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MRC: Pourquoi le Parti de Maurice Kamto a Besoin de Renaissance Stratégique après le Fiasco du Boycott Electoral

MK Davinci

Depuis la présidentielle de 2018, le visage du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun s’est progressivement assombri. D’extatique après que Maurice Kamto se soit déclaré vainqueur de la présidentielle (avant la fin des dépouillement officiels), il ressemble aujourd’hui au visage émacié d’ un ex-prisonnier politique.


MK Davinci
Le Camerounais Maurice Kamto annonce sa victoire à la présidentielle camerounaise en conférence de presse à Yaoundé, le 8 octobre 2018. (VOA/Bagassi Koura)

Cette transfiguration peu glorieuse est principalement due à la déconvenue des présidentielles, au renforcement du pouvoir en place à travers une “légitimité” renouvelée et surtout, à ce que nous considérons comme des erreurs stratégiques de la part du MRC. L’une de ces erreurs stratégiques a été le boycott des élections législatives et locales de février 2020.

Le risque du boycott

Le boycott électoral est une stratégie politique très risquée. Dans un article publié par l’institut politique Brookings, Matthew Frankel affirme que les boycotts électoraux sont rarement efficaces, et le parti initiateur se trouve presque systématiquement dans une moins bonne posture par la suite. Une étude de 171 boycotts électoraux au niveau national, entre 1990 et 2009, a démontré que les conséquences sont généralement désastreuses pour le parti initiateur. Le boycott attire rarement l’attention de la communauté internationale et conduit le plus souvent à un renforcement du parti au pouvoir. Plusieurs exemples illustrent cette dynamique. En 1994, les partis de l’opposition décidèrent de boycotter les élections législatives éthiopiennes. Par conséquent, le parti au pouvoir (Ethiopian People’s Revolutionary Democratic Front) remporta une victoire écrasante (484 sièges sur 547), renforçant ainsi son emprise sur le pays. Des scénarios similaires se déroulèrent au Ghana (1992), au Cameroun (1992), et au Mali (1997).

Les boycotts électoraux conduisent généralement à la marginalisation des partis politiques impliqués, à l’émergence de tensions internes au sein de ces partis et au renforcement du pouvoir en place. Le boycott initié par le MRC a eu des conséquences similaires. Tout d’abord, il a permis un renforcement du RDPC qui a ainsi pu rajouter 4 sièges à sa majorité absolue (152). Ensuite, le boycott a créé des dissensions au sein du MRC, comme rapporté par Jeune Afrique. Ces dissensions ont entraîné le départ de Paul Eric Kingue, l’ancien directeur de campagne de Maurice Kamto. M. Kingue a par la suite lourdement critiqué le MRC et ses militants qu’il a traités de “talibans”, “des gens qui ne sont pas assez mesurés la plupart du temps”.

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Enfin, le boycott électoral a contribué à la marginalisation du MRC. Le parti est en effet relégué à la position d’opposition stérile, sans réelle influence dans la compétition pour les ressources rares de l’Etat. Le MRC est condamné à user du mécontentement populaire comme force de mobilisation. Cette marginalisation est d’autant plus prononcée que la communauté internationale ne semble pas soutenir activement le candidat Kamto.

Le boycott était un échec

C’est une pilule dure à avaler, surtout pour les militants du MRC. Le boycott électoral prôné par Maurice Kamto a tout simplement été un échec. Les chiffres ne mentent pas. Aux présidentielles de 2018, 3 590 681 citoyens ont voté. Pour les législatives de 2020, le nombre de votants s’élevait à 3 021 947, soit 568 734 votants en moins. Ce chiffre correspond sensiblement au nombre de votes recueillis par Maurice Kamto lors de la présidentielle (503 384), confirmant ainsi la thèse selon laquelle le MRC aurait bien perdu lors des présidentielles de 2018. En raisonnant de manière conservative, on peut en déduire que l’appel au boycott a eu un effet sur moins de 8% du corps électoral qui comprenait alors environ 7 millions d’inscrits. Le taux de participation aux élections législatives de 2020 était de 44%, ce qui n’est pas particulièrement bas lorsqu’on le compare aux 54% de participation des élections présidentielles deux ans plus tôt.

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Le boycott était également un échec car il a permis aux autres partis de l’opposition d’occuper le vide laissé par le MRC. Le boycott a notamment permis au PCRN de Cabral Libii d’occuper l’espace politique laissé par le MRC, en se positionnant en force de renouvellement au sein de l’opposition. Le MRC ne peut ni proposer des lois ni créer le débat législatif, même si ces lois ne sont finalement pas votées. C’est une opportunité manquée, notamment parce que le MRC regorge de nombreux cadres issus de la fonction juridique (M. Kamto est lui-même titulaire d’un doctorat en droit) qui auraient pu exceller dans le jeu législatif de l’opposition. Le MRC n’a aucun maire, poste qui contribue généralement à construire une assise politique territoriale. Le seul mode d’expression du parti reste désormais les lettres de M. Kamto et la mobilisation active de la base du parti. Cependant, cette stratégie ne contribue pas à l’élargissement de la base électorale d’un mouvement de la renaissance en mal de renouvellement stratégique.

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