Lebledparle.com vous propose la chronique dominicale du Prêtre Jésuite Ludovic Lado sur les textes du 34e du temps ordinaire année liturgique « C », encore appelé solennité du Christ Roi de l’univers. L’homme de Dieu fait la différence entre les Rois saigneurs et le Roi Seigneur.
MA CHRONIQUE DOMINICALE 24-11-2019
LE ROI SEIGNEUR ET LES ROIS SAIGNEURS
Au Cameroun, alors que l’heure est à la course aux investitures pour les législatives et les municipales du RDPC, et donc à la course au pouvoir, le dimanche du Christ-Roi nous parle d’un Roi Crucifié, de ce Roi saigné qui fait « la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. » (2ème lecture). Christ-Roi, un titre qui réconcilie la spiritualité et le pouvoir, la religion et la politique ; n’en déplaise à ceux qui tiennent à séparer religion et politique comme s’ils avaient perdu de vue que la politique n’est rien d’autre que le culte de ce profane sacré, qu’est l’Etat, une religion déguisée. La preuve est qu’au Cameroun, certains s’autoproclament « créature » du chef de l’Etat. C’est l’occasion de faire un distinguo entre le Roi Seigneur et les rois saigneurs qui gouvernent nos villes et cités.
La différence fondamentale entre les rois saigneurs et le Roi Seigneur est que tandis que les premiers font saigner leurs peuples pour leurs intérêts personnels, le Roi Seigneur se laisse saigner justement par les rois saigneurs pour donner la vie à son peuple : « En lui, nous avons la rédemption, le pardon des péchés » (deuxième lecture). Le Roi Seigneur s’inscrit dans la logique du don de soi, une logique eucharistique, pour que les autres aient la vie en abondance tandis que les rois saigneurs qui nous régentent au quotidien sont dans la logique du vampirisme qui consiste à se nourrir du sang de l’autre, de tout un peuple. Au Cameroun, les Anglophones ont obtenu le « Statut Spécial » dans la sueur et le sang (plus de 2000 morts et des centaines de milliers de déplacés). C’est ainsi que fonctionnent les rois Saigneurs. Tant que le sang du peuple ne coule pas, ils n’entendent pas raison.
Pourtant, le seul vrai Roi c’est Dieu, Seigneur du Ciel et de la Terre, et à c’est à lui seul qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles : « En lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles. Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. » (2ème lecture). Tous les autres rois, surtout ces rois saigneurs, ne sont que des usurpateurs. On les appelle « Chef », « Président », « Monseigneur », etc. Comme, ce fut le cas de Jésus, ils font saigner tous ceux qu’ils perçoivent comme une menace pour leur pouvoir. Quand ils ne les emprisonnent pas, ils les tuent. Il est question dans l’évangile des « chefs qui tournaient Jésus en dérision » et aussi des « soldats qui se moquaient de lui. » (Évangile) Dans des situations de ce genre, lesquelles ne sont pas rares dans nos républiques du Gondwana, surtout dans les pays de l’Afrique Centrale dont les rois saigneurs étaient en réunion à Yaoundé ce weekend, ces usurpateurs ont le sentiment d’être tout-puissants. Mais ce n’est qu’illusion. C’est Dieu qui a le dernier mot.
Alors que les rois saigneurs entrent dans l’histoire par la petite porte, alors que les bourreaux de Jésus sont tombés dans l’oubli, Le Roi Seigneur a « en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit réconcilié. » (2ème lecture). Le nom de Jésus-Christ est incontestablement l’un des plus connus du monde alors qu’on l’a saigné/crucifié comme un vulgaire voleur. Il reste incontestablement l’une des figures les plus influentes de l’histoire de l’humanité dont le message de l’amour continue de touches les cœurs dans toutes les cultures du monde. C’est pourquoi des milliards d’êtres humains n’ont pas de mal en voir en lui « l’image du Dieu invisible » (2ème lecture) et se réclamer de lui par l’étiquette de « chrétien ». Les rois saigneurs, par contre, disparaissent avec leur mort.
Nous savons que les élections sont devenues une affaire de vie ou de mort en Afrique, parce que la plupart cherchent le pouvoir non pas pour servir mais pour se servir, pour faire saigner le peuple. On assiste à toutes sortes d’alliances et de manœuvres. Dans la première lecture, on voit les représentants des douze tribus d’Israël aller supplier David de devenir leur roi, sur la base de ses prouesses militaires pour son peuple. Leur choix est motivé par le fait que David, par le passé, a pris des risques pour défendre le peuple. Il s’est saigné pour son peuple et le Seigneur lui a dit : « Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël » (1ère lecture). Bref, il ne suffit pas d’avoir les suffrages des hommes, il faut encore être l’élu de Dieu : « Le Roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël. » La politique sans crainte de Dieu fait saigner le peuple. Oui, la politique est une chose beaucoup trop sérieuse pour être laissée aux mains des aventuriers et des opportunistes. Malheureusement elle est envahie par les rois saigneurs, et l’Afrique centrale en a une grande concentration. Faire la politique est une vocation, une vocation qui a une dimension divine.
Tôt ou tard, comme les deux larrons de l’évangile de ce dimanche, chacun de nous sera face au Roi Seigneur qui laisse la porte ouverte à la miséricorde divine jusqu’au dernier souffle : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Que chacun de nous fasse sienne cette prière du malfaiteur quand il est encore temps. Les rois saigneurs en premier ! Nul doute que le Roi Seigneur leur répondra : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras au paradis. »
Bon dimanche et à dimanche prochain.
Ludovic Lado, Jésuite.