Proche de l’ancien Directeur général de la Crtv durant sa maladie, David Eboutou est l’une des premières personnes à avoir annoncé son décès le 9 avril 2021. Quelques heures plus tard, le docteur en histoire retraçait dans un récit à la fois émouvant et truculent, les derniers moments du Pr Gervais Mendo Ze avant qu’il ne rejoigne l’au-delà.
Il aura résisté jusqu’au bout. Mon témoignage post-mortem sur les derniers jours du professeur Gervais Mendo Ze sur terre ! Ce matin, comme depuis de nombreux mois déjà, je me suis livré à mon réveil, à mon traditionnel coup au fils aîné du Professeur Gervais Mendo Ze, le Docteur Gérard Mendo. Il a pris l’habitude de m’informer au quotidien sur l’évolution de l’état de santé de son père. Cette fois, les appels se multipliaient entre lui et moi surtout que depuis quelques jours,l’état du Professeur s’était de nouveau dégradé sérieusement. Il sera d’ailleurs transporté en urgence au centre de Réanimation du SAMU de l’Hôpital Central de Yaoundé le lundi 05 avril 2021 et placé immédiatement sous assistance respiratoire.
Entre lundi 05 avril et mercredi dernier, les nouvelles semblaient de nouveau rassurantes. J’avais reçu un appel de son fils qui donnait des raisons d’espérer. Il m’avait dit : « le vieux ouvre de temps en temps les yeux et sa respiration se stabilise. Il répond même quand tu l’appelles.» C’était un réel motif de joie et je pouvais le deviner au son de sa voix. Rassuré de mon côté, c’est tout excité que je lui dirais que je passerais voir le prof entre Jeudi et vendredi.
Ayant terminé le travail tard, hier jeudi 08 avril 2021, c’est finalement ce matin que je me suis résolu à me rendre de nouveau au chevet du Professeur. J’ai donc appelé son fils aux environs de 09 heures qui m’a immédiatement demandé de le retrouver au Service de Réanimation de l’hôpital central de Yaoundé situé juste à côté de la morgue de cet hôpital.
Y étant, j’ai retrouvé deux enfants du Professeur Gervais Mendo Ze, deux neveux et deux nièces sans oublier son épouse, la brave maman Germaine. Il était alors 11 heures du matin.Gervais va entreprendre de me relater ce qu’il en était jusque-là de la situation de son papa. Il ne semblait guère rassurant ! Il va néanmoins me lancer : « tu sais ! Le vieux est un roc ! Malgré qu’il soit sous assistance respiratoire, si tu l’appelles, il va répondre. D’ailleurs, allons que toi-même tu ailles voir de tes yeux ».
Sans me faire prier nous entrons dans la petite salle de réanimation abritant le prof et là, je suis terriblement choqué. J’en perd à ce moment mon latin. Le Professeur a des sondes partout. Son nez est couvert par une espèce de masque en plastique qui j’imagine, lui permet de respirer. Il ouvre de temps en temps les yeux vers notre direction. En voyant cela, je me retourne vers son fils et lui dit : « Je crois que le prof va résister. Ça se voit qu’il se bat pour vivre et Dieu va certainement opérer un miracle. »
Je retrouve ensuite maman Germaine, l’épouse du Professeur. Elle me lance un sourire et me rassure à son tour. Mais, je vois bien son visage expressif qui ne semble pas croire à ce que la langue confesse.
Vers 12 heures, Alors que nous sommes tous là devant la chambre du Professeur, Gérard est interpellé par les médecins. Ils demandent que le Professeur fasse d’autres examens. Ceux-ci doivent se faire à un jet de pierre de là, au Centre des Urgences CURY. Mais le problème, il faut une ambulance qui transporte le Professeur sur cette distance de moins de 2000 mètres et le souci est que l’ambulance disponible n’a pas de de cylindre d’oxygène médical. Seul le manomètre y est. Il faut pourtant faire vite.
Vers 13h, la Famille du Professeur Gervais Mendo Ze va saisir la Présidence de la République pour leur présenter la situation. Accord sera donné pour qu’une ambulance du palais regagne l’hôpital central. L’ambulance du palais arrivera à notre niveau aux environs de 14 heures. C’est cette ambulance qui est en image au bas de cette publication.
Quelques médecins militaires accompagnent l’ambulance. Cependant, un autre problème va se poser. Il fallait une fois de plus trouver un cylindre d’oxygène. Instruction leur sera donnée après concertation d’aller le récupérer à l’hôpital de la Caisse au quartier Essos.
En moins de 45 minutes, l’ambulance de la présidence était de retour et aux environs de 15 heures, les médecins vont s’atteler à sortir le Professeur de sa chambre pour l’installer à l’intérieur de l’ambulance sous le regard attentif de sa famille. Vers 16 heures, nous quittons finalement le service de réanimation pour le Centre des Urgences du CURY.Gérard souhaite que nous suivions l’ambulance à partir de son véhicule. Il est assis devant en compagnie du cousin qui le conduit et je suis à l’arrière avec maman Germaine.
Moins de 03 minutes après, nous faisons notre entrée au CURY. Alors que l’ambulance manœuvre pour positionner son arrière directement à l’entrée de la salle, quelques militaires prient les patients et autres visiteurs assis à l’entrée de quitter les lieux pour un moment . Un demi-cercle est formé au niveau de la porte et le professeur est conduit discrètement dans la salle des examens. Dans cette attente, Gérard et moi décidons de retrouver sa mère, maman Germaine restée assise dans la voiture. Elle semble avoir retrouvé la sérénité. Elle multiplie des anecdotes qui m’arrachent le sourire.
C’est le cas lorsqu’elle me raconte que son défunt papa avait conditionné le Professeur à procéder à un mariage religieux immédiatement après le mariage civil avec elle. Le Professeur voulait renvoyer à sine die le mariage religieux mais il s’était finalement plié après les « menaces » de son beau-père. Elle me raconte sous les rires de son fils comment des familles entières venaient présenter au Professeur des nourrissons en lui annonçant qu’elles avaient donné le Patronyme Mendo Ze à ces derniers et lui, sans autre forme d’enquête, décidait d’en prendre la charge des frais scolaires jusqu’à l’université.
Elle m’en cite quelques noms parmi lesquels, des prêtres, des médecins, des universitaires etc…À chaque fois, il se dégage sur son visage, de l’amour profond, à l’évocation du nom de celui qu’elle a aimé toute sa vie. Alors qu’elle termine de me raconter comment son mari l’a soutenu pour achever son Doctorat PhD, l’on nous fait signe que les examens sont terminés, le Professeur Déjà installé dans l’ambulance et qu’il faille retourner à la Réanimation. Il est alors presque 17 heures.Juste le temps de retourner au service de réanimation et de voir comment le professeur regagne son lit, je décide sans attendre de prendre congé des enfants du Professeur et de son épouse.
À ce moment, Je marche donc tranquillement pour regagner mon véhicule et là, mon téléphone sonne. C’est le Docteur Gérard Mendo qui me demande si je suis déjà loin et d’enchaîner directement : «Mon cher David! Le vieux n’a pas résisté. Il vient de rendre l’âme ! ». Il est en ce moment à ma montre 17h25 minutes.
Je suis comme électrifié et déboussolé. Le temps de retrouver mes forces et faire demi-tour pour l’hôpital central, j’envoie un message à son frère,celui qui est comme un père pour moi, interné également dans une formation hospitalière de la place. Il est effondré !Après avoir fait l’annonce sur ma page Facebook, je me plonge dans mes pensées aux abords de l’hôpital central de Yaoundé et mon esprit se met à me balader dans ce que fût certainement vie du Professeur Gervais Mendo Ze . Un brillant intellectuel, l’un des plus féconds que ce pays ait produit. Un génie qui nous laisse des œuvres musicales et littéraires de référence. Une âme dont le côté charitable continue de résonner en chacun de nous.