Les hantises de l’indigence
Après la sortie médiatique de Gino Sitson sur le fait qu’il ne connait pas Richard Bona dans ‘’Dimanche Avec-vous’’, Jean-Pierre Bekolo a réagi à la polémique née de la déclaration de Gino Sitson sur la toile. Le cinéaste croit savoir pourquoi.
« Le débat sur les commentaires de Gino SItson sur Richard Bona m’a fait prendre conscience de deux choses. Les Camerounais ont la hantise de l’indigence. Ceux qui ne réussissent pas sont fascinés par le succès et le valorisent, ceux qui ne sont pas célèbres sont fascinés par la célébrité et en font une valeur, ceux qui n’ont pas d’argent sont fascinés par ceux qui en ont et en font une finalité, ceux qui n’ont pas de pouvoir sont fascinés par ceux qui en ont et en font un objectif… Nous savons, avec les réseaux sociaux, on découvre aussi que les Camerounais savent ce qu’il faut dire… à la télévision, ce qu’il ne faut pas dire, ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire. La question que je me pose est la suivante : puisque nous savons et vivons toutes les bonnes choses que nous disons et faisons, pourquoi avons-nous l’une des sociétés les plus arriérées au monde ? Si jamais ce que nous croyons être juste ne l’était pas, il serait impossible de transformer cette société. Nos certitudes ne sont-elles pas ce qui fige notre société ? D’autres diront que nous sommes des conservateurs… qui conservent quoi ? La misère? Les valeurs développées par le colonialisme et le néo-colonialisme? Faites de complexe d’infériorité, l’aliénation et de mimétisme? Puisque nous avons toutes les solutions, pourquoi ça ne va pas ? Le Cameroun serait donc une société impossible à transformer et donc condamnée à être ce qu’elle est aujourd’hui… parce que nous savons. A moins que la transformation ne se fasse de manière brutale, par la contrainte comme avec les militaires… », écrit Jean-Pierre Bekolo.
Parlons musique et non célébrité
Sur le fait que les internautes soient divisés sur les propos de Gino Sitson, Jean-Pierre Bekolo a plutôt une position nuancée et estime que c’est la musique et non la célébrité qui doit prévaloir. « Il aura fallu que l’artiste Gino Sitson dise « Je ne connais pas Richard Bona, je n’ai jamais entendu parler de lui, je ne connais pas sa musique » pour que les Camerounais s’enflamment. Alors qu’il suffit de constater que Gino Sitson et Richard Bona font le même métier, appartiennent à la même génération et ont tous vécu en France à un moment ou à un autre pour comprendre que le message de Gino Sitson s’adresse à des spécialistes. Où sont les critiques musicaux du Cameroun ? Il y a eu des débats similaires entre artistes aux Etats-Unis, mais il s’agissait avant tout de la qualité de la musique. Mais comme au Cameroun ce qui compte c’est la célébrité et non la musique, les spécialistes débattent au même niveau que la masse qui ne parle jamais de musique mais plutôt de célébrité », écrit le cinéaste.