faudra mettre la pression. Pression sur tout, afin que notre peuple se mette debout, partout où il est, pour lutter contre la pauvreté, les injustices, la mafia d’Etat… Tous ces maux qui annihilent la volonté de se développer. Ce n’est point un appel à l’insurrection. C’est juste pouvoir assumer pacifiquement sa citoyenneté.