Ils sont soupçonnés d’être des mercenaires
Des soldats fidèles au capitaine Amadou Sanogo les soupçonnent d’être des mercenaires impliqués dans la tentative de renversement de son régime le 30 avril dernier…
« Il ne s’agit plus uniquement d’insécurité ou de peur, c’est la panique ». Pour ce compatriote joint hier en fin d’après-midi au téléphone par Le Messager, la sérénité a foutu le camp chez les Camerounais immigrés au Mali. Dans la nuit de dimanche à lundi, « entre minuit et 2 heures » des militaires fidèles au capitaine Sanogo, patron de la junte au pouvoir au Mali, ont pris pour cibles certains compatriotes installés dans la capitale malienne.
« Lourdement armés, ils ont fait irruption dans une cité habitée par des Camerounais au quartier Falabiecema à Bamako. Au total, ils ont enlevé une dizaine de compatriotes qu’ils ont emmenés au camp militaire de Kati, fief de la junte militaire », explique l’une de nos sources à Bamako. De sources concordantes, il s’agirait d’une action ciblée. « Les ravisseurs en avaient particulièrement contre les hommes puisque les épouses des hommes enlevés ainsi que d’autres Camerounaises habitant la même cité tenue par un autre compatriote n’ont pas été inquiétées… », relève un autre Camerounais de Bamako.
Alors pourquoi prendre ces compatriotes pour cibles ? Selon les informations glanées auprès de nos sources, la junte militaire soupçonne ces compatriotes d’avoir pris activement part au côté d’autres mercenaires, à la tentative de renversement du régime militaire de Bamako le 30 avril dernier. L’expédition contre les Camerounais rentrerait ainsi dans le cadre d’une chasse aux étrangers organisée par les troupes du capitaine Amadou Sanogo.
Le choix de la cité camerounaise de Falabiecema ne serait pas dû au hasard puisqu’il abrite généralement ces Camerounais en transit dans la capitale malienne vers l’Eldorado européen via le Maghreb ou alors des Camerounais ayant échoué dans cette tentative et refoulés vers le sud et qui trouvent refuge (momentanément ?) dans la capitale malienne…
Défiance
Depuis cet incident, la psychose s’est emparée des Camerounais du Mali qui craignent désormais pour leur vie. Plusieurs dénoncent une certaine défiance du régime militaire vis-à-vis d’eux et qui se traduit désormais par une multiplication de tracasseries, notamment ces contrôles inopinés dans les domiciles et dans la rue. « J’ai moi-même été pris pour cible. Il a fallu que je montre patte blanche, notamment ma carte professionnelle de l’aéroport, pour être relaxé », confirme un compatriote. Président de la communauté camerounaise au Mali, M. Momnougui Penda a du pain sur la planche : « Je suis en train d’aller à Kati, répondait-il hier soir au Messager. Je ne peux rien vous dire avant concernant le nombre exact et l’identité des Camerounais enlevés », se limitant à confirmer que des compatriotes ont effectivement été interpellés autour de 2 heures dans la nuit de dimanche à lundi dans la mini cité appartenant à ce compatriote (un certain Happi) qui tient par ailleurs un maquis (buvette). « Ce n’est qu’à l’issue de cette visite que je pourrais vous en dire plus », promet-il.
La tâche de M. Momnougui Penda est d’autant plus compliquée que le Cameroun n’a pas de représentation diplomatique sur place. Le consulat camerounais le plus proche se trouve à Dakar au Sénégal et le gouvernement civil malien ne jouit pas d’une grande liberté d’action en ce moment. De ce fait, le ministère de l’Intégration, compétente sur le sujet, ne peut donc lui apporter aucun secours significatif. Du côté des autorités camerounaises, l’information est relativisée.
Malgré plusieurs tentatives, Le Messager n’a pu joindre le ministre de la Communication, son téléphone portable sonnant désespérément dans le vide… Toutefois, au ministère des Relations extérieures camerounais, on indique être en contact direct avec l’ambassadeur du Cameroun en Côte d’Ivoire (territorialement compétent). Mais selon ce cadre joint au téléphone par Le Messager, « rien en l’état actuel ne laisse croire que des Camerounais sont concernés car aucun compatriote enregistrés sur les fiches de la chancellerie camerounaise ne manque à l’appel. Mais, poursuit-il, comme tout le monde et notamment les commerçants et autres ne pensent pas toujours à se faire officiellement enregistrer, tout reste possible ».
Au moment où nous allions sous presses, M. Momnougui Penda, le président de la communauté camerounaise du Mali, de retour du camp militaire de Kati, a confirmé la substance des informations recueillies jusqu’ici par Le Messager. Concernant le nombre de compatriotes enlevés, ils sont au nombre de dix parmi lesquels il a pu obtenir l’identité de quelques uns : Lando Tchaptchet, Djemba Rodrigue, Kaldjob Moulé Pierre et Ndewe Stéphane (l’orthographe recueillie au téléphone n’est pas sûre, ndlr). Pour l’essentiel, il s’agirait effectivement de compatriotes refoulés d’Algérie et en attente de moyens financiers de leur famille soit pour rentrer au pays, soit pour retenter l’aventure. Pour la junte, il sont aujourd’hui considérés comme des mercenaires.
Frédéric BOUNGOU