Le chef d’État ivoirien et son homologue français ont annoncé samedi 21 décembre une grande réforme du franc CFA. La monnaie utilisée par les pays de l’UEMOA changera notamment de nom pour épouser celui de la future monnaie unique de la Cedeao : l’eco.
Dans une tribune publiée sur sa page Facebook le dimanche 22 décembre 2019, l’analyste politique Wilfried Ekanga fait un décryptage de cette actualité qui a fait les choux gras de la presse le week-end. Le militant du MRC, par ailleurs pense que la France continue d’avoir la main mise sur la monnaie des pays de la zone Franc, même s’il y a changement de dénomination.
« changer l’acronyme (CFA) de cette monnaie est excellent, car aucun esprit normal ne peut accepter de se faire encore appeler « Colonie Française d’Afrique » en 2019 (même si après on peut discuter sur la qualité du nouveau nom). Mais d’autre part, dire que les Français vont disparaître du conseil d’administration ne veut pas dire que la France abandonne la gestion de cette monnaie, oh que non ! Lors de la dévaluation du franc CFA le 11 janvier 1994 à l’Hotel Méridien de Dakar au Sénégal, le ministre des finances camerounais de l’époque , Antoine Tsimi, avait reçu l’ordre par téléphone depuis Paris, d’informer les présidents de la zone CFA de la “Bonne Nouvelle” », écrit-il.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune de Wilfreid Ekanga.
La fin du franc CFA
LE PÈRE NOËL EXISTE !!
Breaking News : il n’est pas vieux , il n’est pas gros, il n’a pas une longue barbe blanche qui cache la moitié du visage. Non il est tout jeune, beau, svelte et il s’appelle Emmanuel. Après tout, Emmanuel rime avec Noël, et Emmanuel en hébreu veut dire : « Dieu avec nous »
Fermez les yeux et imaginez. La France est engluée dans une crise sans précédent depuis un an; les gilets-jaunes donnent de la voix tous les samedis et crient même à la démission de leur Nkukuma; depuis peu, les syndicats se sont joints à la protestation ; la marche à pied est devenu le sport numéro 1 à Paris puisque les 2/3 des transports sont en grève. Le pays tout entier manifeste contre la réforme des retraites, c’est la galère niveau argent … et vous pensez que « Dieu avec nous » va lâcher ses colonies au moment où il en a le plus besoin. C’est fort ça !
Tout part d’un conte pour enfants où il est arrivé ce week-end en Côte d’Ivoire et a rencontré A.D. Ouattara, son 2ème meilleur élève (après le Crevettonien). Ensemble, ils ont décidé d’amorcer une « évolution » dans les rapports entre la métropole et ses colonies, en adoptant quelques réformes du Franc CFA pour 2020. Comme nous l’a dit Ouattara hier, il s’agit de trois innovations principales :
1) le franc CFA change de nom et devient l’ECO, 2) les Français qui possédaient le droit de veto au conseil d’administration de la BCEAO (Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest) disparaissent, et 3) la moitié des devises ne sont plus centralisées à Paris.
JOY TO THÉ WORLD !
La naïveté et la crédulité des Africains nous ont causé un mal fou depuis les « indépendances » en peau de chèvre. On va donc allez droit au but et dire qu’on n’est pas dupes cette fois. Ces réformes, si elles ont de belles formes, présentent un double problème de fond. Primo : parce que retirer une chose ne signifie pas qu’elle n’existe plus. Et secundo : parce que dans un système de pillage, il ne faut pas changer 2 ou 3 choses, mais TOUT.
Explication : d’une part, changer l’acronyme (CFA) de cette monnaie est excellent, car aucun esprit normal ne peut accepter de se faire encore appeler « Colonie Française d’Afrique » en 2019 (même si après on peut discuter sur la qualité du nouveau nom). Mais d’autre part, dire que les Français vont disparaître du conseil d’administration ne veut pas dire que la France abandonne la gestion de cette monnaie, oh que non ! Lors de la dévaluation du franc CFA le 11 janvier 1994 à l’Hotel Méridien de Dakar au Sénégal, le ministre des finances camerounais de l’époque , Antoine Tsimi, avait reçu l’ordre par téléphone depuis Paris, d’informer les présidents de la zone CFA de la « Bonne Nouvelle ».
Autrement dit, Paris n’a pas besoin d’émissaires sur place pour dicter sa politique monétaire. Ce n’est qu’un changement de façade qui va juste servir à la propagande pour nous dire désormais : « Regardez, les Français sont partis, vous êtes indépendants! ». Pire encore, ça prouve que Ouattara avait publiquement menti lorsqu’on lui avait posé la question sur ces administrateurs français. C’était en 2016 sur TV5monde dans l’émission « Face à l’actualité ». Il avait martelé sans honte aucune :
« Je pense que vous avez de vieux clichés. Ce n’est pas un signe de dépendance. J’ai été gouverneur de la banque centrale , je n’ai jamais eu un Français dans mes bureaux, la monnaie franc CFA est une monnaie indépendante gérée par les africains , ce sont de vieux clichés »
Et en 2019, on apprend que des gens qui n’existaient pas vont partir. C’est du très haut niveau ! Si vous vous attendez donc à ce que celui qui a menti hier dise la vérité aujourd’hui, c’est que vous avez besoin d’exorcisme.
OH CHRISTMAS TREE
C’est le même problème qu’on a avec la troisième réforme : depuis 2005, les pays africains déposent 50% de leurs réserves de change dans le compte personnel de l’Etat français (ce qu’on appelle le Trésor Public), ce qui veut dire que pour financer notre économie, nous ne disposons en général que de la moitié de l’argent issu de nos exportations (elles-mêmes déjà très maigres). La France gérant alors le reste, soi-disant pour soutenir la parité fixe (à 1 euro = 655 francs CFA qu’il pleuve ou qu’il neige ). La France qui promettait de nous assurer toujours en cas de problème, nous a pourtant toujours obligé de le faire nous-mêmes grâce à cet argent déposé chez elle. Alors question :
Comment pouvez-vous croire qu’elle se permette de nous assurer gratuitement désormais, alors qu’elle vit la pire crise sociale de sa récente histoire ? Où est la logique ? Elle n’a aucun intérêt à nous restituer notre argent, mais plutôt à le garder ! Alors pourquoi le fait-elle ?
Réponse : pour la même raison évoquée plus haut : c’est-à-dire que les grandes mobilisations que nous avons faites contre le CFA depuis des années ont fini par la mettre dos au mur, et à défaut de nous accorder l’indépendance voulue (ce qu’un bourreau ne fait jamais de plein gré), elle utilise la formule de l’esbroufe. En gros : « Gardez votre argent chez vous, mais vous n’y toucherez pas sans notre autorisation. »
WE WISH YOU A MERRY CONCLUSION
Je vois déjà venir les illuminés qui vont dire : « Sachez quand même apprécier les évolutions. Que doit faire la France pour que vous arrêtiez de critiquer ? ». A ce jeu la réponse a aussi été donnée plus haut : il faut TOUT changer !
Par exemple : la parité fixe ne sera pas modifiée. Ça veut dire que les Africains n’auront toujours pas la possibilité d’ajuster la valeur de leur monnaie ( en l’appréciant ou en la dévaluant ) en fonction de leurs objectifs de marché. C’est comme si c’est quelqu’un d’autre qui décidait du prix de vente de vos tomates à l’international. Vous ne pouvez ni baisser ni augmenter la valeur pour vous adapter à la concurrence. Votre maître garde le contrôle absolu.
Par ailleurs, vous avez remarqué que ces mesures ne touchent que la zone UEMOA ( Union Économique et Monétaire Ouest Africaine). La zone CEMAC ( Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale ) n’est pas concernée. Autrement dit, hier comme aujourd’hui, les deux monnaies ne seront pas interchangeables. Quand vous rêvez de panafricanisme et que la monnaie de Yaoundé n’est pas acceptée à Abidjan, il y a un souci.
Qui plus est, vu que ces monnaies restent fabriquées en France ( Pessac pour les pièces et Chamalières pour les billets ), l’Afrique continue de payer 100% des frais de fabrication ( ce qu’on appelle le taux de couverture de l’émission monétaire ) , alors que la France promettait d’en couvrir 80%.
Surtout, « Dieu avec nous » ne nous a pas dit si les 13 000 milliards ( selon l’analyste et ancien ministre togolais Kako Nubukpo ) actuellement stockés depuis des décennies dans le Trésor Public parisien, nous seront remboursés. N’oublions pas aussi que le Franc CFA comme l’ECO vont demeurer inconnus à l’international, et refusés dans tous les bureaux de change hors de leurs zones ( d’où le concept de « monnaie de singe »). Sans compter qu’ils restent uniquement convertibles en euros et en aucune autre devise mondiale directe. Un vrai jeu de Chiencanards.
Bref, si on doit détailler tout ça, ça va être trop long. Je retourne au salon, j’ai un sapin à décorer.
Car le vieux Père Noël est plus crédible
EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED
( Enfumage in Excelsis Deo )