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Joseph Owona : une vie au service des sciences juridiques et du régime de Paul Biya

Joseph Owona, figure tutélaire de la politique camerounaise et érudit en droit, est né le 23 janvier 1945 à Akom, dans la région du Sud du Cameroun. Décédé le 6 janvier 2024 à Pessac, en France, Owona a laissé une marque indélébile dans l’histoire de son pays, aussi bien par son parcours académique exceptionnel que par ses multiples responsabilités politiques. Homme de rigueur, il a navigué entre des rôles de professeur de droit respecté et de ministre influent, tout en demeurant fidèle au président Paul Biya.

L'ancien ministre Joseph Owona

Joseph Owona commence son parcours académique à l’université de Yaoundé, où il obtient une licence en droit avant de poursuivre ses études à l’université Panthéon-Sorbonne, en France. Il y décroche un DES en droit public, un DESS en sciences politiques, puis un doctorat d’État en droit public, des diplômes qui lui ouvrent les portes d’une carrière académique prometteuse.

En 1969, il commence à enseigner comme assistant à la Sorbonne, puis retourne au Cameroun en 1972 où il devient chargé de cours à l’université de Yaoundé. Son expertise et sa réputation grandissent rapidement, et il est nommé chef du département de droit public en 1976, puis directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC). Sous sa direction, l’IRIC devient un pôle d’excellence en Afrique et attire des étudiants de tout le continent.

Owona est largement reconnu pour avoir formé plusieurs générations de juristes camerounais, et son influence dépasse les frontières du pays. Son expertise est régulièrement sollicitée par divers chefs d’État africains pour la rédaction de constitutions, en particulier dans les pays francophones. Ce travail d’architecte des lois fait de lui, l’un des constitutionnalistes les plus célèbres d’Afrique francophone.

L’Ascension politique

Bien que Joseph Owona soit d’abord reconnu comme un académicien, il ne tarde pas à s’impliquer dans la sphère politique. Ses idées progressistes, parfois proches du socialisme, le mettent en opposition avec le président Ahmadou Ahidjo, notamment en raison de son article critique publié en 1974, « L’institutionnalisation de la légalité d’exception dans le droit public camerounais ». Cependant, sa proximité avec Paul Biya, alors secrétaire général à la présidence, lui permet de ne pas subir les représailles qu’ont connues d’autres intellectuels critiques du régime.

Lorsque Paul Biya accède à la présidence en 1982, Owona bénéficie de la confiance totale de son mentor et gravit rapidement les échelons du pouvoir. Il occupe divers postes ministériels à partir de 1985, devenant notamment ministre de la Fonction publique, ministre de la Santé publique, puis ministre de l’Éducation nationale. Il est surnommé le « sapeur-pompier » pour sa capacité à gérer les crises et dossiers complexes que lui confie le président.

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Entre 1992 et 1994, Joseph Owona est nommé secrétaire général de la présidence, une position stratégique à partir de laquelle, il travaille au maintien de l’autorité de Paul Biya face au multipartisme qui se renforcent dans les années 1990. Il contribue également à la négociation et à la résolution du différend frontalier entre le Cameroun et le Nigeria au sujet de la péninsule de Bakassi, une affaire d’envergure internationale qui se conclut par les accords de Greentree en 2006.

Polémiques et accusations de tribalisme

Malgré une carrière d’intellectuel reconnu de tous, Joseph Owona a été au cœur de nombreuses controverses. L’une des plus notoires est liée aux accusations de tribalisme, en particulier envers les Bamilékés, l’une des ethnies les plus influentes du Cameroun. Dans une interview, Owona aurait déclaré qu’un Bamiléké ne pourrait jamais devenir président de la République, une phrase qui a profondément choqué l’opinion publique et lui a valu une réputation de chantre du tribalisme. Cette déclaration est restée gravée dans les mémoires, même si aucune preuve ne vient réellement corroborer des intentions discriminatoires plus larges dans ses actions politiques. La preuve, le journal Jeune Afrique dans un article en hommage au défunt homme politique, remet au goût cette réputation qui lui colle à la peau à travers des témoignes. « Un jour, se souvient un journaliste cité par le magazine panafricain, alors que Joseph Owona l’accueillait dans son bureau pour une interview, après les civilités d’usage, le professeur lui posa à brûle-pourpoint une question : « À quelle ethnie appartenez-vous ? » Un témoignage loin d’être isolé. Depuis que la famille du membre du conseil constitutionnel a confirmé son décès », lit-on.

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Pourtant, son implication dans ces polémiques n’a jamais terni de manière durable son image au sein de la majorité politique. Fidèle à Paul Biya jusqu’à sa mort, Owona est perçu comme l’un des piliers du régime, bénéficiant du respect de ses pairs pour sa rigueur intellectuelle et sa loyauté. Il a aussi gagné l’estime de certaines figures de l’opposition, qui reconnaissent en lui un homme intègre malgré ses affinités avec le pouvoir en place.

Passage dans le football et fin de carrière au Conseil constitutionnel

Après avoir quitté le gouvernement, Joseph Owona a officié comme président du Comité de normalisation de la Fecafoot après le départ de Iya Mohamed. Son passage, n’aura malheureusement pas réussi à redresser cette instance qui va constituer de baigner dans l’instabilité pendant plusieurs années. Après la Fecafoot, le Pr Owona a poursuivi son engagement public en tant que membre du Conseil constitutionnel à partir d’avril 2020. Ce poste marquait l’apogée de sa carrière institutionnelle. Le juriste a apporté son expertise au plus haut niveau de l’État. Il restera membre du Conseil jusqu’à son décès en janvier 2024.

Le président Paul Biya lui a accordé des obsèques officielles, et des milliers de personnes se sont déplacées pour lui rendre hommage. Patriarche des Mvog Tsung Mballa, une tribu Ewondo, sa succession sur le plan traditionnel a été assurée par son fils, le professeur Mathias Eric Owona Nguini, politologue et vice-recteur de l’université de Yaoundé I.


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