Joseph Chiromei, entraîneur de l’équipe nationale kényane, souligne l’importance des lièvres dans la préparation des athlètes : « J’ai six lièvres et sept coureuses ce matin. Le lièvre est là pour conserver une allure régulière et motiver les coureurs. » Il ajoute que ces lièvres permettent aux athlètes de s’habituer à des allures élevées, leur donnant ainsi un avantage considérable lors des compétitions : « Quand les coureuses courent avec un lièvre, une fois qu’elles se sont habituées à l’allure des hommes, quand elles sont seules durant les courses, elles font des temps fantastiques. Par exemple, Ann Rose Mary Wanjiru que j’entraîne, elle a déjà couru un marathon en 2h16, deux fois. »
Un investissement lucratif
Les lièvres ne se contentent pas d’assister les femmes ; ils sont aussi essentiels pour les hommes. Leur rôle est tellement vital que certaines courses les embauchent pour imposer une allure spécifique. Julien Di Maria, entraîneur de l’équipe Kechei, explique : « Dans un marathon d’envergure, on peut être entre 2 500 jusqu’à 10 000 euros en fonction des chronos nécessaires, de l’allure et de la distance que va parcourir le lièvre. Il signe des contrats, tout est indiqué dedans. »
Cependant, être lièvre peut être mentalement exigeant, surtout dans une société patriarcale comme celle du Kenya. Di Maria observe : « Il y en a qui se disent : « Moi, de faire lièvre à des femmes toute ma carrière, c’est moyen. » Mais, s’ils gèrent bien leur carrière, ils peuvent faire ça pendant dix-quinze ans et gagner plus d’argent que des coureurs qui vont juste terminer des courses et ne pas être dans le top du top. »
Le niveau de performance des lièvres est impressionnant. Par exemple, un marathon en 2h16 est bien en dessous du minimum olympique pour se qualifier au marathon féminin, fixé à 2h26. Chez les hommes, le minimum olympique est de 2h08, et au Kenya, une centaine d’athlètes courent en dessous de ce chronomètre.