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Le primat du scandale sur la médiation littéraire dans les télévisions camerounaises : le cas de la jeune écrivaine Marzouka Oummou Hanni

Dans un contexte où l’information littéraire est très peu mise en avant, l’affaire Marzouka Oummou Hani a connu un écho important. A l’observation, la mise en agenda de cette actualité a montré que les sujets ayant trait au livre font vite courir les journalistes lorsqu’ils sont émaillés d’une controverse dont l’évocation pourrait drainer une audience.

Marzouka
Marzouka Oummou Hani-DR

Juillet 2023, l’affaire Marzouka Oummou Hani s’empare de l’actualité médiatique. La jeune écrivaine âgée de 17 ans, est au cœur d’une controverse dans son village natal d’Idool, situé dans la région de l’Adamaoua dans le Nord Cameroun. Son premier roman, « Mon père ou mon destin », qui dépeint une société rurale gangrenée par les mariages forcés, la sous-scolarisation des filles, la sorcellerie et les violences conjugales est contesté par les autorités traditionnelles de la localité.

Le chef du village et une partie des habitants accusent la jeune auteure de diffamation. Selon ces derniers, le roman décrit Idool et son fondateur de manière « malsaine et blasphématoire ». Après une bataille juridique qui a duré plusieurs semaines, la vente du livre a été suspendue. Les éditions M&D de concert avec l’écrivaine, a finalement décidé de modifier les points querellés qui se trouvent dans ce bouquin. Le succès médiatique retentissant de cette histoire dans un contexte médiatique de désert de contenu littéraire, est la preuve que l’intérêt de plusieurs médias audiovisuels vis-à-vis de ce type d’information, est motivé par le caractère polémique qui l’enveloppe.

Analyse du traitement médiatique d’un scandale littéraire

Ce n’est un secret pour personne, la promotion du livre dans les télévisions au Cameroun est faible. Dans une étude menée au sein de cinq chaînes de télévisions camerounaises (CRTV, Canal 2 International, Vision 4, Equinoxe TV et Info TV), ont permis de corroborer cette thèse. (Mimfoumou Zambo, 2024). L’analyse de contenus des grilles de programmes de ces chaînes parmi les plus suivies du pays, a permis de découvrir qu’une seule émission dédiée au livre ; il s’agit de « Ponctuations » qui est diffusé sur la CRTV, la télévision nationale.

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Ces données factuelles sont assez éloquentes pour justifier l’idée selon laquelle, le travail de médiation littéraire en tant que passerelle entre le livre et son public, ne semble pas être l’apanage des télévisions du Cameroun.

L’une des informations littéraires la plus courue de l’année 2023, aura donc été l’affaire de la jeune écrivaine d’Idool. À titre d’illustration, Equinoxe a multiplié les reportages dans les journaux d’information. Mais cette actualité, bien que liée à la littérature, a été principalement relayée en raison du brouhaha juridique et social qui l’a entouré. Ce faisant, elle ne constitue pas de manière à proprement parler, un acte de promotion du livre. La mise en agenda (au sens de Donald Shaw et McCombs) des traitements médiatiques, relègue la médiation littéraire au second plan et lui préfère les sujets se rapportant au scandale. À l’aune du cas de Marzouka Oummou Hani, l’idée que les médias ont tendance faire l’impasse sur l’utile pour faire la part belle au sexe, sang scandale.

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C’est dans le même sens que le concept d’« infotainment » a vu le jour,  pour présenter les médias qui se sont progressivement détournés de leur rôle social d’éducation pour s’inscrire dans une quête perpétuelle de sujets sensationnels. Elles sont devenues selon Christian Abolo Mbita, « de nouveaux médias, plus commerciaux qu’identitaires, dont l’action se fonde sur l’activation de comportements relevant plus du registre compulsif que réflexif. Informer, éduquer et divertir, les trois rôles qui ont été attribués aux médias semblent s’être effrités pour donner plus de force au divertissement, laissant ainsi une place prépondérante à l’information spectacle ».

Cette réalité d’un environnement médiatique plus enclin à faire la part belle à l’information spectacle, permet à l’aune du cas de Marzouka Oummou Hani, de comprendre pourquoi en matière de promotion littéraire, certaines télévisions privilégient le scandale au contenu des livres, qui éduquent et cultivent.

Par Cédric Mimfoumou Zambo, chercheur en Sciences de l’Information et de la Communication


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