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Jean Robert Wafo : « Il faut réviser la constitution et la loi portant code électorale »

Wafo JR

Pour se doter d’un système électoral consensuel, deux instruments juridiques de façon globale méritent d’être revisités à savoir la Constitution et la loi portant Code électoral. 


Wafo JR
Jean Robert Wafo sur Equinoxe TV – Capture vidéo

Pour ce qui concerne la Constitution, il n’est de secret pour personne que les membres des institutions importantes dans les mécanismes de dévolution du pouvoir par voie électorale à l’instar de la Chambre administrative de la Cour suprême et  le Conseil constitutionnel sont pratiquement tous nommés par le Président de la République qui, faut-il le rappeler, est  Président national d’un parti politique concurrent. Ceci au mépris de l’article 7 alinéa 4 de la Constitution qui impose que cette fonction est incompatible avec toute fonction élective publique. Le non-respect de l’article 7 alinéa 4  entame fondamentalement la crédibilité de l’ensemble du processus électoral dans ses différentes déclinaisons. Prenons le cas du Conseil constitutionnel qui est l’organe qui proclame les résultats des deux élections majeures que sont la présidentielle et les législatives. L’article 51 alinéa 1 de la Constitution dispose que les onze (11) membres de cette institution sont désignés par le Président de la République pour un mandat de six (06) ans éventuellement renouvelables. La durée du mandat de ses membres qui est inférieur à la durée du mandat présidentiel qui est de sept (07) ans ainsi que l’adverbe « éventuellement » participe d’une volonté à peine voilée de contrôler, de caporaliser et d’exercer un chantage permanent aux membres qui auraient des velléités d’émancipation, qu’on le veuille ou pas. S’agissant de la composition, trois membres, dont le Président du Conseil, sont nommés par le Président de la République; trois par le Président de l’Assemblée nationale, après avis du Bureau ; trois par le Président du Sénat, après avis du Bureau ; deux par le Conseil supérieur de la magistrature. Le Président de la République est Président national du Rdpc qui dispose d’une majorité obèse dans les deux chambres du fait du processus électoral vicié à l’avance. À partir du moment où l’article 37 alinéa 3 de la Constitution dispose que le Président de la République nomme les magistrats dont ceux qui composent la Chambre administrative de la Cour suprême qui règle le contentieux des élections municipales en dernier ressort et que le Conseil constitutionnel statue en dernier ressort pour ce qui concerne les législatives et la présidentielle  il devient évident que le Président national du Rdpc a la main mise sur le processus électoral en dernier ressort. Rien ne peut lui échapper à partir du moment où le contentieux est hiérarchisé. Pour garantir la neutralité de ces deux institutions extrêmement importantes dans les mécanismes de dévolution du pouvoir, il faudrait que l’article 7 alinéa 4 de la Constitution soit respecté. Il faudrait également garantir l’inamovibilité des membres du Conseil constitutionnel. Ainsi que celle des membres de la Chambre administrative de la Cour suprême qui s’occupent du contentieux des élections municipales. Sur un tout autre plan en rapport toujours avec la Constitution de la République, il faudrait asseoir la légitimité du Président de la République en adoptant un scrutin à deux tours pour la présidentielle. La légalité seule ne saurait être brandie pour l’élection à la charge suprême de l’État. Il faudrait également rabaisser l’âge de la majorité électorale à 18 ans. On est pénalement responsable à 18 ans au Cameroun. L’organe en charge de l’organisation des élections (Elecam) doit être constitutionnalisé. Il n’est pas normal qu’une institution aussi importante dans les mécanismes de dévolution du pouvoir n’apparaisse pas dans la Constitution.

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Au demeurant, la loi portant code électoral mérite d’être revisitée en profondeur dans ses aspects techniques notamment l’institution du bulletin de vote unique. Le refus d’instituer le bulletin de vote unique ne s’explique pas. Le bulletin de vote unique coûte moins cher pour le contribuable et il est moins encombrant en termes de paperasses à transporter et donc de coût de transport. Ce refus obstiné participe en réalité d’une volonté sordide de verrouiller les consciences des électeurs par le chantage, la corruption, les intimidations et les menaces diverses. Le bulletin de vote unique aura pour effet de paralyser tous ceux qui détournent les moyens de l’État et recyclent une partie de ces fonds dans la corruption électorale pour asseoir leurs positions de pouvoir. Le Rdpc ne peut gagner dans aucun bloc de quartier des 360 communes du pays avec l’institution du  bulletin de vote unique. Ils ont l’habitude d’installer à l’entrée des centres de vote des rabatteurs qui proposent des sommes d’argent aux électeurs moyennant les bulletins de vote des adversaires à ramener. Avec le bulletin de vote unique, une telle opération est inutile. Si le  Rdpc est réellement majoritaire sur le terrain politique, pourquoi ses membres ont-ils peur de l’institution du bulletin de vote unique? La réponse est évidente.

La composition des membres d’Elecam fait également problème. La neutralité des membres du Conseil électoral et ceux de la Direction générale a toujours été remise en cause du fait qu’ils ont été pour la plupart des militants établis du Rdpc. Le fait de n’avoir jamais appartenu à un parti politique aurait dû être la toute première garantie de leur neutralité et leur impartialité. Si par ailleurs, il est question que des partis politiques soient représentés dans cet organe, que les quotas soient préalablement définis de façon consensuelle et mentionnés dans la loi.    Le découpage électoral mérite également d’être revisité. Le découpage électoral actuel en vigueur depuis plus de deux décennies ne garantit aucunement l’égalité constitutionnelle des citoyens devant le suffrage universel. À cet effet, pour que ce ne soit pas laissé au bon vouloir des gouvernants du moment, il faudrait si possible constitutionnaliser la fréquence du recensement général de la population dont doit découler le découpage électoral. Il n’est pas normal que la région du Sud avec 650.000 habitants  dispose de onze (11) députés alors que le Wouri avec plus de 04 millions d’habitants n’en dispose que de neuf (09). Les chiffres actuels de la démographie sont fortement questionnables. Les résultats du dernier recensement qui a été effectué en novembre 2005 ont été rendus publics en avril 2010. Soit cinq ans plus tard. C’est une curiosité bien camerounaise. La notion d’autochtonie – à ne pas confondre avec celle des minorités- doit être bien élucidée. La loi actuelle invoque le respect des composantes sociologiques dans les listes. Cette notion mérite d’être clarifiée dans les villes de Douala et Yaoundé. C’est la République qui a choisi Yaoundé comme le centre national de production des services (capitale politique) et Douala comme centre national de production des richesses (capitale économique). La République aurait pu a cet effet choisir d’autres villes comme Bafia, Garoua, Dschang, Limbe, Mouanko Bamenda etc. À partir du moment où les caractéristiques de ces deux villes (Douala et Yaoundé) ont fait l’objet d’un consensus républicain qui ont induit la forte démographie que l’on observe aujourd’hui, la notion de citoyenneté résidentielle devrait logiquement primer sur d’autres considérations dans la constitution des listes électorales.

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Jean Robert WAFO

Ministre du shadow cabinet du SDF en charge de l’information et des médias.

(Paru dans le quotidien Émergence du vendredi 16 octobre 2020)

 


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