Dans une tribune libre publiée sur Facebook, l’Avocat camerounais parle du mandat de détention provisoire. L’Avocat au Barreau de Paris affirme que lorsque le mandat de détention est arrivé à expiration, le détenu doit être libre. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité de cette chronique juridique.
LA LOI EST DURE, MAIS C’EST LA LOI
QUAND LE MANDAT DE DETENTION PROVISOIRE EST ARRIVE A EXPIRATION, SANS RENOUVELLEMENT, LE DETENU DOIT ETRE LIBERE.
Le mandat de détention est un acte par lequel les magistrats demandent au régisseur de garder une personne en prison en attendant que l’affaire soit jugée.
Quand j’avais accepté de prendre la défense de mes chers David EBOUTOU et Patrick SAPACK en 2017, j’avais constaté que leur détention à cette prison posait un problème.
En effet, le mandat qui avait été signé par le juge d’instruction et qui permettait qu’ils soient détenus à la prison centrale de Kondengui, en attendant le jugement de l’affaire, avait expiré depuis des mois.
Lors d’une visite que je leur rendrai en prison, l’un des responsables de cet établissement me dira en ces mots que je ramasse ainsi :
« Cher Maître, plus de la majorité des 4000 détenus sur les 5000 pensionnaires que nous avons ici ont des mandats de détention expirés. Nous savons que nous gardons ici des personnes sans aucun titre ou droit. C’est en réalité de la séquestration. Nous comptons sur votre action dans le cadre de l’affaire EBOUTOU et SAPACK pour que le Ministère s’en rende bien compte. Car c’est notre responsabilité personnelle qui peut être engagée parce que nous gardons des gens sans aucun titre de détention. Un responsable de l’Union Européenne a même attiré notre attention sur le risque de poursuites que nous courons pour crime contre l’humanité à l’international « .
En effet, pour éviter que des personnes soient gardées en prison sans jugement, le code de procédure pénale a fixé des durées de validité et des dates d’expiration aux mandats de détention.
Article 15 :
« Le mandat de détention provisoire est l’ordre donné par le Procureur de la République en cas de crime ou délit flagrant, le Juge d’Instruction ou la juridiction de jugement, au régisseur d’une prison, de recevoir et de détenir l’inculpé ou l’accusé. Il est régi par les dispositions des articles 218 à 221. »
Article 219 :
« Outre les mentions prévues à l’article 26, le mandat de détention provisoire doit préciser la durée de sa validité conformément aux dispositions de l’article 221 »
Quand la date de validité du mandat est expirée, la personne détenue doit être libérée parce qu’il n’ y a plus un titre qui permet de la garder en prison sans jugement.
Néanmoins, quand l’affaire est encore en instruction, le juge d’instruction peut renouveler le mandat pour une autre durée de 06 mois pour ce qui est des délits et 12 mois pour ce qui est des crimes.
Article 221
(1) La durée de la détention provisoire est fixée par le Juge d’Instruction dans le mandat. Elle ne peut excéder six (6) mois. Toutefois, elle peut être prorogée par ordonnance motivée, au plus pour douze (12) mois en cas de crime et six (6) mois en cas de délit. »
Quand l’instruction est clôturée c’est à dire quand le juge d’instruction a fini son travail et qu’il décide de renvoyer l’affaire devant le tribunal pour trancher, il ne peut plus proroger le mandat de détention.
C’est une des grandes innovations du nouveau code de procédure pénale adoptée en 20005 et en vigueur au Cameroun en ce moment.
Dans l’ancien code de procédure pénale, appelé code d’instruction criminelle qui était en vigueur avant 2005, le mandat de détention provisoire n’avait pas de date d’expiration. Il courait jusqu’au jugement de l’affaire.
La loi a changé entre temps.
Nulle part dans le nouveau code de procédure pénale en vigueur, il est dit que la détention provisoire ordonnée par le juge d’instruction continue à courir jusqu’à la fin de la procédure au fond.
Il apparaît dès lors que toute personne dont le mandat de détention a expiré et n’a pas été renouvelé dans les délais indiqués plus haut est détenue abusivement.
Elle doit comparaitre libre.
Garder une personne sans mandat de détention dans une prison est une atteinte flagrante aux droits de l’homme.
C’est de la séquestration.
La constitution camerounaise dispose à cet effet que :
« Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou DETENU que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi »
C’est la loi, elle est dure, mais c’est la loi : » SED LEX, DURA LEX «
Me Christian Bomo Ntimbane