Lors d’un entretien avec Patrick Fandio sur France 24, Jean-Yves Le Drian ministre français des Affaires étrangères qui a effectué une tournée de 24 heures en République Centrafricaine, donne la position de la France sur le scrutin présidentiel du 07 octobre dernier. Bien plus, il a précisé le niveau d’intervention de la France en Afrique.
Parlons d’un pays voisin de la République Centrafricaine, le Cameroun où, une élection présidentielle très contestée a eu lieu le 07 octobre dernier. Le président Paul Biya a été déclaré réélu le 22 octobre dernier par le Conseil constitutionnel avec des accusations de l’opposition de fraude. Est-ce que de votre point de vue, ce scrutin au Cameroun était une élection libre et transparente ?
Moi je n’ai pas de capacité à juger puisqu’il n’y avait pas une mission de contrôle et de vérification initiée où la France était présente. Je constate qu’il y a eu une élection qui s’est déroulée néanmoins dans le calme même s’il y a eu quelques difficultés dans les régions anglophones. Je constate qu’un président a été déclaré élu, Paul Biya. Il a été déclaré élu donc je le constate par les institutions républicaines camerounaises, je le constate. Nous avons à l’égard de Paul Biya une relation de confiance, une relation très exigeante. Je pense que je ne réfléchis pas en termes d’alliance. Je réfléchis en termes de responsabilité politique des différents pays africains qui assument eux-mêmes leur responsabilité politique et qui font leur choix. La France est la même si on vous le demande et en occurrence sur la situation au Cameroun, je pense opportun, le président Macron le lui a dit que le président Biya prenne les initiatives nécessaires pour montrer une nouvelle voie et pour appréhender de manière sérieuse la situation difficile des régions anglophones, pour s’adresser à la jeunesse, pour leur montrer un dessin et pour faire en sorte que le processus politique de démocratisation du Cameroun soit vraiment l’axe principal de ce nouveau mandat qui s’ouvre.
Dans beaucoup de milieux de la société civile, on entend ce discours qui dit que la France ne dit rien, se tait, n’est pas à nos côtés, on trouve portes-closes et on n’arrive pas à faire entendre cette aspiration démocratique, cette soif du changement. Est-ce-que la France préfère aujourd’hui en Afrique centrale avoir des relations avec des Etats et des régimes stables, un peu autoritaires ?
C’est peut-être dans un autre monde. Il y a bien longtemps que la France ne choisit plus les gouvernements à la place des Africains. C’est de l’histoire du passé. Si certains s’y complaisent encore, ils ont tort. La France reconnaît ce qui se passe. Elle n’a pas à se substituer aux acteurs. Elle a à aider les acteurs quand ses acteurs le demandent. En ce qui concerne le Cameroun, je l’ai dit très clairement qu’il nous paraît souhaitable que le président Biya fasse les inflexions nécessaires en raison de ce qui doit pouvoir lui-même constater les aspirations à plus de démocratie donc vous faite état. La France intervient lorsque les fondamentaux sont remis en cause et si les journalistes sont enfermés c’est inacceptable.
Dans cette zone entre le président Déby, le président Sassou, le président Biya, le président Obiang Nguema, on a des leaders qui sont au pouvoir depuis 20, 30 ans par fois atteignent 40 ans, vont atteindre 40 ans bientôt. Si la France ne choisit pas de président, est-ce qu’elle dit et prône l’alternance démocratique ?
Ce n’est pas notre vocation. Les Etats africains sont autonomes, indépendants, souverains. C’est quand les fondamentaux sont remis en cause que la France doit parler. C’est vrai pour l’Afrique comme pour tout autre pays du monde. L’Afrique n’est pas le pré-carré de la France. Vous avez pris ça où ? Sauf pour vous.