Je suis contre la collecte des fonds soi-disant pour soutenir notre armée. Une armée se finance sur le budget du Mindef et Dieu sait que depuis 1960, c’est toujours le budget le plus élevé.
Encore plus, la voix la plus autorisée ne nous a pas encore dit que ce budget était épuisé. Quand bien même il serait épuisé, le Chef de l’Etat a le droit de réorienter certaines lignes budgétaires non prioritaires pour faire face au déficit. Au front, il n’y pas seulement l’armée. Toutes les populations et tous les autres fonctionnaires travaillant dans les zones de guerre sont même plus exposés que les militaires parce qu’ils n’ont pas d’armes pour se défendre. Penserons-nous à ces fonctionnaires quand on partagera le fruit de l’effort de guerre? Sinon, pourquoi risqueraient-ils leur vie à continuer à travailler au front si au front tout le monde n’est pas soldat?
Que des paniers soient placés dans des supermarchés pour demander l’aumône comme effort de guerre ne nous honore guère et ne soigne pas l’image du Cameroun aux yeux des étrangers et des investisseurs qui y entrent. C’est un acte qui présente nos vaillants soldats comme une armée de mendiants. Tout le boucan qu’on en fait finit par transformer l’opération en une compétition de patriotisme et de positionnement. Il détourne l’attention des soldats de la guerre qu’ils mènent pour la concentrer plutôt sur le partage des dons qui pleuvent. Pour être efficace et résolument patriotique, une telle opération aurait dû être discrète. La Bible dit de l’aumône que «la main droite ne sache ni combien ni ce que la main gauche donne». Mais, ici, rien ne se fait sans les caméras et la publicité! Cela n’est plus neutre!
Je me demande d’ailleurs pourquoi la même opération n’a pas été organisée pendant la guerre de Bakassi et comment le gouvernement s’en était sorti avec le seul budget de la défense. Je crains que le chef d’un parti qui n’a pas cru devoir rassembler toutes les forces qui comptent au Cameroun pour les impliquer dans une réflexion sur cette lutte contre Boko Haram ne se serve de cette opération pour ressouder les morceaux d’une formation en lambeaux, déchiquetée par les scandales, les détournements, les luttes de positionnement interne et les frustrations diverses. L’Etat ne peut pas refuser de réduire son train de vie et organiser des opérations coup de cœur pour une armée en guerre. La France et les Etats unis ont à peine 20 ministères alors qu’ils comptent des centaines de millions d’habitants.