Dans sa parution numéro 3486 du mardi 29 janvier dernier, le journal français France football, consacre 18 de ses pages à ce qu’il appelle en grande Une sur un fond noir: «Le Qatargate».
Il s’agit en effet d’un retour «sur la désignation, hors de toute logique apparente, du pays organisateur du Mondial 2022, effectuée douze ans avant la compétition». Pour le journal, cette affaire «dégage une odeur de scandale qui oblige à se poser la seule question: ce vote doit-il être annulé?».
Dans un éditorial, Gérard Ejnès trouve le dossier «aussi noir que l’or». L’enquête met en lumière des pratiques déviantes, des arrangements occultes, des conflits d’intérêts, des accommodements entre ennemis, des trahisons entre amis. Selon France football, l’attribution par la Fédération internationale de football association (Fifa), dans «une urgence incongrue» de l’organisation de la Coupe du monde 2022 à l’Émirat du Qatar, «(…) ne correspondait ni à une logique sportive, ni à une logique historique, ni à une logique géographique». Le journal trouve qu’ «elle correspondait trop bien, en revanche, à une logique économique dans tous les sens du terme».
Dans un témoignage dans le dossier de France football, Guido Tognoni, un ancien cadre de la Fifa, révèle que «tout ce qui se passe à la Fifa depuis des dizaines d’années, c’est la culture du sport pourri». Selon lui, «les arrangements entre amis, les postes dans les commissions pour amadouer ses ennemis, le cash qui a permis à certains de s’en mettre plein les poches, tout cela s’est organisé au fil des ans comme une petite mafia». Et de poursuivre, sarcastique: «Ce système reste un fonctionnement immanent à la Fifa. Tout le monde se tient par la barbichette. Mais, en ce domaine, les autres fédérations ne sont pas plus exemplaires». Jusqu’à quel point la corruption a donc pu jouer un rôle en faveur du Qatar? M. Guido pense que: «le vote pour 2018 puis celui de 2022 ont eu lieu au même endroit et à la même heure, ou presque, et il a été effectué par les mêmes personnes. Quand on connait la Fifa de l’intérieur, on se dit que toutes les spéculations sont permises. Il y a forcément eu des alliances et des influences politiques. Sarkozy le pousse en faveur du Qatar, le monde musulman a aussi beaucoup œuvré pour avoir cette candidature. Mais ces manœuvres ont toujours existé.
Dans son enquête, France football fait des révélations fracassantes. Le journal nous apprend par exemple que pour acheter les votes de Roger Milla, ancien international camerounais et d’Issa Hayatou, Président de Confédération africaine de football, les deux personnalités ont reçu, chacune, 1,5 millions d’Euros pour pencher en faveur du Qatar. Les noms de l’ancienne vedette française, Zinédine Zidane et de Pep Guardiola, ancien entraîneur du Fc Barcelone reviennent. «Pour la seule année 2010, le budget de la candidature qatarie était de 33,75 millions d’Euros (voir par ailleurs), une somme à laquelle il fallait ajouter les coûts opérationnels de l’entreprise!» écrit France football. Qui s’interroge: «A quoi a-t-il servi tout cet argent? A qui l’a-t-on distribué?». Avant d’esquisser quelques éléments de réponse «Il a évidemment fallu payer – et grassement – les ambassadeurs d’un pays qui n’ont jamais produit un seul footballeur de renom. Le recrutement de Gabriel Batistuta, Pep Guardiola, Zinédine Zidane – qui fut semble-t-il difficile de convaincre, de Bora Milutinovic, Ronald de Boer et Roger Milla a coûté 5,5 millions d’Euros. A ces sommes, il faut ajouter les primes versées après l’obtention du tournoi 2022, et celles qui le seront jusqu’à la tenue de la compétition pour continuer à faire passer les bons messages. Les estimations varient de 25 millions d’Euros pour les têtes d’affiches, Zidane et Guardiola ».
Dans ce labyrinthe de cafouillages et de magouilles politico-mafieuses, France football se demande «Et si on réattribuait le Mondial 2022. Affaire à suivre.