Ernest Ouandié l’un des pères fondateurs du nationalisme upeciste, se faisait assassiner le 15 janvier 1971. Farouche combattant pour la liberté du Cameroun, cette figure emblématique de l’histoire de notre pays aura marqué son temps et les générations futures. Henriette Ekwe, ancienne journaliste et nationaliste upéciste, retrace le brillant parcours d’Ernest Ouandié, initiateur du maquis dans l’Ouest Cameroun. Lebledparle.com vous propose ci-dessous, l’intégralité de son texte.
Qui est Ernest Ouandié ?
Ernest Ouandié, une immense personnalité de l’Upc. Une grande stature de ce parti révolutionnaire qui a ébloui le monde entier et inscrit l’Upc dans le grand livre d’histoire des mouvements de libération du monde entier.
Ernest Ouandié a été cet instituteur emblématique de l’école principale de New-Bell garçons. Jeune fonctionnaire, il est mobilisé très tôt à l’Upc dans ce quartier populaire de New-Bell, haut lieu de brassage populaire.
Des organes de l’Upc sont disséminés partout. Des comités féminins du Rda nombreux, favoriseront plus tard la création de l’Udefec (l’Union démocratique des femmes camerounaises).
Et au sortir d’une de leur réunion, une militante est écrasée par un camion militaire en juin 1949, première victime de la lutte pour l’indépendance, il s’agit de Martine Nguéko.
Un quartier peuplé à la fois des populations venues de l’intérieur du pays que de celles venues de la côte ouest africaine. C’est aussi ici que vit un photographe toujours présent sur tous les événements politiques, un certain Kameni Anatole militant de l’Upc dont le prénom a été donné à un carrefour du quartier New-Bell.
Le Camarade Ouandié y devient le 2ème vice-président de l’Upc. Il partira de là pour l’exil lorsque les massacres de mai 1955 sont suivis de l’interdiction de l’Upc le 13 juillet 1955.
L’errance des dirigeants Upcistes
Le Bureau du Comité directeur décide de protéger le Secrétaire général en le mettant à l’abri dans sa région natale.
Les dirigeants de l’Upc se réfugient au Cameroun occidental avant la déportation au Soudan avec la complicité de l’administration coloniale française.
Le Soudan anglais offre l’asile politique aux dirigeants de l’Upc, de l’Udefec et de la Jdc pour une durée d’une année.
Jamais une organisation politique de libération nationale n’aura connu une telle répression. Et le conseil de tutelle favorise l’administration coloniale française qui aurait dû mettre fin immédiatement à la tutelle en ouvrant la voie à la Réunification et à l’Indépendance.
Le pays est parsemé de villages rasés, de femmes violées, de bombardements au napalm pour réduire l’Upc au silence.
Les dirigeants du Fln algérien ont été traités avec bien plus d’égards que ces nègres de l’Upc qu’il fallait absolument exterminer.
En janvier 1960, à Tunis, se tient une conférence des pays africains à laquelle participe une importante délégation de l’Upc conduite par Moumié, avec Ouandié, Osende Afana, Njiawé Nicanor, Ndongo Diye, Thomas Mélonè etc.
Au lendemain de l‘assassinat de Moumié, une rencontre se tient à Conakry pour mettre sur pied un secrétariat.
Mais le temps presse, il n’y a pratiquement plus de direction. Kingue Abel est mort des suites de maladie.
Ouandié doit rentrer dans le maquis. En 1961, il quitte Accra pour le Cameroun. Il est accueilli par les camarades dans le Moungo et le Camarade Makembè devient son secrétaire.
Tankeu Noé mène la lutte dans le Wouri où il donne du fil à retordre à la troupe coloniale. New-Bell et le quartier Congo sont assiégés dès décembre 1959.
Ouandié établit son maquis dans l’Ouest.
Le chef de région à l’Ouest est le redoutable Maurice Delauney qui revendique 500.000 morts et salue dans ses mémoires, l’engagement et l’enthousiasme de Kamé Samuel, un diplômé de l’école de la France d’Outre-mer où il a été le condisciple de Abel Eyinga.
Ouandié entame une lutte armée dans un environnement hostile.
La création de l’Alnk a déchainé la fureur une fois de plus de la troupe coloniale.
On procède à des incendies de villages entiers, des viols de femmes, de précipitations dans des chutes, des bombardements au napalm. Le vice-président est encerclé de toutes parts.
La lutte devient difficile avec de nombreuses trahisons, de la corruption des élites et des encerclements perpétuels dans ce qui tenait lieu de quartier général de Ouandié, contraint à des déplacements souvent précipités. Des déplacements qui provoquent aussi des désertions et des abandons dus à la démoralisation tellement la lutte est rude.
Les approvisionnements en armes deviennent impossibles et les fusils traditionnels en l’absence d’un armement moderne pouvant opposer une riposte digne de ce nom, la cause semble perdue d’avance.
Cependant, courageusement, les combattants attaquent par la ruse et réussissent souvent à faire quelques prises sur les militaires tombés dans les embuscades.
Au cours de l’année 1961, Ernest Ouandié tient une Assemblée générale sous maquis au cours de laquelle, il crée le comité révolutionnaire.
Son objectif est de rajeunir la direction en y incluant les étudiants des années 50, tous militants de l’Unek et sympathisants ou membres à part entière de l’Upc.
Il devient donc le président du Comité révolutionnaire composé de Woungly Massaga, Michel Ndoh, Njiawé Nicanor, Ndongo Diyé, Jean-Marie Tchaptchet.
Tous les dirigeants sont empêchés, il s’agit pour Ouandié de donner du sang neuf à la direction du parti.
Il profite donc de ce vivier prodigieux des jeunes engagés dans la lutte pour l’indépendance qui ont constitué la seconde génération d’upécistes.
Ernest Ouandié aura été celui des dirigeants qui a mis le plus de temps dans le maquis, qui en aura souffert et qui sera capturé alors qu’il est malade et envisage de sortir du pays pour se soigner.
Neuf années de lutte avec des moyens de communication tous coupés au fur et à mesure de la répression.
En 1964, la base de l’Alnk de Bandenkop est rasée, bombardée au napalm, le village gazé entièrement. On peut dire que tout au long de ces neuf années de maquis à l‘Ouest a été une longue opération de survie avec un soutien nul venant de l‘extérieur.
Son maquis à l’ouest a été une opération perpétuelle de survie et de résistance tout au long de ces neuf années de calvaire.
Le départ du maquis
Lorsqu’Ouandié tombe malade, il signale à son contact Monseigneur Ndogmo, évêque de Nkongsamba sa volonté de sortir du pays pour aller se soigner.
Au lieu de rendez-vous, Ndogmo vient le chercher dans sa jeep, selon le témoignage de son secrétaire Njassep Mathieu.
L’évêque les dépose dans une plantation des environs de Mbanga, Malèke et leur demande d’attendre son retour.
Pendant quelques jours, les deux hommes attendent le retour de leur ami.
On est au mois d’août 1970 et la saison des pluies bat son plein. Ouandié demande à Njassep de sortir avec lui pour faire le tour de la plantation.
C’est alors qu’ils identifient des traces de chaussures militaires sur un sol imbibé d’eau.
Les deux hommes se séparent pour échapper à une éventuelle capture.
Chacun va de son côté, mais dès que Njassep approche de la sortie, il voit une foule hostile qui le traque et hurle à la vue du fugitif.
Njassep est capturé et aussitôt transféré à Nkongsamba tandis que Ernest Ouandié se retrouve à Mbanga.
Et ici, les versions divergent soit il s’est présenté épuiser à la gendarmerie, soit il s’est assoupi sous un arbre où il a été retrouvé. Ouandié est conduit à la Brigade Mixte Mobile (BMM) de Yaoundé, la BMM cette prison politique de sinistre mémoire là où se trouve la chapelle ainsi baptisée par les tortionnaires.
Ici tous les instruments de torture sont rassemblés, depuis l’électricité que l’on applique sur les plaies sanguinolentes pour décupler l’intensité de la douleur. Et la balançoire cet instrument de torture où les suppliciés sont attachés autour d’’un bâton pour recevoir des coups à tour de rôle par deux véritables psychopathes ivres de joie que leur procure cette jouissance malsaine.
La capture de Ouandié huit mois après la célébration grandiose du 10èmeanniversaire de l’indépendance comme l’a voulu Ahidjo est un véritable cadeau pour le président. Elle ajoute à se gloire une étoile de plus.
Alors, Ahidjo prépare un procès qui doit porter hors des frontières du pays.
Celui qu’on s’acharne à discréditer comme Chef de la rébellion pour le rabaisser en vulgaire bandit est le premier et l’unique dirigeant à être jugé devant un tribunal militaire.
Le procès emblématique
Après des semaines de tortures les plus barbares et inhumaines, le procès a enfin lieu.Les organes de communications officiels aussi bien radio-Cameron que la Presse du Cameroun, organe officiel du gouvernement, rendent compte au quotidien du déroulement du procès.
A chaque parution de la Presse du Cameroun on voit les photos de Mgr Ndogmo dans sa soutane blanche ceinturée de noir.Mais la photo la plus prisée est celle où l’on voit Ouandié, la véritable star de ce procès, enchaîné à Njassep. On voir moins Fotsing et les autres. Le ministre de la Justice garde des sceaux donne une conférence de presse pour rassurer la presse internationale accourue au Cameroun pour savoir si le Cameroun état capable d’offrir au monde un procès équitable.
C’est pourtant ce que rabâchent tous les membres du gouvernement.A la radio, Mgr Jean Zoa devient l’éditorialiste appelant tous les jours à la condamnation à mort de Mgr Ndogmo.Mais la jeunesse elle, est éblouie par la stature de cet homme qui va au sacrifice suprême et se contente de dira à la fin du procès «l’histoire jugera».
La jeunesse camerounaise venait de faite connaissance avec un homme exceptionnel en la personne d’Ernest Ouandé.Toute cette jeunesse a regretté l’exécution de Ouandié ce 15 janvier 1971.Dans sa cellule, il ne cesse de prêcher à tous ceux qui ne vont pas mourir de poursuivre le combat pour libérer son pays. Albert Mukong, qui, lui aussi est à la BMM écrira un ouvrage « Prisonner without a crime », où il raconte son admiration pour « Comrade » Ouandié.
Dans cette cellule, notre confrère de regrettée mémoire, Célestin Lingo qui dira toujours combien Ouandié l’encourageait lorsqu’il flanchait.Il lui disait : « Tu as la chance d’assister à des événements historiques ressaisis toi et prend ta plume et surtout note tout. Tu leur raconteras tout ce que tu auras vu ici». Ahidjo, dans son cynisme, a tenu à ce que Ouandié soit exécuté devant «les siens» dans un sursaut bête de tribalisme pour effacer à jamais tous ces leaders politiques qui lui ont fait de l’ombre.
Malheureusement, il venait de donner à la jeunesse camerounaise des années 70, la volonté de s’engager à l’Upc, ce sera la troisième génération d’upécistes qui ont poursuivi le combat au lendemain de l’assassinat de Ouandié et de ses compagnons. Vingt ans plus tard, le commissaire du gouvernement du tribunal militaire dira toute son admiration pour Ouandié et son regret de l’avoir condamné à Mort.
André Grenard MATSOUA.
Barthélemy BOGANDA
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