Les relations entre la femme et son mari ne sont pas toujours au beau fixe. Ainsi, les violences conjugales sont monnaie courante tant dans les zones urbaines qu’urbaines au Niger. Dans ces situations, c’est toujours la femme la perdante. Mais pour manifester son mécontentement, son désaccord et son insatisfaction, elle fait recourt à des méthodes très pacifiques.
Femme Africaine victime d’injustice conjugale (c) CR
A travers des paroles négatives et remplies de mauvaises choses, elle dit non à son époux incapable de prendre ses responsabilités. Lorsque la femme se sent chagrinée par le comportement indigne qu’elle a observé chez son mari, elle se soulage en faisant recours à son moyen de défoulement et d’interpellation. Parfois c’est quand elle pile ou prépare le repas. Elle devient le « Gandhi féminin ». Ne pouvant pas s’adresser face à face à son époux, elle balance son pilon en l’air, claque les mains et extériorise ses pensées. Ce sont des paroles pleines de sarcasmes sous forme de poèmes, de proverbes qui différent d’une situation à une autre. En voici quelques uns, d’une femme hausa.
Le mari qui ne part pas en exode
S’adressant à l’homme qui est toujours à la maison, qui ne part pas en exode, la femme dit : Tashi, dan karan rago, mazan kwarai suna Abuja matan su kuwanfule biyu biyu. ni ko dan dari ka aikomin . « Lève-toi ce paresseux, les vrais hommes sont à Abidjan, ils envoient à leurs femmes des habits par paires. Si tu peux m’envoyer même une pièce de 500 FCFA « .
Pour le mari incapable de nourrir son épouse
En ce qui concerne l’homme qui ne nourrit pas la femme, ne l’habille pas, elle dit : Dan karan badi mika dada imba yaji ga fura : « cette poudre à quoi sers-tu si ce n’est pimenter le foura ». A travers ces mots, elle veut signifier à son homme qu’il est totalement absent dans la provision alimentaire et vestimentaire du ménage, qu’il n’a aucune importance au sein du foyer. Enfin, il n’assure pas les responsabilités qui lui incombent.
Elle continue en disant : Allah shiga cida kura gishiri, nama ko gidan wa a ta ci : « c’est Dieu qui nourrit l’hyène en sel, la viande n’importe où elle peut en trouver ». C’est-à-dire que, qu’il lui donne ou pas, elle trouvera par tous les moyens de quoi se nourrir. Elle ne mourra pas de faim. Kiyawan hatsin namiji daka, in ka ga mai saye saisamai in ka ga dan bara aunamai : « Le mil d’un homme mérite d’être pilé, vendu à un acheteur et donné en aumône au mendiant ».
La femme fait tout cela en présence du mari ou de ses ami(e)s. Elle le taquine et lui envoie des paroles blessantes ; lui qui est toujours assis à la maison et ne peut rien lui donner à préparer aux enfants. Quand c’est elle qui a cherché de quoi assurer ne serait-ce que la ration quotidienne, elle doit le faire savoir de façon sarcastique à son cher époux mais en est incapable parce qu’en principe, c’est le mil du mari qu’elle doit piler mais, malheureusement, il reste absent sur ce plan. Cela dit, le manque est flagrant au point qu’on ne peut rien trouver à vendre ou pour faire des cadeaux.
S’il ne décide pas de changer, la femme aussi, ne s’arrêtera pas. Ainsi, la femme n’a d’adversaire que son mari. Elle ajoute et peut passer des jours à lui répéter la même chose : Icce mai kama ka bota, ta kwawan kare sabo na, inji samrayin hawuwawwa : « c’est le morceau de bois formé qui fait une bonne partie en bois de la houe. Monter sur la tige (de mil, sorgho ou maïs) fait partie de l’habitude, a dit le jeune caméléon ». La femme veut souligner une fois de plus au mari son incapacité à faire face aux responsabilités qui lui reviennent. Elle veut dire qu’il n’est pas courageux, qu’il n’est pas un homme. C’est pourquoi, ils sont en train de vivre cette situation de précarité. Ainsi, elle réclame le divorce de façon implicite.
Quand le mari veut embrasser la polygamie
Malgré son caractère religieux, les femmes sont hostiles à la polygamie. Elles préfèrent vivre seules dans la pauvreté qu’être dans l’opulence avec une coépouse… Elle fait tout pour s’opposer et faire échouer le projet de son mari qui veut prendre une seconde épouse. Pour le mari qui, lui, prend une coépouse, elle dit : hannu mai kufan miya muka lasa, danyin ruwa mu shahe ga zane. Ou : Ina ruwan sa da kidi ko da shizan na yanka naina : « c’est la main trempée dans la sauce que nous léchons, celle trempée dans l’eau nous l’essuyons sur le pagne. Le taureau s’en moque du jeu de tam-tam même si c’est pour l’égorger ». La femme veut exprimer son insouciance face à la nouvelle situation. La femme veut signifier au mari qu’elle n’accorde pas d’intérêt à son nouveau mariage. Même si elle perd son foyer, elle n’aura aucun regret. Parce que généralement, dès qu’un homme prend une deuxième femme, il se met en conflit, souvent latent, parfois manifeste, avec la première (Uwar gida).
Les proverbes, les litanies et soliloques constituent une arme redoutable pour la femme nigérienne en général et celle rurale en particulier, lui permettant de dire ce qu’elle pense non pas à son mari seulement, mais à toute personne qui la provoque ou qu’elle veut provoquer. Cela lui confère l’image d’un griot en face de son auditoire. Car elle n’est pas toujours en mesure de tenir de façon directe ses propos.