D’après une nouvelle ordonnance modifiant la loi de finances 2021 signée le 7 juin 2021 par le président de la République, le prix du passeport est désormais fixé à 110 000 FCFA pour se faire établir un passeport. L’honorable Cabral Libii critique ce texte et estime qu’il a été signé à « l’improviste », et « dans le dosdes représentants du peuple ».
Selon le parlementaire, l’adoption de cette mesure atteste de la « fébrilité et du refus par le Gouvernement de reconsidérer ses orientations budgétaires ».
Lebledparle.com vous propose dans son intégralité, la sortie du leader du PCRN, Cabral Libii
AUGMENTATION DES FRAIS DU PASSEPORT : FINANCEMENT DE LA GABEGIE
La loi de finances 2021 votée par l’Assemblée Nationale le 17 décembre 2020, vient de connaitre deux (02) amendements par ordonnances en l’espace de deux (02) semaines, le 26 mai et le 7 juin 2021.
La légifération budgétaire par décret prend un relief outrancier qui interroge, ce d’autant que la dernière ordonnance, celle du 7 juin 2021, augmente de près de 32%, les frais de délivrance du passeport qui passe de 75 000 à 110 000 FCFA à compter du 1er juillet 2021.
Il convient de rappeler que 27 mai 2021, au lendemain de la signature de la première ordonnance, le FMI et le Cameroun ont conclu un nouveau programme d’ajustement soutenu par la Facilité de Crédit Elargie et le Mécanisme Elargi de Crédit.
Au regard de la teneur de cet accord, on comprend aisément pourquoi le Cameroun a « souscrit à la conditionnalité » de signer une ordonnance la veille, par laquelle il plafonne à 750 milliards de FCFA ses emprunts non-concessionnels, c’est-à-dire des prêts aux taux d’intérêts courants du marché financier qui dans un contexte d’endettement frénétique (plus de 9 000 milliards en décembre 2021 soit près de 50% du PIB), soulèvent le problème de soutenabilité d’autant que la Gouvernance du système dirigeant limite considérablement la productivité des investissements en capital de l’État (lente absorption des financements en raison de faibles taux d’exécution physico-financière, budgétisation des projets non matures et forte corruption tant privée que publique).
Cet extrait du communiqué publié par le FMI le 27 mai 2021 l’atteste : « Compte tenu du risque élevé de surendettement du Cameroun, les efforts visant à renforcer la gestion de la dette publique et à limiter les emprunts non concessionnels restent essentiels pour assurer la viabilité extérieure. En conséquence, le programme limitera les emprunts non concessionnels aux projets qui sont essentiels pour le développement national et qui font partie intégrante de la SND-30 et pour lesquels un financement concessionnel n’est pas disponible ».
Cette souscription prudentielle du Cameroun présente néanmoins un avantage opportuniste. Compte tenu des taux d’intérêts favorables qui prévalent actuellement sur les marchés financiers du fait du contexte post-covid, l’option prise par l’ordonnance du 26 mai 2021 permettra de lever sur le marché international une dette en Eurobonds de 450 milliards, pour refinancer celle de 375 milliards de FCFA en principal souscrite le 19 novembre 2015, toujours en Eurobond (REPCAM9.5% à la Bourse de Dublin), avec un taux de couverture de 98% et un taux d’intérêt de près de 10%. Un échec cuisant à l’époque. Ce rachat provoque mécaniquement un rallongement des délais de remboursement mais également un relèvement des prévisions de recettes de l’Etat.
Par ailleurs, la perspective de la validation probable par le conseil d’administration du FMI du nouveau programme économique 2021-2023 constitue le second levier de la stratégie du Gouvernement qui mise sur de nouvelles facilités de crédits d’au moins 375 milliards de FCFA. Ce qui pourrait justifier l’augmentation (ajustement à la hausse) du budget de l’Etat de plus de 600 milliards pour l’exercice en cours.
L’agitation par ordonnances du Président de la République n’est donc qu’une parure qui masque « un mouvement sur place » ponctué d’acrobaties d’endettement pour essayer de sauver la face d’une économie placée en lente agonie par la gabegie et l’absence de choix stratégiques idoines.
Le comble est que pour s’« oxygéner », le Gouvernement s’empresse de s’acharner sur les citoyens en augmentant de près de 32%, par la même pirouette, les droits de timbre du passeport. Cette initiative participe certainement d’une volonté légitime d’élargissement de l’assiette fiscale par une imposition accrue des revenus des personnes physiques. Le rétablissement dans la loi de finances de 2021 de la déclaration universelle pourtant supprimée en 2004, participe assurément de cela.
Mais une fois encore, à l’improviste, « dans le dos » des représentants du peuple, l’adoption de cette mesure atteste de la fébrilité et du refus par le Gouvernement de reconsidérer ses orientations budgétaires.
Plus insoutenable, est l’option d’accroissement de la pression fiscale sur les citoyens dans un contexte où le pays tout entier est foudroyé par de fortes rumeurs de scandales financiers liés à la CAN et à la lutte contre le COVID, alimentés par la circulation de documents portant les sceaux de l’Etat et des membres du Gouvernement et contenant des informations effarantes au sujet desquelles ni le Gouvernement, ni la justice ne s’empressent d’apporter la moindre élucidation.
Toutes choses qui laissent prospérer toutes sortes de spéculations et l’amère impression que le Gouvernement est plus préoccupé à financer sa scandaleuse beuverie qu’à apporter des gages de bonne gouvernance, même visiblement au bord de la faillite. Et c’est dans cette atmosphère pesante que l’on découvre l’augmentation de 50 milliards du fameux fonds spécial dit DE SOLIDARITE NATIONALE prétendument destiné à la lutte contre le covid-19…
Il n’y a pas de doute que les expectatives exprimées par le FMI à l’issue des réunions du 13 au 27 mai 2021 sont d’ores et déjà mises en doute : « La politique budgétaire du programme devrait élargir la base des recettes non pétrolières, réduire les exonérations fiscales discrétionnaires, lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et améliorer l’administration fiscale et douanière. L’achèvement de la réforme du compte unique du Trésor et le recours réduit aux interventions directes et aux procédures de dépenses exceptionnelles contribueront à améliorer la gestion de la trésorerie et l’exécution du budget et à renforcer la transparence budgétaire et la crédibilité budgétaire ».
C’est donc le lieu de souligner que l’élargissement de l’assiette fiscale appelle urgemment, entre autres :
– à l’application effective et rigoureuse de l’article 18 de l’Instruction N°007/GR/2019 du 10 juin 2019 fixant les conditions et modalités de déclaration, domiciliation et de règlements des importations de biens et services, consécutive au Règlement N°02/18/CEMAC/UMAC/CM 21 décembre 2018 complété par la Lettre Circulaire N°025/GR/2019 du 09 décembre 2019 relative à la documentation à fournir à la banque de règlement ;
– au renoncement ferme des mauvaises pratiques administratives (doctrines fiscales intempestives, rescrits erga Omnes, dégrèvements d’impôts déclarés par le contribuable lui-même ou d’amendes et pénalités réputées non susceptibles de dégrèvement, usage abusif du pouvoir hiérarchique) qui institutionnalisent l’évasion fiscale et parfois le refus de l’impôt ;
– à la rationalisation des procédures de surveillance instantanée de la qualité des déclarations souscrites par les contribuables ;
– à la modernisation (dématérialisation sur une plateforme unique commune à tous les acteurs économiques) de la facturation de la TVA jusqu’au remboursement du crédit subséquent pour les contribuables éligibles, ce qui devrait conduire à l’implémentation d’un système intégré de gestion de l’impôt ;
– à la réforme des structures spécialisées dédiées à l’enregistrement de la commande publique, les successions, les transactions foncières et les automobiles en vue de limiter au plus près les manipulations et détournements de dossiers et de recettes. Trop de procédures pendantes en justice ou devant les officiers de police judiciaire révèlent le niveau de prédation qui y règne au détriment exclusif du trésor public malgré l’inflation des dépenses budgétaires d’années en années, la bulle immobilière des grandes villes, l’accroissement du parc automobile ;
– A une évaluation rigoureuse de l’impact des premières mesures des APE sur l’investissement à travers la promesse d’accroissement de la compétitivité des entreprises existantes lors de leur signature et l’impact sur la création de nouvelles entreprises dans l’agroalimentaire notamment ;
– A une évaluation objective des retombées de la loi N° 2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé en république du Cameroun.
Hon. Cabral LIBII
Député PCRN.