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Mebe Ngo’o : « Un de mes petit-enfants a dit à ses parents qu’il ne veut plus venir chez-nous, que sommes trop mauvais, on a volé »

edgar alain mebe ngoo

Cette anecdote découle de son interrogatoire devant le Tribunal criminel spécial le 25 mai 2021, rapporté par l’hebdomadaire Kalara.

edgar alain mebe ngoo
Mebe Ngo’o (c) Droits réservés

L’ancien ministre des Transports, Égard Alain Mebe Ngo’o était devant les juges du Tribunal Criminel Spécial le mardi 25 mai 2021. Il répondait à dizaine de chefs d’accusations retenus contre lui à l’époque où il dirigeait le ministère de la Défense, notamment entre 2009 et 2015.

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de l’intervention d’Edgar Alain Mebe Ngo’o rapportée par le journal Kalara

Il m’a semblé utile qu’à l’entame de cette phase de jugement que je vous dise que de par mon éducation, ma formation et les responsabilités qu’il m’a été donné d’assumer par le passé […] j’ai toujours été et demeure respectueux des institutions de la République. J’aimerais, que cela soit su, que nul n’en ignore. Naturellement, je respecte les institutions républicaines, la Justice comprise. Je tiens par ailleurs à faire savoir que j’ai toujours été et demeure déferrent, fidèle, loyal et attaché à la personne du président de la République, son excellence Paul Biya, qui incarne ces institutions.

Je mentionne au passage [que] j’ai toujours essayé en plus de ce respect, à travers les responsabilités que j’ai assumées, de participer à la protection de ces institutions. C’est notamment la raison pour laquelle presque depuis deux ans que mon épouse et moi sommes en détention, nous avons mis un point d’honneur, d’une part, à obtempérer silencieux et stoïques à toutes les injonctions et réquisitions de la Justice, et, d’autre part, à montrer l’exemple que nul n’est au-dessus de la loi.

Mais Mme la présidente, je manquerai à mon devoir de sincérité vis-à-vis du tribunal, honorables membres qui président la collégialité, si je ne vous disais pas que je suis perplexe. Je précise que la perplexité c’est lorsqu’on se pose des questions auxquelles on a du mal à trouver des réponses. Ça c’est peut-être en off. Je n’ai pas à exprimer des jugements de valeur. Je suis perplexe face à certaines péripéties qui ont émaillé cette procédure judiciaire. Je ne citerai pas toutes, ce n’est pas le lieu. Ça, j’y reviendrai sans doute.

Entre le 4 février, et le 11 mars 2019, date à laquelle on a été placés en détention, mon épouse et moi (d’autres accusés l’ont été bien après), nous avons été séquestrés à notre résidence à Odza. Assignés de fait en résidence surveillée. Cette mesure ne fait plus partie de notre ordonnancement juridique.

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Nous avons été assignés à résidence surveillée par un impressionnant dispositif de sécurité. 70 éléments de sécurité équipés de 4X4 de combat, d’armes lourdes. Des armes de guerres. Quand je parle d’armes de guerre, je sais de quoi je parle. Le dispositif de sécurité a été installé dans tout le périmètre du domicile. Ce que je veux mettre en exergue, c’est l’atteinte inadmissible au sacrosaint principe de la présomption d’innocence.

Je voudrais vous dire comme vous pouvez imaginer, cette mise en scène était de notoriété publique dans l’opinion nationale et internationale. Une chaine de télévision est venue faire un reportage, repris dans la presse et sur les réseaux sociaux. Depuis cette date, nous sommes déjà condamnés. Mieux, avant le début de l’enquête préliminaire, nous étions déjà condamnés. Je suis grand-père de huit petits-enfants. L’un a dit à ses parents qu’il ne veut plus venir dans mon domicile. Les visites étaient soumises aux règles drastiques. Puisqu’il porte mon nom, il a dit à son père que Mami et Papi mbombo sont trop mauvais parce qu’ils ont volé. Il n’a que quatre ans ! Ça lui a été dit par sa maitresse à l’école.

Madame la présidente, nous avons été mis en détention sur la base d’une correspondance tronquée et mensongère de l’ANlF : l’Agence nationale des investigations financières ; le service de renseignement financier. Conclusion partielle. Ayant foi en nos institutions, nous éprouvons un sentiment d’insécurité judiciaire doublé d’acharnement, traité avec beaucoup d’inhumanité. Deux exemples.

Lorsque mon épouse rejoint la prison le 11 mars 2019, on la sort d’une clinique de la place manu militari par les éléments du GSO [Groupement spécial d’opération, ndlr], puisque j’ai été Dgsn [Délégué général à la Sureté nationale, ndlr). On lui arrache les perfusions. On la ramène en prison où elle a failli décéder. J’ai la suite, ayant été une des premières victimes du covid-19, elle a été hospitalisée à l’Hôpital central de Yaoundé. Au dixième jour, on l’a déclarée négative, pendant qu’elle entendait, profiter pour effectuer des soins suite à une démiurgie qu’elle a subie à Paris, le même manège s’est produit cette fois avec les agents pénitenciers. On l’a sortie de l’hôpital manu militari. On l’a conduite à la prison et brutalisée. Nous apprendrons plus tard qu’elle a tenté de s’évader. Une malade qui va avec les béquilles s’évade ?

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Pour ma part, j’ai échappé à deux tentatives d’assassinat. Je sais de quoi je parle. La première fois, c’était lors des émeutes en prison en juillet 2019. La deuxième fois, le 4 février 2021. Si j’ai échappé à ‘la mort, c’est par la volonté indépendante à mes assaillants.

Les infractions qui me sont reprochées sont supposées avoir été commises du temps où j’exerçais les fonctions de ministre délégué à la présidence en charge de la Défense. Je ne vous apprends rien en disant que la majorité des activités de cette administration, de ce département ministériel, sont protégées par le secret défense. Ce secret défense concerne les informations, les renseignements, procédés à caractère militaire, d’origine gouvernementale ou diplomatique dont la divulgation auprès des personnes non autorisées peut nuire, hypothéquer et remettre en cause la défense nationale. Naturellement, je ne suis plus ministre délégué à la présidence en charge de la Défense, mais je demeure astreint à l’observation de cette obligation.

Toutefois, par respect pour le tribunal qui rend la Justice au non du peuple camerounais, par respect pour votre auguste juridiction, pour vous honorables membres de la collégialité, j’ai choisi de répondre aux questions qui me seront posées. Mais madame la présidente, je le ferais dans la limite des contraintes que m’impose cette obligation.

Je terminerais par une doléance, -celle de solliciter l’indulgence et la compréhension du tribunal si je reste circonspect, nuancé sur les questions qui me seront posées et si je ne réponds pas à certaines de vos questions.


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