Nous ne pourrons plus payer 200 FCFA pour passer au péage. Le préposé du péage ne pourra plus nous vendre un ticket recyclé. Le chef du poste de péage ne pourra plus écouler de faux tickets. Ce pays devient définitivement invivable !
Des membres de la Commission nationale anti-corruption (Conac), après avoir mangé des biscuits (confidences de Garga Haman Adji, un de ces membres), sont descendus un beau matin au poste de Manjou (Région de lEst) sans y avoir été invités et sans avoir prévenu les agents du poste de péage. C’était au début du mois d’octobre 2023. Ils y ont passé 30 minutes à espionner les agents du péage, qui faisaient leur « travail » routinier. La peur du gendarme étant le début de la sagesse, les agents du péage routier ont collecté 325.000 FCFA pendant ces 30 minutes de siège de la Conac, dans un péage qui affichait des recettes oscillantes péniblement entre 200.000 et 300.000 FCFA en 24 heures. Chiffres révélés par les bilans des deux mois précédents. Arrêtons-nous un peu et baissons la vitre. Nous sommes à un péage sur l’axe lourd Yaoundé-Douala, une pluie soudaine vient de s’arrêter et le soleil luit à nouveau entre des nuages blancs.
Questions de temps
-Questions à la dame du péage : « Bonjour madame, avez-vous vu passer les recettes du péage routier manuel ? »
-La dame répond poliment : « Oui, monsieur ! »
‘Nous posons une autre question : « Vers où sont-elles allées ces recettes, madame ? »
-Réponse de la dame du péage : « Elles sont allées dans les poches du chef de poste du péage, qui doit ensuite les amener vers le sous-préfet, celui-ci qui doit les conduire vers le préfet, celui-là qui doit les conduire au gouverneur. Après là je ne sais pas. Je prends ma part ici et je rentre retrouver mon mari et mes enfants à la maison. »
-Autre question à la dame du péage : « Ces recettes ont-elles emprunté ces voies depuis longtemps ? »
-Réponse de la dame du péage : « Oui, monsieur. Depuis que le péage routier manuel existe, cest le chemin que les recettes des postes des péages routiers prennent. Du moins, plus de la moitié des recettes journalières »
-Une autre question : « Pouvons-nous rencontrer le chef du poste de péage ? »
-La dame du péage répond : « Désolé, il nest pas là pour le moment. Il est parti à Yaoundé. Il a rendez-vous avec le gars de limprimerie, dans un quartier de Yaoundé, qui lui fabrique souvent des tickets parallèles quil viendra vendre aux automobilistes ici au péage. »
-Encore une question : « Madame, vous aussi vous vendez des tickets parallèles ? »
-La dame répond après un petit sourire : « Des fois, le chef me donne quelques-uns quand je lui ai posé un problème. Par exemple pour les parpaings pour notre deuxième maison du village, il mavait donné tout un carnet de tickets parallèles. Il est très gentil. »
-Et question encore : « Madame, quand il ne vous donne pas tout un carnet, vous faites comment pour résoudre vos propres personnels ? »
-Réponse de la dame du péage : « Moi je ne suis pas compliqué ici au péage. Certains automobilistes me proposent 200, 250, 300 FCFA pour passer. Moi je prends. Vous savez, le dehors est dur ces derniers temps. Je prends je mets dans ma poche. Et comme, à chaque arrêt d’un véhicule, je tire souvent le ticket en m’approchant du conducteur, quand celui-ci me dit qu’il na que 200 FCFA je ne peux plus lui donner le ticket. Je prends les 200 FCFA et je lève la barrière. »
-Question : « Et que faites-vous de ces tickets que vous n’avez pas vendus ? »
-La dame répond : « je les revends à d’autres automobilistes moyennant les 500 FCFA réglementaires. Parfois, je me retrouve avec 80 ou 120 tickets à recyclés. Après avoir encaissé 75.000 voire 100.000 FCFA pour moi pendant la journée. »
-Question : « Madame, n’avez-vous jamais fait l’objet d’un contrôle inopiné des forces de l’ordre, des agents du Ministère des Finances ou d’un corps ? »
-La dame répond fièrement : « Parfois des gens viennent en mission de Yaoundé. Le chef de poste les amène dans le grand bar qui est là-bas en face. Ils y mangent de la viande de brousse, boivent du vin rouge et draguent les vendeuses ambulantes. Après, le chef de poste leur donne le carburant et ils repartent sans rien contrôler. Ce sont ses amis. »
-Avant de démarrer, nous lui posons la dernière question : « Que pensez-vous des péages automatiques qui sont installés sur les routes nationales par le ministre des Travaux publics ? »
-La dame baissa la tête, comme désemparée : « Mon frère, c’est très grave ! Nous vivions avec ce que nous prenions dans les recettes quotidiennes des péages manuels. Nous avons construit des maisons en ville et dans nos villages, nous menions une bonne vie chez nous. Bref, c’était la vie à cent à l’heure. Avec les péages automatiques, nous n’allons plus avoir accès aux recettes. Elles iront directement dans le trésor public. Ah, pauvres de nous, Nganou Djoumessi va nous tuer, vraiment ! C’est très méchant ! »
-Une dernière question : « Mais, madame, c’est l’argent du trésor public, pourquoi cela vous irrite autant ? »
-La dame éplorée répond : « On dit que la chèvre broute là où elle est attachée. Nous, on avait le péage manuel, on broutait tranquillement. Voici Emmanuel Nganou Djoumessi qui vient nous priver de notre nourriture. On va faire comment maintenant ». Nous démarrons et continuons notre trajet. Avec une pensée pour les agents et les chefs de postes de péages qui vont devoir affronter les péages automatiques.
Chasse aux coupeurs de routes
C’est maintenant que l’on découvrira ceux qui pillent les recettes de l’Etat, prenant les péages routiers pour des bastions de coupeurs de routes, de brigands qui dépouillent et agressent les caisses de l’Etat. Ils poussent des cris et des grincements de dents, dans les réseaux sociaux et les journaux comparses, à la seule pensée d’avoir à être privés d’un instrument qui leur permettait de siphonner le coffre-fort de l’Etat. Le péage automatique, ce sera automatique. L’argent ira directement dans le trésor de l’Etat. Les chefs de cantons, chefs de villages, sous-préfets, préfets et gouverneurs, qui recevaient leurs enveloppes constituées de leurs parts dans la répartition sauvage des recettes des péages routiers implantés dans leurs circonscriptions seront en déroute.
La bonne dame qui a été l’interviewé au péage, ignore la suite de l’adage qui dit que « la chèvre broute là où elle est attachée », malheureusement, « c’est aussi là quelle se fait mordre par un serpent ». Comme dirait Serges Aimé Bikoï : « A vous den juger fort opportunément ». Quant à nous, nous disons : « Nganou Djoumessi : « A suivre » A yop A yop » « En haut En haut » ? « A bime té »