Le candidat Osih, du Social Democratic Front (SDF), dit s’inquiéter du déroulement des élections dans les régions anglophones le 7 octobre.
Dans cet entretien accordé à Jeune Afrique, l’homme politique revient également sur son programme, en particulier et sur sa volonté de mettre fin à un « fédéralisme contrôlé par l’État central ».
Vous vous opposez à la création de centres de vote dans les régions anglophones. Pourquoi ?
Il s’agit d’une objection très forte sur le fait qu’Elecam, en complicité avec le gouvernement, veut absolument créer des centres de vote dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. De manière concrète, Elecam veut fermer les bureaux de vote et pousser les électeurs vers ces centres.
Cette mesure fait que certains électeurs devront parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour voter, ce qui est impossible car il n’y a pas de transports en commun, ni un transit fluide dans ces zones. Et ce sera encore pire le jour du vote, un jour où les déplacements entre deux villes sont proscrits. Il est très important de comprendre que c’est une façon de marginaliser ces électeurs. Et en tant que candidat, je ne peux pas accepter cela.
Que préconisez-vous pour permettre aux déplacés de voter ?
Il faut avant tout dire que cette mesure est illégale : aucun article du code électoral ne prévoit la création de ces centres de vote. En revanche, il existe des dispositions légales qui permettent aux personnes qui se sont déplacées pour des cas de force majeur de prendre part au scrutin.
Cela concerne notamment les fonctionnaires et les militaires qui ont été affectés loin de leur domicile dans le cadre de leurs fonctions et qui n’ont pas pu changer leurs lieux de vote auprès d’Elecam. Dans ce cas, l’électeur peut se présenter au chef d’antenne régional d’Elecam, pour se voir affecter à un bureau de vote. Nous avons donc tout simplement demandé au directeur général des élections d’étendre cette disposition légale aux personnes déplacées.
Vous plaidez pour plus de fédéralisme. Pourquoi ?
Il faut en finir avec l’hypercentralisation actuelle de l’État, et faire en sorte que le pouvoir revienne au peuple. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra commencer véritablement le développement de notre pays. Cela passe absolument par le fédéralisme, car la décentralisation telle que nous l’avons aujourd’hui est un fédéralisme contrôlé par l’État central. Or, le fédéralisme que j’appelle de mes vœux, lui, sera contrôlé par les populations.
Il y a débat, au sein du SDF. Certains militants de votre parti sont plutôt favorables à un fédéralisme à deux États…
Le SDF n’a jamais, dans son histoire, présenté le nombre d’États à créer. Nous avons toujours dit que le nombre d’États sera décidé par le peuple camerounais. Ma position, en tant que candidat, est de mettre en place un fédéralisme à dix États, correspondant aux dix régions actuelles.
Je fais ce choix non pas parce que je préfère dix États, quatre ou trente, mais tout simplement parce que passer de l’État hypercentraliste au fédéralisme nécessitera déjà beaucoup de changements, et il ne faudrait pas qu’on ajoute une couche supplémentaire avec un changement géographique.
Vous êtes pour le fédéralisme, donc contre la sécession que défendent les partisans de la « République d’Ambazonie ». Si vous êtes élu, serez-vous prêt, cependant, à accorder une grâce aux leaders sécessionnistes incarcérés à Yaoundé, s’ils venaient à être condamnés ?
En tant que président de la République, ils [les leaders sécessionnistes, ndlr] ne pourront pas être condamnés, parce qu’il n’y aura pas de prisonniers politiques dans les prisons camerounaises.
Cela vaut-il également pour les personnes ciblées par l’« opération épervier », qualifiés de « prisonniers politiques », notamment par le Département d’État américain…
C’est le gouvernement camerounais, la justice camerounaise et le président de la République du Cameroun qui définissent qui est un prisonnier d’opinion et qui est un prisonnier qui a commis un délit pénal. Je me réserve donc le droit de décider qui sont ceux qui sont en prison par rapport à leurs opinions politiques et ceux qui sont en prison par rapport à leur crime.
Entretien avec Jeune Afrique