Des peines de prison de cinq ans ferme à six mois avec sursis ont été requises jeudi à l’encontre des quatre anciens militaires français jugés à Paris pour le meurtre en 2005 du présumé criminel ivoirien Firmin Mahé, « des faits inadmissibles » selon l’avocate générale.
La sanction la plus lourde a été demandée contre l’officier ayant donné l’ordre de tuer Mahé, qui avait été étouffé avec un sac plastique alors que, blessé par balle, il était transporté dans un véhicule blindé.
Il s’agit d’un « meurtre commis de sang-froid par des militaires », a estimé l’avocate générale, Annie Grenier. « Il faut que les militaires prennent conscience qu’il s’agit de faits inadmissibles », a-t-elle ajouté.
La hiérarchie, selon elle, a une « responsabilité extrêmement lourde », mais « le devoir d’un militaire, c’est de refuser d’exécuter un ordre illégal ».
Pour « complicité d’homicide volontaire pour instigation », cinq ans de prison ferme ont été requis contre le colonel Eric Burgaud, 50 ans, ancien officier dans les chasseurs alpins.
Le colonel avait d’abord nié toute responsabilité, mais a finalement reconnu avoir transmis à ses hommes l’ordre que Mahé n’arrive pas vivant à destination, tout en affirmant avoir tenu cet ordre du général Henri Poncet, commandant de la force française Licorne en Côte d’Ivoire à l’époque, qui lui aurait dit: « Roulez doucement… vous m’avez compris ».
Le général a-t-il donné l’ordre? « Je n’en sais rien… », a dit l’avocate générale, rappelant le non-lieu dont a bénéficié durant l’enquête le général, qui a réaffirmé au procès n’avoir « jamais tenu ces propos ».
Contre l’adjudant-chef Guy Raugel, 48 ans, qui avait exécuté l’ordre, elle a demandé 5 ans de prison dont 3 ferme. Il avait effectué six mois de détention provisoire en 2005-2006.
Lui n’a jamais varié dans ses déclarations. Le soir des faits, le 13 mai 2005, il avait « rendu compte » de sa mission au colonel et assumé devant le juge d’instruction six mois plus tard, lorsque l’affaire avait éclaté.
Pas d’autre solution? « bien sûr que si »
Au cours des débats, il a été répété que le brigadier-chef Johannes Schnier, qui maintenait Mahé pendant que l’adjudant-chef lui mettait le sac plastique sur la tête, et Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule, n’avaient d’autre choix que de s’exécuter.
Pour Annie Grenier, ce n’est pas le cas. Schnier, poursuivi pour complicité d’homicide volontaire, aurait pu dire « C’est une connerie, je ne fais pas ça », et Ben Youssouf, accusé de non empêchement de crime, aurait pu lui aussi « tenter quelque chose ».
Elle a requis 2 à 3 ans avec sursis contre Johannes Schnier et 6 mois avec sursis contre Lianrifou Ben Youssouf.
Mahé, 29 ans, était considéré par les militaires français comme un « coupeur de route », un bandit terrorisant les populations dans la « zone de confiance » qu’ils étaient chargés de surveiller, dans un pays coupé en deux par une guerre civile.
« Je pense effectivement que c’était un individu dangereux, un criminel », a déclaré Annie Grenier, bien que sa famille, partie civile, continue de soutenir qu’il était un paisible citoyen.
Le procès a tourné autour de la possibilité qu’avaient les accusés de désobéir à un ordre illégal, dans le contexte d’une mission de maintien de la paix sans cadre juridique adapté. Ils ont décrit combien ils étaient excédés de voir les auteurs d’exactions dont ils étaient témoins remis en liberté sitôt arrêtés.
« On essaie de nous dire qu’il n’y avait pas d’autre solution » que d’achever Mahé, mais « bien sûr que si », a estimé l’avocate générale.
Les plaidoiries de la défense sont prévues jeudi après-midi, le verdict vendredi.