Il y’a de cela deux bonnes années, un collège d’administrateur s’est réuni je ne sais où, soit disant, pour cogiter sur les problèmes de la société. La conclusion de cet ingénieux brainstorming était présentée selon formule suivante : les jeunes filles ne doivent plus porter les « mini jupes ».
La manière avec laquelle ce communiqué a été publié, avec tambours et trompettes, prouve que ces fonctionnaires étaient convaincus de la salvatrice panacée qu’ils venaient de découvrir. Sauf que, quelque temps après publication, ça frappait aux yeux de myopes que la montagne avait pondu d’une souris. Tout le monde a vécu cette masturbation des « cerveaux réunis » comme une boutade enfantine, une blague sans précédent, une comédie verbale. Jamais les jeunes ne se sont entendus pour rire au carrefour, en plein air, d’une telle décision politique. Et pour pousser loin leur raillerie, les jeunes filles ont engagé une grève morale, allaient couper à la lame, aux ciseaux, leurs jupes et robes pour les rendre encore plus courtes et provocantes, sans peur du gendarme, avec pleine conscience qu’elles étaient passibles d’une peine.
Dans un article publié au Quotidien le Jour à cette époque, on s’est posé la question de savoir si « les jeunes ont’ ils besoin d’un programme d’ajustement vestimentaire ? ». Elle méritait d’être posée, dans la mesure où il ne fallait pas être un grand savant ou administrateur, pour savoir même sans y avoir pensé, que l’habit ne fait pas le moine, et qu’on peut certes empêcher les jeunes filles de s’accoutrer comme Madonna, on ne fera jamais d’elles, du jour au lendemain, des madones avec toutes les vertus du ciel et des mers. Et le philosophe Njoh Mouellé nous avait aidé à argumenter dans ce sens, en leur faisant savoir que « les mentalités ne sont pas des vêtements », qu’on lave une fois sale, qu’on change comme on veut, qu’on vend ou offre en don aux orphelins. Tout a toujours été une question de profondeur, de temps, d’intensité, de contours, de précision, quand il s’agit des mœurs et des mentalités. La preuve, après avoir interdit aux jeunes filles de porter les mini jupes, la répression s’est estompée comme une fumée sans feu. Elles ont continué de s’habiller à leur guise, certaines sont même deve-nues des stars et des modèles, tandis que le Cameroun n’est toujours pas sorti de l’auberge.
Alors qu’on pensait que les vieux hommes, savaient par expérience apprendre des erreurs de leurs prédécesseurs, on se retrouve encore en fin 2015 avec des sorties administratives qui frisent l’insanité et l’ineptie dans le sens le plus bestial du mot. Il y’a de cela quelques heures, un préfet jadis inconnu du grand public, a fait une sortie bancale et maladroite si bien que ça n’a pas pu sortir comme c’est sorti. Il a fait circuler dans sa circonscription, un arrêté préfectoral informant qu’il interdisait toute diffusion et promotion de la musique « coller coller » du jeune rappeur. Sans donner aucune explication, ni rappeler de quel texte juridique s’origine son arrêté. Et même si c’était légal, les juristes sont mieux placés pour le faire comprendre, qu’il séchait surement les cours de droit à l’ENAM, le jour où le prof disait que la loi n’a pas d’effet rétroactif. Et s’il s’agit là d’un cas de jurisprudence, il faudrait qu’il nous dise s’il a déjà la capacité de créer la loi. Sinon qu’il avoue simplement qu’il y’a vice de forme et retourne la queue entre les jambes réviser ses vieux cours en la matière.
Ce qui dérange, ce n’est même pas l’unilatéralité du décret car il en tous les droits, ni la forme aussi vilaine que risible, mais le fond. Qu’est ce qui n’a pas marché dans l’esprit de ce représentant du Chef de l’Etat, pour qu’il puisse avoir une telle idée, et le courage de la mettre en œuvre. En quoi une musique, comme celle de « coller coller » peut ‘elle réussir à elle toute seule à baisser le niveau moral et civique des enfants de la Mifi ou du Cameroun. Si le Préfet craint une telle influence négative sur ses « enfants » ou sa « femme », au lieu de se contenter paresseusement de prendre la fin pour le moyen et les vessies pour les lanternes, il aurait été judicieux de se poser la bonne question : pourquoi ses enfants récitent « coller la petite » au lieu de « Messa » de Kareyce Fotso ? On ne peut pas reprocher à une musique d’influencer négativement les gens, si on ne les a jamais éduqués au go^t musical, jamais veillé à leur formation culturelle, ni pris au sérieux leur culture générale, encore moins la construction libre et autonome de leur pensée. Les vieux ont toujours cette fausse manie de claironner que ce sont les jeunes le problème et non la solution. Pourtant on connait des artistes qui ont passé leur carrière à célébrer la débauche, qui ont été décorés en pleine cérémonie officielle.
Avant cet arrêté préfectoral, il a longtemps circulé une rumeur selon laquelle l’ex Mincult voulait interdire la musique sur tout le territoire. Un territoire qui a vu naitre et bercé, élevé et logé des musiques bestiales à la limite satanique, que nous nous réservons de citer ici. Si elle avait pris une telle décision, rien n’aurait étonné sur le mode opératoire de nos dirigeants. Ambitionner d’arrêter une musique, c’est comme aller puiser de l’eau avec du filet, et d’essayer de contenir le vent. Censurer une musique en plein 2015, serait nous rétrograder à l’époque du parti unique et du monolithisme sous toutes ses formes. On ne peut pas demander aux musiciens d’éduquer les jeunes, quand ceux ci n’écoutent pas leurs parents, et ne respectent aucune autorité. A qui la faute?
Cet arrêté est donc à nos yeux comme une souillure de l’esprit. Car on aura beau interdire la musique, elle continuera de résonner dans nos murs, et leurs propres enfants continueront de coller les petites dans leurs esprits, la musique continuera de tourner en boucle dans les chaines étrangères que ces enfants ne peuvent s’empêcher de regarder à longueur de journée. Si vous voulez sauver le Cameroun de la misère spirituelle dans laquelle vous l’avez immergé, il faut songer à faire éclore partout des nouveaux modèles pour cette génération, et faire renaitre les héros qui ont été enterrés avec l’idéal de vie qui aurait pu guider toute un peuple vers des nouveaux horizons. Et pour y arriver, il faut, au delà des arrêtés, montrer un exemple de bravoure, d’excellence, et de promotion de jeunes talents. Car on ne le dira jamais assez, aucune société ne se change par décret !…entre celui qui a crée coller la petite et celui qui l’interdit, qui est le plus dangereux?
Félix Mbetbo, monsieurbuzz.over-blog