L’opposant camerounais Maurice Kamto a réagi par courrier aux lettres adressées par le Cameroun au président de la Commission du droit international des Nations unies et au secrétaire général de l’Institut du Droit international de Genève, au sujet de son incarcération. Il y dénonce le « niveau d’abaissement » du régime de Yaoundé.
Après la diffusion mi-février des correspondances adressées par la mission permanente du Cameroun auprès de l’ONUrrespondances adressées par la mission permanente du Cameroun auprès de l’ONU, au président de la Commission du droit international des Nations unies et au secrétaire général de l’Institut du Droit international de Genève, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) s’est, lui aussi, lancé dans une défense épistolaire.
Dans deux lettres transmises le 17 avril aux mêmes personnalités, et dont Jeune Afrique a récemment obtenu copie, sans que la défense ne souhaite leur publication, Maurice Kamto a démonté l’argumentaire juridique présenté par l’État du Cameroun, au sujet de son arrestation et incarcération, à l’instar de celles de ses coaccusés interpellés dans le cadre des marches blanches du 26 janvier dernier.
L’ancien candidat à la présidentielle a notamment rejeté les textes de loi utilisés par les officiels Camerounais pour s’opposer aux appels à sa « libération immédiate ». Il les accuse également de violer le principe de la présomption d’innocence dont il jouit.
Des arguments qui donnent un aperçu de la bataille judiciaire qui devrait s’ouvrir au tribunal entre les deux parties, alors que l’affaire semble figée au tribunal militaire depuis l’incarcération de ces opposants politiques.
Selon Maurice Kamto, en effet, « l’État ne peut échapper à sa responsabilité internationale en affirmant que le champ concerné appartient essentiellement à son domaine réservé ». Un argument qu’il oppose à celui de la mission permanente du Cameroun à l’ONU, qui dénonçait les tentatives d’« ingérence externe dans des affaires relevant de la souveraineté » du Cameroun.
« Presque tous les textes conventionnels portant sur les droits civils et politiques énoncent une clause d’ordre public, qui fonde le Cameroun à restreindre par la voie légale, l’exercice du droit proclamé », ajoute la lettre du Cameroun, laquelle précise que ce principe exclut tout « contrôle de proportionnalité ». Un principe que Maurice Kamto a qualifié d’« infondé », et auquel il a réagi par une pirouette.
« Le fait que l’État du Cameroun évoque l’inexistence d’une exigence de proportionnalité est la reconnaissance implicite que les mesures ont été, de son propre avis, disproportionnées, a-t-il écrit. Or toute mesure restrictive et/ou limitative des droits doit être justifiée et soumise au contrôle du juge, qui doit justement en apprécier la proportionnalité par rapport à l’effet attendu », a-t-il ajouté.
Revenant sur les incidents enregistrés le 26 janvier dernier dans les ambassades du Cameroun à Paris et à Berlin, et dont la responsabilité lui avait été imputée du fait de l’organisation le même jour d’une manifestation du MRC, Maurice Kamto a souligné le caractère « péremptoire » de la mission permanente de l’État du Cameroun. « L’État du Cameroun à travers sa Mission permanente à Genève considère comme établis des faits que les autres personnes arrêtées et moi-même contestons et pour lesquels un tribunal est saisi, violant ainsi la présomption d’innocence garantie à toute personne dans le cadre du droit à un procès équitable, conformément à l’alinéa 2 de l’article 14 du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) », a-t-il précisé.
La position officielle du Cameroun sur le sujet a cependant évolué. Le 22 avril dernier, soit cinq jours après la lettre de Maurice Kamto, le porte-parole du gouvernement est revenu sur la question des auteurs des casses dans les ambassades camerounaises. « Les individus non encore identifiés et ayant posé des actes d’effraction, de destruction et de mise à sac des ambassades à l’étranger sont actuellement poursuivis sous X, c’est-à-dire contre inconnus », a affirmé le ministre René Emmanuel Sadi au cours d’un point de presse.
Mais sans attendre cette volte-face, la défense du leader du MRC avait déposé, le 10 avril, une plainte pour « diffamation publique » contre le ministre camerounais de la Communication auprès du parquet du Paris. « La procédure judiciaire en cours liée aux marches blanches est plus que jamais discréditée, car fondée sur des allégations calomnieuses », a commenté Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Kamto. Contacté par Jeune Afrique, René Emmanuel Sadi n’a pas souhaité réagir à ce développement.
En attendant que le procès Maurice Kamto ne s’ouvre, les principales lignes de défense des deux parties en opposition ont donc toutes été présentées. Après trois mois de détention, l’issue de cette affaire pourrait-elle finalement se jouer loin des palais de justice ?