« Papa noël ou papa nono », ainsi l’appelait Manu Dibango, un nom de baptême affectueux inspiré de sa famille qui tendrement avait plutôt adopté le surnom « Bibi ». Depuis plusieurs mois l’artiste était rongé par un vilain cancer qui a eu raison de lui laissant au passage la grande famille à laquelle il appartenait dans le désarroi.
Une famille multiculturelle, « multi-origine » ; ce sont d’abord ses plus proches. Avline Ava son épouse avec laquelle il a monté le projet dénommée « ARK Jammers Connection ». Une organisation à Baltimore dont le sigle renvoie à Ambassadors of kindness and intercultural dialogue, « en gros cette organisation a pour but de promouvoir les valeurs africaines et le dialogue interculturel auprès des Américains et aussi de sensibiliser la diaspora africaine de Washington DC pour leur faire prendre conscience qu’ils sont une force vive qui peut contribuer à changer l’image négative de l’Afrique, nous sommes des artistes-musiciens et amoureux de la musique qui pratiquons des actes de solidarité à travers la musique » disait-il de son vivant. Sur la liste des proches éprouvés par la triste nouvelle, on retrouve ses 2 enfants issus d’un 1er mariage, une fille de 19 ans et un garçon de 17 ans. Mais c’est certainement dans le monde de la musique que la douleur sera profonde, Noël Ekwabi a littéralement donné sa vie à cet art. Né un 25 décembre – comme le Christ – « Papa nono » aurait eu 52 ans –comme le Cameroun- cette année. Contre toute attente c’est d’abord le sport qui le séduit au point de devenir international camerounais de hand-ball à 18 ans, seulement le choix de l’école lui impose de se rendre à Marseille, pour faire des études de médecine, mais le virus de la musique qu’il a pratiqué depuis tout jeune à Yaoundé sa ville de naissance, Nkongsamba la ville de résidence familiale et Douala, est plus fort. Il est quelques années plus tard Médaillé d’or du Conservatoire de Marseille, Papa nono remporte aussi le Prix RFI Musique du monde en 1996 à travers la chanson ‘Mwengué ma ndolo’ qu’il a composé et écrit pour Coco Mbassi. Chef d’orchestre de Manu Dibango pendant 10 ans (1997 -2007), Noël a co-produit et arrangé 2 des derniers albums du Saxophoniste camerounais. Mais avant il aura été Chef d’orchestre de Papa Wemba, a participé à la composition et a arrangé la bande originale du dessin animé à succès, ‘kirikou’, une musique signée Manu Dibango. Doté d’un professionnalisme inouï il a mijoté les 2 albums pour son épouse Avline.
Un talent démesuré
Le talentueux et extraordinaire Bassiste était aussi batteur, percussionniste, guitariste, jouait un peu au clavier, a essayé le saxophone, l’harmonica et la trompette. Chanteur d’occasion ce mastodonte de la musique vivait à Eragny en banlieue parisienne, mais la planète ne lui était pas inconnu tellement ses obligations le rendaient mobiles. Un engagement qui ne se limitait pas à des choses abstraites, « nous donnons (par mon intermédiaire) des Master Class de musique et culture africaines aux jeunes américains (gratuits) dans les plus grandes écoles d’Art de Washington et du Maryland ». Une initiative désormais orpheline de son géniteur. Son extraordinaire expérience de musicien a valu à Noël Ekwabi de rencontrer la fine fleur de la musique mondiale avec qui il a joué en studio et sur scène : Jean-Luc Ponty, Peter Gabriel, Yannick Noah, Cheb Mami, Papa Wemba, Sally Nyollo, Francis Bebey, Youssou Ndour, Rokia Traoré, Ray Lema, Zouk Machine, Mario Canonge, Angélique Kidjo… Auprès de Manu Dibango « Papa nono » avait surtout appris la gestion des hommes, une confidence qu’il avait faite « c’est vrai que dans toutes les formations auxquelles je participe, je suis presque toujours désigné directeur artistique (chef d’orchestre Ndlr), du fait peut-être que les gens décèlent une certaine aptitude chez moi. Je n’en sais rien mais c’est comme cela. Chez Manu, cette fonction est encore plus délicate parce que c’est quelqu’un de très complexe, de très exigeant, très travailleur. Du fait de cette exigence, il me laisse carte blanche mais en même temps veut avoir l’œil sur tout. C’est donc très délicat. Je prends beaucoup d’initiatives ». La bibliothèque s’est refermée !!!