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Opinion : « Si Paul Biya était une équipe de football, on pourrait l’identifier à la Mannshaft »

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La réapparition du président de la République le 16 avril 2020 à la faveur d’une audience accordée à l’ambassadeur de France au Cameroun a suscité beaucoup de réaction sur la toile et dans les colonnes des journaux. Dans l’éditorial du 17 avril 2020, Georges Alain Boyomo, Dp du Journal Mutations revient sur cette actualité à travers un éditorial intitulé : « Le fantôme Biya ».


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Christophe Guilhou, Ambassadeur de France au Cameroun et Paul Biya – capture vidéo

« Il n’y avait pas que dans l’opposition des gens qui souhaitaient avoir des signes de vie du chef de l’Etat. Même dans son propre gouvernement, des ministres en sont arrivés à se demander si les « très hautes instructions » ne cachaient pas quelque chose de grave, d’irréparable. Et puis, comme dans une campagne de teasing bien préparée et menée, la révélation survient le 16 avril 2020. Paul Biya réapparait, à l’occasion d’une audience qu’il accorde à l’ambassadeur de France au Cameroun. Christophe Gilhou déclare s’être entretenu avec un homme aussi « alerte » qu’il y’a un mois auparavant… Ça y est ! Si Paul Biya était une équipe de football, on pourrait l’identifier à la Mannshaft, en référence à ce propos de Gary Lineker : « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne », écrit le journaliste.

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de l’éditorial.

Le fantôme Biya

Dans un célèbre documentaire sur la Françafrique, Michel De Bonnecorse, ancien patron de la (défunte) cellule Afrique de l’Elysée, rend compte d’une conversation entre l’ancien président français, Jacques Chirac, aujourd’hui décédé, et le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, dans les coulisses d’un sommet international. « Eh Paul, tu ne m’appelles, ni me rappelles jamais ». Et Paul Biya de répondre : « Jacques, tu sais que je suis souvent au village, et le réseau [téléphonique] y est mauvais ou carrément inexistant par moment ! ». Après ce bref échange, Chirac se tourne vers son conseiller et lâche : « Mais comment fait-il pour diriger pendant si longtemps un pays si complexe, en s’y mettant si peu ?».

Réputé énigmatique et fusionnel au pouvoir, Paul Biya vient d’abattre une nouvelle carte dans l’art de la simulation et de la dissimulation, emprunté au prince, version Nicolas Machiavel. Alors que la pandémie de coronavirus donne à voir depuis plus d’un mois des chefs d’Etats à travers le monde retrousser les manches, tenir des discours à intervalles réguliers pour faire le point, rassurer le peuple et tracer le cap, aller au cambouis…, le président de la République du Cameroun n’a pas fait d’apparition publique durant 37 jours pas plus qu’il ne s’est adressé à la nation.

Certains le croyaient confiné dans son village natal à Mvomeka’a, d’autres au palais de l’Unité. Dans sa coquille douillette, le président Biya a laissé son gouvernement sur le devant de la scène, agir sous ses « très hautes instructions » contre le COVID-19. Il a surtout laissé se répandre des allégations sur son incapacité à gouverner et laissé prospérer la rumeur sur son décès, récupérée à son corps défendant par un parti politique, qui saisira plus tard le président de l’Assemblée nationale aux fins de constat… de la vacance au sommet de l’Etat. Ambiance.

Il n’y avait pas que dans l’opposition des gens qui souhaitaient avoir des signes de vie du chef de l’Etat. Même dans son propre gouvernement, des ministres en sont arrivés à se demander si les « très hautes instructions » ne cachaient pas quelque chose de grave, d’irréparable. Et puis, comme dans une campagne de teasing bien préparée et menée, la révélation survient le 16 avril 2020. Paul Biya réapparait, à l’occasion d’une audience qu’il accorde à l’ambassadeur de France au Cameroun. Christophe Gilhou déclare s’être entretenu avec un homme aussi « alerte » qu’il y’a un mois auparavant…

Ça y est ! Si Paul Biya était une équipe de football, on pourrait l’identifier à la Mannshaft, en référence à ce propos de Gary Lineker : « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne ».

En effet, qu’on l’admette ou pas, c’est encore Paul Biya qui sort renforcé de cet épisode, comme dans beaucoup d’autres qui ont jalonné ses 38 ans de magistrature suprême. Même si son bilan, sur bien des aspects, n’est guère enthousiasmant. On ne passera pas par pertes et profits son génie politique. On blâmera surtout ses adversaires politiques pour leur extraordinaire capacité à reproduire des erreurs qui ont assuré à chaque fois au champion du Rdpc une espèce de virginité politique. On interrogera accessoirement l’attitude de ce peuple grugé, désabusé et confiné à l’extase d’une apparition présidentielle.

Le « fantôme » Biya est de retour. C’est bien, c’est beau. Sa réapparition coïncide avec la montée vertigineuse du nombre de morts du coronavirus au Cameroun. Près de 50 au dernier pointage du ministère de la Santé publique. Une crise économique se dessine à l’horizon. Ce que les Camerounais peu portés vers le minimalisme attendent de leur chef, c’est une série d’actions vigoureuses, à cadence soutenue, telle que nous l’impose le COVID-19. Trêve de « one man show » christique, revenons donc à une activité normale !

Georges Alain Boyomo, Dp du Journal Mutations

Pour approfondir :   Université d'Ebolowa : Ouverture des candidatures en Master 2 Recherche en Droit et Sciences politiques

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