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L’évêque de Bafia est mort avant de tomber dans l’eau… de là !

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Depuis quelques heures, l’opinion camerounaise présente sur l’espace virtuel se livre chacun en sa manière à une interprétation de la disparition de l’évêque de Bafia.

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Ce qui donne l’occasion aux uns et aux autres de s’intéresser aussi fortement c’est : d’abord le statut d’homme de Dieu du défunt, et la manière avec laquelle il a « quitté » le monde des vivants. Selon les premières impressions, face au flou d’informations, on s’est retrouvé face à deux voies ouvertement fermées.

Ceux qui pensent que c’est un suicide

Dans cette catégorie, se retrouvent d’abord ceux qui ont tout intérêt à ce que ce soit un suicide. Donc le système politique en place par exemple. Déjà accusé depuis longtemps d’être à l’origine de la disparition tragique des hommes de Dieu depuis le cas très célèbre du père Mveng, ledit système veut éviter autant que faire ce peut de passer aux yeux de l’opinion comme un monstre froid. Un monstre qui ment froidement, et qui décide avec froideur de la mort ou de la vie de ses sujets. Dans ce cas, il est possible, avec les moyens en sa disposition, de tout mettre en œuvre pour que ce soit la thèse du suicide qui devienne la thèse officielle.

Dans cette catégorie se trouve aussi une grande partie de l’opinion publique. Avec pour effigie le rire, l’hilarité, et l’indifférence. Ceux qui font partie de cet ensemble sont des personnes qui ont un intérêt à ce que ce soit un suicide. Ainsi, ils auront un argument de plus pour se moquer de l’église, des chrétiens et de leur foi. Ces gens n’ont pas forcément une rancœur avec le père disparu, mais plutôt avec le système qu’il représente. Donc le lynchage qu’ils administrent à son corps supposé immergé et sans vie est un lynchage par ricochet. C’est en réalité le système qu’ils veulent fouetter et dont ils veulent se moquer.

Mais d’une autre manière, il y’en a qui pensent que le disparu mérite sa fin tragique, car sa vie n’a surement pas été un exemple. Même s’ils ne connaissent rien de sa vie privée, ils sont au courant des agissements de plusieurs autres membres du clergé. De ce fait, tout le corps religieux mérite le châtiment populaire. Comme dans la fable de Fontaine du « Loup et de l’Agneau » : Si ce n’est lui, c’est donc son frère… « C’est donc quelqu’un des tiens ». L’habit défait désormais le moine.

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Ceux qui pensent que c’est un meurtre

Ici, les fidèles catholiques et autres religieux ont tout intérêt à croire ou à faire croire que c’était un meurtre. Ainsi, ça aide à raviver leur foi, et à faire passer l’église pour une victime. Ils ne peuvent penser autrement car l’idée d’un suicide serait un coup très fort à leur stabilité spirituelle. Ils auraient peu d’arguments pour se défendre face à ceux qui critiquent quotidiennement leur engagement religieux. Que répondre à un critique qui va s’attaquer aux brebis qui suivent un berger qui abandonne sa mission sur la terre pour se jeter dans la mer. Pour adopter une attitude positive, ils se réfèrent aux apôtres qui ont été eux aussi persécutés par les princes et principautés de leur temps. Preuve qu’il faut redoubler de courage, si l’ennemi redouble d’effort. Dit le cantique !

Il y’a aussi ceux qui n’ont aucun intérêt à défendre l’église ou le clergé, mais ils avancent la thèse du meurtre juste pour s’opposer à l’Etat. Comme argument, ils avancent la longue série de prêtres qui ont disparu depuis des décennies de manière plutôt incroyable. Ils pensent qu’aucune suite ne sera donnée à l’affaire, car c’est un mode opératoire déjà connu. Après de tels drames, ils ouvrent toujours des enquêtes qui ne se referment jamais. Ils font semblant de faire la lumière, mais usent de subterfuges pour l’embaumer de brume et de nébulosité. Car c’est un système mensonger qui n’aime pas qu’on lui dise la vérité, et qui n’aime pas la dire aussi. Les partisans de la thèse du meurtre voient donc cette mort d’un œil suspect « comme un suicide avec trois balles dans la tête » pour rendre Youssoupha.

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Je peux alors dire sans risquer de me tromper que d’une manière ou d’une autre, le défunt père est mort avant de tomber dans l’eau. Au cas où il serait véritablement couché sur le lit de la Sanaga. Si c’est un meurtre, c’est donc une évidence qu’il ait été tué avant de se retrouver « dans l’eau ». Et même s’il s’est donné délibérément la mort, l’argument peut rester valide. C’est dire qu’avant de se jeter dans cette mer affreuse, il était déjà un homme mort. Car comme le dit Camus qui a étudié la question, “un geste comme le suicide se prépare dans le silence du cœur au même titre qu’une grande œuvre”. Celui qui se suicide a déjà résolu « la question fondamentale de la philosophie » : savoir si la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue. Avant de se donner la mort, le vivant est déjà mort en lui-même. L’acte de suicide est juste la matérialisation physique d’une mort déjà conclue dans le domaine spirituel.

Pour finir, il faut prendre au sérieux, non pas émotionnellement, la manière avec laquelle l’opinion publique traite ce corps supposé immergé de ce membre du clergé. Ce qu’Achille Mbembe qualifie de « rire populaire » en l’encontre du système doit être pris en compte par nos chercheurs. Au fond, cette hilarité populaire révèle un certain rapport du clergé avec la population, un certain rapport entre la politique et le peuple. Il faut interroger cette attitude pour comprendre pourquoi, à la place des pleurs, on assiste plutôt à un carnaval ubuesque. Ou sont nos sociologues, nos philosophes, nos psychologues…dans l’eau ??

 »La religion est un pont entre nous et Dieu, malheureusement certains préfèrent nager et souvent ils se noient » Mick Deev


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