Suite à la sortie à polémique du responsable communication de l’instance de gestion du football au Cameroun, le journaliste et spécialiste de la communication Eric Fernand Kouamo apporte sa contribution au débat. Lebledparle vous propose le texte intégral.
La Fédération camerounaise de Football monopolise le débat dans les médias numériques et impose l’agenda des médias traditionnels au gré de son nouveau président, Samuel Eto’o Fils depuis plusieurs mois.
A la moindre humeur communicationnelle de l’instance faîtière du football au Cameroun, l’on assiste à un bouleversement des contenus dont l’un des indicateurs est l’offre des programmes spéciaux. Comme si des gatekeepers des télévisions locales étaient en panne de rigueur professionnelle pour taire tout soupçon propagandiste dans une telle démarche.
La pertinence ou l’impertinence des discours institutionnels dans une interview télévisée soit-elle spéciale est nullement gage de crédibilité et de neutralité, ce qui compte c’est l’effet qu’elle induit. Dans le cas spécifique, elle suscite au moins la nécessité d’interroger l’opportunité de l’offre télévisuelle ponctuelle (interview spéciale) , la crédibilité des discours (le contenu) qui en découlent et le jeu des acteurs (l’interviewé et l’intervieweur) dans ce contexte précis.
𝗖𝗼𝗺𝗺𝘂𝗻𝗶𝗰𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗼𝘂 𝗶𝗻𝗳𝗼𝗿𝗺𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻?
Dans quel registre peut-on positionner les prises de parole de la Fecafoot dans l’espace public? Communication ou information? A analyser la posture de son porte parole, elles traduisent au moins la volonté de faire flèche de tout bois perceptible par un triple objectif: répondre aux avis contraires considérés à tort ou à raison comme détracteurs, clarifier l’opinion sur les zones d’ombre d’une gouvernance loin de faire l’unanimité malgré ses résultats probants, présenter un bilan à mi-parcours.
𝗢𝗯𝗷𝗲𝗰𝘁𝗶𝗳𝘀 𝗮𝘁𝘁𝗲𝗶𝗻𝘁𝘀?
En réalité, la Fecafoot se fait entendre sans se faire comprendre. Cette incompréhension naît d’un positionnement très rédhibitoire en contexte camerounais. Plus encore aux yeux d’un public réputé exigeant et qui a déjà fait ses preuves dans la radicalité face aux postures qui frisent le mépris et l’orgueil. Porter la parole d’une institution historiquement controversée en contexte camerounais c’est avoir au moins un objectif de clarté du message avec ascèse. C’est-à-dire la prise de la hauteur sur des attaques et ragots de bas étage.
𝐄𝐧 𝐝’𝐚𝐮𝐭𝐫𝐞𝐬 𝐭𝐞𝐫𝐦𝐞𝐬, 𝐮𝐧𝐞 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐮𝐧𝐢𝐜𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐧’𝐞𝐬𝐭 𝐚𝐛𝐬𝐨𝐥𝐮𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐩𝐚𝐬 𝐮𝐧𝐞 𝐫𝐞́𝐩𝐨𝐧𝐬𝐞 𝐚𝐮𝐱 𝐜𝐫𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐢𝐞𝐧𝐭-𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐜𝐞𝐫𝐛𝐞𝐬 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐮𝐫𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬. Elle est davantage l’expression de la vision institutionnelle dans une approche méthodique, clairvoyante et convaincante. Telle semble la première erreur du dernier exercice public de cette institution dans les médias.
De manière prosaïque, on ne va pas à la télévision en posture de communicant pour critiquer ses anciens collègues, relater des conversations privées entre interlocuteurs, mettre son public au défis etc. Une telle démarche est répugnante, contre-productive et brouille le feedback escompté.
L’analyse du contexte est donc un exercice incontournable. Historiquement, les publics camerounais réputés exigeants se montrent sensibles à l’humilité. En de mots simples bien parler au sens du public camerounais, c’est aussi se munir de munitions dont l’un des plus efficaces reste l’humilité : reconnaître ses imperfections, demander pardon si nécessaire, solliciter son soutien pour l’accomplissement du vaste chantier de la reconstruction du football dont les premiers indicateurs sont positifs.
𝗟𝗲 𝗱𝗲́𝗳𝗶𝘀 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗰𝗼𝗺𝗺𝘂𝗻𝗶𝗰𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗲𝗻 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗲𝘅𝘁𝗲 𝗱’𝗶𝗻𝗳𝗼 𝗽𝗼𝗹𝗹𝘂𝘁𝗶𝗼𝗻.
Nous évoluons en contexte d’info pollution avec une massification de la circulation de l’information à caractère manipulatoire. La prise de parole devient un exercice délicat tant les attentes sont énormes. De manière plus spécifique, lumière est attendue sur des préoccupations légitimes relatives aux actes de gouvernance de l’équipe en place.
Le contrat du nouvel équipementier des équipes nationales de football du Cameroun.
La prorogation du mandat de l’exécutif de 4 à 7 ans sans arguments convaincants aux yeux d’un peuple qui garde en mémoire l’amère pilule des émeutes contre la modification de la constitution.
𝗦𝗮𝗺𝘂𝗲𝗹 𝗘𝘁𝗼’𝗼 𝗱𝗼𝗶𝘁 𝗽𝗿𝗲𝗻𝗱𝗿𝗲 𝗹𝗮 𝗽𝗮𝗿𝗼𝗹𝗲. 𝗜𝗹 𝗱𝗼𝗶𝘁 𝗱𝗲𝘀 𝗰𝗹𝗮𝗿𝗶𝗳𝗶𝗰𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻𝘀 𝗮𝘂 𝗽𝗲𝘂𝗽𝗹𝗲 𝗖𝗮𝗺𝗲𝗿𝗼𝘂𝗻𝗮𝗶𝘀
Face à de tels enjeux, susceptibles d’être des graves menaces à la notoriété de l’institution à ce tournant historique politiquement délicat sur l’échiquier national, la parole du responsable de la communication est d’un poids léger.
Samuel Eto’o doit prendre la parole car, les discours par intermédiaires s’essoufflent quelle qu’en soit la fougue de celui qui la porte. Le Président de la Fédération Camerounaise de Football se doit donc de prendre ses responsabilités.
Sauf erreur, depuis son élection, Samuel Eto’o n’a accordé aucune grande interview à un média national. Petit à petit, il se construit l’image d’un dirigeant condescendant à l’égard de la presse locale. Les déjeuners de presse avec des journalistes sportifs et autres influenceurs ne remplacent pas une interview réalisée selon les règles de l’art.
𝗤𝘂𝗲𝗹 𝗷𝗼𝘂𝗿𝗻𝗮𝗹𝗶𝘀𝘁𝗲 𝘀𝗽𝗼𝗿𝘁𝗶𝗳 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗶𝗻𝘁𝗲𝗿𝗿𝗼𝗴𝗲𝗿 𝗘𝘁𝗼’𝗼 𝗲𝗻 𝗰𝗮𝘀 𝗱’𝗶𝗻𝘁𝗲𝗿𝘃𝗶𝗲𝘄?
Cette question vaut son pesant d’or depuis les deux dernières sorties du porte-parole de la Fecafoot. De toutes ses parades médiatiques, il n’a été interrogé que par des journalistes à sensibilité politique 𝐝𝐨𝐧𝐧𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐢𝐞𝐮 𝐚̀ 𝐝𝐞𝐬 𝐬𝐮𝐩𝐩𝐮𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐚𝐩𝐚𝐜𝐢𝐭𝐞́𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐩𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐬𝐩𝐨𝐫𝐭𝐢𝐯𝐞 𝐚̀ 𝐭𝐢𝐫𝐞𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐯𝐞𝐫𝐬 𝐝𝐮 𝐧𝐞𝐳 𝐝𝐞 𝐜𝐞𝐬 𝐝𝐢𝐫𝐢𝐠𝐞𝐚𝐧𝐭𝐬. 𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐬𝐢 𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐧’𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐪𝐮’𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐜𝐮𝐢𝐬𝐢𝐧𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐚𝐭𝐜𝐡𝐬 𝐝𝐞 𝐟𝐨𝐨𝐭𝐛𝐚𝐥𝐥.
Cela exprime au moins l’impérative nécessité de la réinvention du journalisme sportif au Cameroun des points de vue éthique, conjoncturel et structurel. Du point de vue conjoncturel, le journalisme sportif doit s’adapter aux évolutions sociales, politiques et culturelles.
Les besoins des publics ont changé, leurs profils aussi. Le public sportif du XXI e siècle se laisse séduire par des informations approfondies dont seule l’enquête journalistique est la clé. Le public sportif du XXIe siècle est hyper renseigné. Il s’informe régulièrement grâce aux nouveaux canaux numériques d’information.
Grâce aux réseaux sociaux, il suit l’actualité quotidienne de ses idoles dans les stades de football et dans
Que devient donc l’utilité d’écouter une émission de sport de 2h qui lui offrira ce dont il a connaissance?
𝗟𝗲𝘀 𝗱𝗲́𝗳𝗶𝘀 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗽𝗿𝗲𝘀𝘀𝗲 𝘀𝗽𝗼𝗿𝘁𝗶𝘃𝗲 𝗮̀ 𝗹’𝗲̀𝗿𝗲 𝗱𝘂 𝗻𝘂𝗺𝗲́𝗿𝗶𝗾𝘂𝗲
Le journaliste de sport, face à ces enjeux, doit s’arrimer aux nouvelles exigences en se réinventant. Cela tient de sa capacité à interpréter les décisions de sport. Le football est aussi politique et juridique.
De multiples instances juridictionnelles existent à des degrés variés sur la plan local, national et international. Suivre cette actualité juridique requiert des prédispositions académiques qu’il convient d’acquérir pour être percutant face aux exigences de l’heure en milieu des sports, principalement du football.
Les séminaires dits de formation ne vous donneront pas ces clés. Un effort d’ascèse serait pas mal dans la presse sportive camerounaise car, les temps ont changé!