Dans ce petit pays d’Afrique australe se joue une histoire de corruption digne d’Hollywood: le « cashgate », comme le surnomme la presse locale.
Des fonctionnaires corrompus sont accusés d’avoir détourné des fonds publics et d’avoir construit des résidences luxueuses avec l’argent censé améliorer la vie de l’un des peuples les plus pauvres d’Afrique. En quoi consiste cette affaire et pourquoi est-elle importante ?
Le « cashgate » est le plus grand scandale de corruption que le Malawi ait connu et il aurait coûté l’équivalent de 74 millions d’euros à ce pays démuni. L’arnaque consistait à exécuter des versements frauduleux à partir du système de paiement de l’Etat pour des services fantômes et à verser des « pensions fantoches » à des retraités fictifs du gouvernement.
Les fonctionnaires corrompus empochaient l’argent, qu’ils utilisaient pour acheter de belles voitures et des hôtels particuliers. Ils ont également amassé des liasses de dollars américains et de kwacha [monnaie locale] malawiens dans des coffres de voitures, des sacs à main et des taies d’oreiller, d’où l’appellation « cashgate ». Contrairement aux scandales de corruption qui éclatent régulièrement aux Etats-Unis, les montagnes de billets sont bien réelles dans ce cas, et non symboliques.
Qui est impliqué dans cette affaire ?
Soixante-huit personnes ont été inculpées jusqu’à présent, dont d’anciens ministres, des pontes du parti au pouvoir, des fonctionnaires et des hommes d’affaires. Ils sont notamment accusés de vol, de fraude, de blanchiment d’argent et de tentative de meurtre. Des biens immobiliers et des véhicules ont été saisis et des dizaines de comptes bancaires gelés.
Comment l’arnaque a-t-elle été révélée ?
Le scandale a explosé en septembre 2013 lorsque Paul Mphwiyo, un haut fonctionnaire du ministère des Finances, a reçu trois balles dans la tête, tirées par des hommes armés devant sa résidence du quartier chic Area 43, dans la capitale Lilongwe. Miraculeusement, il s’en est sorti. Depuis deux mois, Paul Mphwiyo était directeur du budget au ministère des Finances, où il était chargé de remédier aux lacunes du système financier qui entraînaient fraude et gaspillage.
La tentative d’assassinat a eu lieu moins d’une semaine après que la découverte de plus de 185 000 euros dans le coffre d’un jeune fonctionnaire du ministère de l’Environnement. Les deux incidents ont démasqué tout un groupe de cadres véreux et ont révélé le cœur pourri du gouvernement de la présidente Joyce Banda.
Elle est entrée en fonction en 2012 après le décès de son prédécesseur, Bingu wa Mutharika. Suite aux incidents, elle a commencé par renvoyer la majorité des membres de son gouvernement, qu’elle a ensuite nommés de nouveau à leurs postes, sauf le ministre des Finances, Ken Lipenga, et le ministre de la Justice, Ralph Kasambara. Ce dernier a été inculpé de tentative de meurtre sur Paul Mphwiyo. Ken Lipenga affirme ne rien savoir du scandale. Ralph Kasambara aurait ciblé l’ancien directeur du budget pour éviter qu’il ne dévoile les fonctionnaires corrompus. Reste à savoir s’il s’agit là de toute l’affaire.
Quels sont les enjeux pour le Malawi ?
Le Malawi est déjà tristement célèbre pour des cas de grande corruption et à ce stade, sa réputation ne peut plus se dégrader davantage. Il n’en va toutefois pas de même pour Joyce Banda, âgée de 63 ans, que les dirigeants régionaux et étrangers ont applaudie. Incarnant un nouveau départ pour le pays, cette femme – tout comme Ellen Johnson-Sirleaf au Libéria – devait mettre fin à des années de mauvaise gouvernance.
Plus grave encore, l’impact du scandale sera rapidement ressenti par les 13 millions d’habitants du Malawi et notamment par les pauvres. Le pays, dont l’activité principale est l’exportation de tabac de mauvaise qualité, peine à nourrir sa population et chaque centime perdu ou volé a de terribles conséquences sur les services les plus fondamentaux, comme l’enseignement ou la santé.