Qu’est l’intellectuel ?
Il est le lecteur des profondeurs. Fondamentalement, l’intellectuel est l’homme des variations des imaginaires. Un intellectuel est le poète du temps qui porte l’existence à habiter un monde qui n’est pas encore son monde. Pour mieux être dans le temps, il faut sortir d’un temps.
La sortie d’un temps pour être dans le temps, s’appelle : penser dangereusement. La pensée dangereuse est une intelligence des encores.
Être aux carrefours des encores. Que sont donc les encores ? Ils sont ce qu’habite Claude ABE. Claude ABE est donc l’intelligence des encores qui fâchent. Ainsi, un intellectuel qui ne suscite pas la colère dans la pensée n’en est pas un. Seulement, encore faut-il penser! . En ce sens, il est l’homme qui met à la vue ce que l’homme voyant, refuse de faire le point de vue. Pour qu’il y ait vue, cela n’est possible qu’à partir d’un point de vue ; point de vue qui n’est pas vue à partir d’un point n’étant pas point du tout. Ce qui n’est un point du tout, relève de l’idée de république. République qu’on pense comme une réalité sui generis parce que sans morsure sur la terre, sur cette terre-ci. Pourtant cette terre-ci est porteuse d’un nom : Tsinga, Logbaba, Ntasen, Tamdja, Mandjack etc… Le nom n’est pas une casualité mais une trace qui permet à un homme de respirer une généalogie.
Qu’est la généalogie ? Elle est l’alliance avec une mémoire dynamique. L’énergie mémorielle m’identifie comme ceci n’étant pas pas celà. Ce NE… PAS devient mot : autochtone, le respirant d’une mémoire et l’allogène, c’est-à-dire l’accueilli. Autochtone et allogène ne respirant pas la même mémoire, ne peuvent pas habiter la terre de la même manière. Pour le dire autrement, les symboles ne parlent à l’autochtonie et à l’allogène sous le même registre. Ainsi, si on ne peut acheter l’inscription dans une mémoire, il nous devient impossible de quitter le statut de l’homme accueilli.
Une chose est d’être un habitant, une autre est de résider. Une république qui se construirait dans une volonté d’étouffement des mémoires de singularité a la mort comme horizon. Claude ABE participe donc de ces intellectuels qui refusent la mort de la République. Je vois en lui, le sociologue des mémoires vives. Refuser son statut d’être accueilli n’est rien d’autre que l’expression de la délinquance. En quoi se manifeste cette délinquance ? Par une stratégie de débaptisation des villages. Des noms des villages deviennent des PK, des Bornes, des Carrefours 3 morts. Cette géopolitique de débaptisation est à l’origine des stratégies de la ruine des mémoires. C’est cette stratégie de la ruines des mémoires qui donnera une une existence féroce au concept de cosmopolitisme. Ce concept a le mérite de former et de fonder la brouille des imaginaires et une identité du tout-venant qui sont le refus de toute identité de fait comme de droit. Or le concept de cosmopolitisme est loin de dire ce que l’on veut lui faire dire. Le cosmopolitisme est l’ordre dans le monde et cet ordre est porté et promu par le respect des mémoires dont les noms sont le véhicule par excellence.
Le bizarre des noms est la manifestation de ceci que nous habitons des républiques du bizarre. Dernier Poteau, Carrefour 3 boutiques, Carrière, Dépôt de bois fondent l’arnaque et l’anarchie urbaines. Claude ABE veut donc penser la renaissance de la République à partir des symboles de connaissance et de reconnaissance et cela passe par une génuflexion devant le sacré des noms. Construire une république consiste à entrer dans un dialogue avec les mémoires dans la pleine conscience que ces mémoires ne produisent pas les mêmes mots pour tous.
Me rappeler que je suis un accueilli et non un habitant me convoque à la responsabilité devant la vérité. C’est à cette condition que la République peut devenir le site de la fédération des mémoires travaillant à la construction de l’État Fédéral de l’Afrique dont rêvait Cheick ANTA DIOP.
Père NGIMBUS.