Madame,
J’aurais pu me la fermer et me rendre complice de ces «nombreux» journalistes frileux et complaisants qui vous ont adressé tour à tour leurs regrets pour, vous ont-ils dit, avoir été «outrés par le comportement de leurs confrères» à la suite de votre intempérance de jugement, de répartie et de langage, mais je ne fermerai pas ma gueule.
Je vais donc, dans les lignes qui vont suivre, l’ouvrir grand pour m’adresser directement à vous et, à travers vous, à cette «bande de marionnettes» fabriquées des mains de Geppetto.
Et puisque, plutôt que de parler un «français républicain» [qui n’existe nulle part ailleurs que dans votre imaginaire d’auteure], vous avez décidé de rabaisser le niveau linguistique en vous exprimant comme la racaille du 9-3, que vous avez par ailleurs immortalisée dans votre texte «Le roman de Pauline», je viens, par cette lettre, montrer aux Camerounais et à l’ensemble des Africains, du continent et de la diaspora, que vous devriez être bannie des tribunes médiatiques, jusqu’à ce que vous ayez présenté des excuses aux gens qui ont contribué, en partie, à faire de vous la grande dame de Lettres que vous êtes devenue.
J’ai pris le temps de voir, de revoir l’émission «L’Arène», où vous avez été invitée il y a quelques jours. Dans quel but ? Eh bien, je voulais traquer la moindre insolence de la part du panel de chroniqueurs dont on a sollicité l’expertise pour débattre avec vous.
Avant d’entrer en scène, perchée sur vos talons aiguilles de luxe surmontés de votre robe rouge fatal que sanctionnait gentiment un triangle doré renversé, sur lequel était accroché votre micro-cravate, vous saviez que le spectacle ressemblerait à une corrida, à une tauromachie. Vous saviez aussi que vous auriez en face de vous des «torreros» qui n’allaient pas hésiter à se mettre ensemble pour vous titiller afin de vous exaspérer, que l’un deux finirait tôt ou tard par agiter le drapeau mauve qui a décomplexé le préjugé défavorable et le mépris originel que vous nourrissiez envers le format de ce type de débat. Mais vous y êtes allée. Quand même.
Dans les coulisses du studio, où vous attendiez l’ouverture des hostilités, vous dites vous être «vous-même», avec l’animateur de l’émission, «entendus sur le fait que [vous]quitte[riez]l’émission si l’on [vous]manquait de respect.» Telle était la seule «condition» inaliénable à laquelle vous aviez «accepté de participer à l’émission». Votre hôte principal l’a justement rappelé «pendant l’émission.» Mais ce que vous ne dites pas à vos sympathisants, c’est le fait que jamais vous n’auriez exigé une telle disposition pour passer sur une chaîne française, chère madame.
J’en veux pour preuve une émission du service public français «On n’est pas couché», datant du 14 février 2009, dans laquelle les deux Eric, Zemmour et Naulleau, ont eu des mots très durs, beaucoup plus durs à votre encontre au cours de ce numéro où vous avez été invitée à présenter votre livre. Qu’en est-il sorti ? On a appris que vous n’avez «pas d’a priori, [que vous]aime[z]bien rencontrer des gens qui ont des idées contradictoires». Génial! Puis, dans la même séquence introductive, vous dites également: «On peut ne pas partager les mêmes idées et se respecter. […] C’est une faiblesse, ne pas aimer quelqu’un parce qu’on ne partage pas les mêmes idées, ça n’a rien à voir. […] Je préfère d’ailleurs rencontrer des gens qui n’ont pas les mêmes idées que moi parce que ça m’enrichie, ça me permet de me remettre en question. Et voilà, c’est tout ! »
Mais lorsque les deux chroniqueurs ont rendu chacun leur fiche de lecture de votre «roman de Pauline» en pointant vos contradictions, plutôt que d’user d’élégance et de convaincre vos auditeurs, potentiels lecteurs de votre texte, vous avez déroulé votre vulgarité légendaire en traitant l’un de «bonhomme», et l’autre, de «gros menteur». Je rappelle simplement que vous étiez dans une émission littéraire pour défendre un texte, et non pas dans une émission politique, où les protagonistes sont un peu «menteurs» en effet. Il y a quelques jours, vous avez poursuivi votre exercice de style en fulminant des grossièretés du même acabit, qualifiant vos contradicteurs d’un soir de «cons», de «couillons», d’«andouilles», de «tintins».
Voilà que pour vous donner bonne conscience, ou tenter de légitimer votre outrage vis-à-vis d’un chroniqueur qui ne faisait que le travail pour lequel on lui avait demandé d’être là, vous investissez le Christ qui, selon vous, ne saurait être taxé de manque d’éducation pour avoir «chassé les marchands du temple à coups de fouet». Mais vous taisez sciemment le fait que votre Christ rencontrait des foules païennes pour prêcher la Parole de son Père, les persuadant de la vanité des choses de ce bas monde sans jamais les insulter ou les dénigrer dans leur humanité, madame l’intouchable. Voilà ce qui aurait dû être écrit.
Les «journalistes de qualité», selon vous, sont ceux-là qui vous trouvent géniale, sans qu’ils n’aient rien à redire au sujet de votre œuvre; c’est ceux-là qui ne disent mot sur les accusations de plagiat qui vous ont valu condamnation à plus d’une occasion. Les journalistes, tels que vous les aimez, sont ceux-là qui ferment le clapet sur certains de vos textes sensationnels qui ont défrayé la chronique en Occident, en France notamment, votre pays d’adoption sur lequel vous ne manquez aucune occasion de retourner votre arme pour bien le zigouiller sur les différentes tribunes où l’on vous tend un micro. Les «journaleux», les «cons», les «andouilles», les «tintins», les «obsédés sexuels» et autres «zozos» sont ceux qui suscitent chez vous indifférence et mépris. M. Luc Perry Wandji en est devenu le symbole, la preuve vivante malgré lui de l’arrogance beyalesque envers la chronique littéraire.
Oui, chère auteure, lorsque Naulleau dit que «Vous avez renoncé au travail minimum de l’écrivain», parce que sa lecture n’a pas décelé le moindre travail d’adaptation du langage de l’un des protagonistes à son jeune âge, je reconnais qu’il est de votre droit de ne pas être d’accord avec lui, puisque vous êtes l’auteure du texte, mais de là à vous abriter derrière des arguments du type: «J’aimerais beaucoup comme vous être payée à être gratuitement méchant(e)», c’est clairement faire aveu de faiblesse. Cela montre bien que vous êtes intolérante, incapable de vous décentrer, de prendre de la distance ou de reconnaître que votre création littéraire puisse se prêter à 1000 critiques, y compris celles qui s’opposent à l’encensement de votre réputation quelque peu surfaite, si l’on s’en tient aux accusations avérées de plagiat d’une partie de votre indéniable œuvre.
Chère madame, depuis des années que j’enseigne différents cours de littérature, j’ai fait acheter vos livres à mes étudiants. Vous avez été pour moi l’une des voix féminines, certes grande gueule mais crédible, de la littérature francophone. Et si le talent est à saluer, vos manières frôlent la vulgarité, à tel point que ceux qui parlent de vos livres se raréfient, et que vous faites venir à vous, comme votre Christ plusieurs siècles plus tôt, des «bébés littéraires» qui demandent à être biberonnés au lait Facebook, mouvance Revenge Porn.
Nul n’est dupe que derrière les traits de l’animateur préféré des français François Ackerman apparaît en filigrane M. Drucker. Parce que vous êtes plus intelligente, vous n’êtes pas tombée dans les mêmes travers que votre jeune alliée Nathalie Koah qui, mue par la fringale de dépecer son ex-amoureux, a écrit son livre comme elle parle à ses amies libertines, réglant ainsi ses comptes non pas avec des avatars mais plutôt avec la véritable identité de ses «haters». Par ce détour, vous avez su préserver votre livre d’une interdiction de publication, votre consœur apprentie auteure, non.
Maintenant que cette dernière lance son empire médiatique, vous feriez mieux d’y occuper une tranche horaire afin que l’on vous voie à l’épreuve. Mais vous ne l’accepterez sans doute jamais, de peur que personne ne vienne débattre avec vous. Vous avez toujours raison, les autres, toujours tort. Votre moithérapie et votre bellicisme vous aveuglent de certains enjeux pour lesquels la voix d’autrui compte aussi; votre autosuffisance intellectuelle montre à quel point certains décideurs vous refusent ce qui semble pourtant vous revenir de droit.
En effet, la francophonie, c’est votre bébé, nous dites-vous. Le vote massif contre Sarkozy, ayant conduit Hollande à l’Élysée, c’est toujours vous. La mise en place d’un collectif versant dans le civisme, c’est encore vous. L’emblème du kaddhafisme ou du gbagboisme littéraire engagé, encore et toujours vous… Eillle! Et les autres dans tout ça? Vous arrive-t-il d’admettre l’apport des autres dans votre réflexion? Pourquoi devrait-on accréditer vos thèses occultes parce que vous avez décrété que vous et vos amis despotes les croyez divines ou absolues? Non, vous n’avez pas le monopole de la raison. Et ce n’est pas parce que vous avez écrit un livre que tous devraient s’aligner sur la lecture aseptique que vous en donnez.
Vous, les Marlène Emvoutou et autres Nathalie Koah êtes persuadées que lorsque Dieu parle aux humains de la terre, Il s’adresse d’abord et avant tout à vous. Les autres sont, à vos yeux, des faire-valoir; ils/elles doivent vous suivre, tels des brebis marchant derrière vos trois, guides imaginaires sur le chemin de Damas.
Et vous devriez arrêter vos comparaisons, qui n’ont rien à voir avec votre incapacité à défendre votre point de vue. Oui, madame, quand bien même vous avez produit tout un œuvre [je dis bien UN œuvre], vous devriez être consciente du fait qu’un chroniqueur, dès l’instant où vous avez accepté de vous prêter au jeu, vous interroge sur un livre, un seul. C’est son choix, c’est ainsi. Vous n’aviez qu’à refuser l’invitation ou peut-être aurait-il été préférable de ne pas écrire sur le sentiment de honte que susciterait a posteriori vos propres textes. Et vous venez nous expliquer que «quatre types [ont]pass[é] plus d’une heure à fouiller dans les culottes d’une femme. La femme leur donne quelques coups aux doigts pour qu’ils enlèvent leurs sales doigts.» N’importe quoi!
Et vos mains, sont-elles plus propres que leurs «sales doigts» réunis? Mais pour qui vous prenez-vous? Au lieu de brandir cette demi-victoire virtuelle pour aiguiser les sabres déjà affûtés de vos «followers», vous devriez avoir honte. Vous devriez avoir honte d’avoir singé ceux qui étaient là pour débattre démocratiquement avec vous, plutôt que de les prendre pour des va-nu-pieds. Vous devriez avoir honte, oui honte de mépriser ces gens à une heure de grande écoute, alors que vous n’avez aucune actualité littéraire qui aurait dû vous emmener là.
Le buzz, c’est vous qui l’avez cherché, en feignant de quitter le plateau pour ensuite y revenir et mettre tous les «types» qui étaient encore là au garde à vous. Quelle inélégance! Il faut voir la trouille qu’avait le dernier paneliste drapé dans son boubou africain… Caché derrière ses lunettes, il ne m’a inspiré que pitié, celui-là. Que des éloges, que des fleurs à n’en point finir… Un vrai tonneau vide! Et l’animateur, castré à jamais par sa désinvolte invitée. Ceux-là, oui, vous les avez terrorisés. Ils ont rendu les armes parce qu’incapables de vous tenir tête. D’ailleurs, qu’ont-ils fait le lendemain? Eh bien, ils ont vite fait de courber l’échine pour se faire pardonner de la prétendue irrévérence des chroniqueurs, M. Wandji porté en sacrifice, criblé de balles virtuelles sur la place publique. Merde !
Non, Mme Beyala, je ne connais pas un «zozo» qui «conseiller[ait]à [une]femme de se taire pendant un viol.» C’est un criminel. Si vous en avez connu, des types comme ça, faites-en un livre, dénoncez-les. Autrement, taisez-vous, car si cela a eu lieu, vous êtes complice des crimes de vos bourreaux. Ces chroniqueurs n’y sont pour rien, nous, téléspectateurs, non plus.
Puis vous dites «Le viol n’est pas seulement la violence physique… Le fait de fouiller, tripatouiller dans la vie privée d’une personne est aussi un viol. Je les ai castrés.» Mais qui a offert cette «vie privée» à ses lecteurs, dites-moi? Qui vous a contrainte à vous épancher longuement sur ces pans de votre vie si vous estimiez que cette partie de votre histoire personnelle devait demeurer à jamais ensevelie sous d’épais draps de votre jardin secret? Que du blablabla…
Vous croyez avoir émasculé ces hommes, c’est vous qui êtes devenue ridicule. Tellement ridicule que vous n’aviez même pas eu le courage de mener à terme votre menace. Quand on quitte un plateau de télé avec un tel fracas, chère madame, on ne revient plus sur ses pas, ni sur sa décision. Mais cela ne m’étonne pas de vous, car vos références sont M. Carey et W. Houston. Deux «stars» dont l’une a cessé de briller pour des raisons que nous connaissons, et l’autre pour avoir versé sa vie privée dans la sphère publique et qui saute de bras en bras, de lit d’homme en lit d’homme.
Vous ne nous apprenez rien, d’autant que nous savons pourquoi ces deux femmes avaient tour à tour séché les tribunes médiatiques, où elles étaient, comme vous l’autre soir, à court de propos pour répondre des allégations dont les chroniqueurs avaient eu vent et que mesdames Carey et Houston voulaient étouffer coûte que coûte.
Pour terminer, j’aimerais vous parler d’un auteur contemporain d’origine haïtienne. Cet homme avait écrit en 1985 «Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer». Il s’appelle Dany Laferrière. Il est devenu immortel depuis son élection, en 2013, à l’Académie française. M. Laferrière a écrit et/ou coécrit une quarantaine d’ouvrages depuis 32 ans. Mais savez-vous ce qui se passe depuis 32 ans qu’il est connu du grand public et qu’il traîne son œuvre sur différents plateaux? Eh bien, malgré sa bibliographie, cela fait 32 ans qu’on le ramène à ce joli roman «très bien écrit».
Nelly Arcan, la connaissez-vous? C’est une jeune auteure québécoise (Canadienne) née en 1973, et qui a tiré un trait sur sa vie, alors qu’elle n’avait que 36 ans. Elle est l’auteure de «Putain», publié durant ses années d’études en lettres. Dans son roman où elle a parlé de prostitution et de la «baise» soudaine entre une escort-girl et ses clients, NK courait encore avec le maillot national de son idole de jeunesse [9] dans les cours d’écoles. Malgré ses publications subséquentes de très bonne facture littéraire, on lui demandait toujours des comptes sur son livre «Putain», sur la distance entre sa narratrice et elle.
Des exemples de ce genre, je pourrais vous en citer encore, de Sarraute à Duras, en passant par Miano ou Mabanckou. Oui, dans l’œuvre entier d’un auteur littéraire, il y a des textes qui parlent plus que d’autres. Vous n’aviez qu’à y penser avant d’écrire votre roman à clefs «L’homme qui vous offrait le ciel», dans lequel on a l’image acoustique de cet animateur, votre ancien amant, que vous avez traité de «lâche», de «complexé», aimant son chien et amateur de virées en hélicoptère.
C’est banal que les hommes mariés qui, au crépuscule d’une idylle amoureuse, préfèrent leur femme à la passion d’un amour de passage. Vous en avez tiré le matériau nécessaire à votre prose. Nathalie Koah en a fait de même. Et comme la nature sait bien faire les choses, vous vous retrouvez à un moment de l’histoire où vous avez fédéré vos forces intellectuelles pour combattre la taularde qui, depuis que j’entends parler d’elle et malgré le temps qui passe, n’a que 35 ans.
«Et quoi encore?», dites-vous. Eh bien, s’il est vrai qu’il existe des «journaleux véreux», rien de ce que j’ai pu voir avec d’autres te donne le droit d’insulter les gens de «couillons». Vous êtes mal élevée et je viens de débrayer sur votre œuvre. Dès la rentrée prochaine, je troque «La Petite Fille du réverbère» contre le texte d’une femme digne, intègre et beaucoup plus posée: Léonora Miano.
À mes yeux, et aux yeux de beaucoup, vous qui dites avoir «tout» et n’avoir «besoin» d’aucune tribune médiatique qu’on vous offre chez vous, dans votre pays, sachez que vous avez perdu vos honneurs, tous vos honneurs. De toute façon vous n’avez pas besoin de nous. Voilà !