Blick Bassy est un homme heureux. Le bluesman camerounais établi dans le Douaisis vient de signer un contrat avec la firme à la pomme, Apple. Une chanson tirée de son dernier album illustre une pub pour l’iPhone 6, diffusée actuellement dans le monde entier. Miraculeux : il n’était pas prévu que le disque soit édité…
Ses amis vivant aux États-Unis n’en ont pas cru leurs oreilles. « D’un coup, pendant la page de pub au milieu d’un match de basket de NBA, ils entendent ma chanson. Ils ont halluciné », se marre Blick Bassy. Surpris de reconnaître une chanson de leur ami ; estomaqués d’entendre des mots en bassa, un dialecte camerounais, sur l’une des plus grosses chaînes du pays, Fox News. Des millions d’autres téléspectateurs du monde entier vont faire connaissance avec la mélodie doucement syncopée du Cantinois (à situer pas loin de Ben Harper, en plus dépouillée et avec une dose d’optimisme supplémentaire).
Sa chanson Kiki fait partie des six que le géant américain a sélectionnées pour vanter les mérites de son dernier joujou, l’iPhone 6. Outre les retombées sonnantes et trébuchantes, le court spot qui inondera les écrans planétaires tout l’été assure une notoriété inespérée au Cantinois, apprécié jusqu’ici dans le cercle restreint des amateurs de musiques du monde.
Il s’en est pourtant fallu de peu pour que son disque Akö (dont est tiré Kiki) n’atterrisse jamais sur le bureau de l’agence chargée de dénicher des sons pour Apple. Les titres ont jailli près du feu durant l’hiver, à Cantin. Blick Bassy compose des morceaux en ayant en tête la figure du pionnier américain du blues Skip James, dont un portrait orne son mur. Il range ces titres des mois durant ; pioche dedans plus tard pour mettre en musique un conte pour enfants. Sans jamais avoir l’intention de faire un disque. Le hasard le fait croiser le patron du respecté label parisien No Format (Ballaké Sissoko, Gonzales). Coup de cœur. Le disque récolte une moisson de louanges lors de sa sortie au début du printemps (Le Monde,Télérama).
Le conte de fée continue avec ce spot publicitaire. « Avec la crise du disque, le placement de musique pour la pub, les séries, etc., c’est un peu devenu le Graal, note Laurent Bizot, patron de No Format. Là, ce qui est remarquable, c’est qu’il s’agit d’un titre calme chanté en dialecte africain. D’habitude, c’est plutôt de l’electro ou des titres rock en anglais qui ont la préférence des gens de pub. »
Le morceau raconte « la société africaine comme elle fonctionnait avant, l’entraide des différentes générations, dit Blick. Elle dit qu’on pourrait peut-être s’en inspirer ». Le Nordiste n’imaginait pas que le message allait porter aussi loin.
«Kiki», un titre écrit ici
C’est dans sa petite maison située à Cantin, entre Douai et Cambrai, que Blick Bassy a composé le morceau exposé en ce moment dans le monde entier. Le Camerounais de 40 ans y a posé ses valises il y a trois ans. Ravi de l’accueil nordiste. « À Paris, on me dit : mais qu’est-ce que tu fais là-bas ? Moi je n’ai qu’une hâte, c’est rentrer ici. Les gens sont sympas. La première fois qu’un flic m’a fait signe, j’ai cru qu’il voulait m’arrêter. Mais non, il me disait juste bonjour ! »
Arrivé en France en 2005, le Cantinois a d’abord habité à Paris. Mais la cherté des loyers et le besoin de respirer le poussent à chercher un havre « de nature pour vivre comme chez moi, au village ». Ce sera le Nord parce qu’il se produit régulièrement aux Pays-Bas et en Belgique. À Vitry-en-Artois puis Cantin parce que « un fan de Brebières de 70 ans» se démène pour lui trouver un pied-à-terre dans le coin.
Il a monté une asso à Cantin pour promouvoir la culture et anime une émission sur Radio Scarpe Sensée.
15 secondes de spot, des retombées énormes
Trois gamins jouent sur une plage, au ralenti. « Filmé sur Iphone 6 », dit la pub, mise en musique avec le morceau Kiki de Blick Bassy (visible sur YouTube). Elle ne dure que 15 secondes mais pour le musicien Cantinois, l’effet est exponentiel. Les retombées financières (au moins plusieurs dizaines de milliers d’euros) sont conséquentes.
Le gain de notoriété encore plus. Le spot lui ouvre les portes d’une possible tournée aux États-Unis, celle prévue en France à l’automne ne cesse de s’allonger (il joue à Arras le 21 novembre) et la presse française et étrangère tresse des lauriers à son beau disque Akö.