Le journaliste et docteur en Science politique, option Études Internationales et stratégiques, s’est invité dans le débat qui fait jaser dans les réseaux sociaux, relatif à la qualité de programmes diffusés sur les chaines de télévisions camerounaises, principalement, les débats politiques.
Dans une tribune publiée sur sa page Facebook le 14 avril 2021, l’enseignant de journalisme à l’Institut Supérieur des Beaux – Arts Cheikh Anta Diop et à l’Institut Supérieur de Traduction, d’Interprétation et de Communication de Yaoundé estime que la « faute revient aux modérateurs des débats politiques ».
Prenant le cas de la chaine de télévision Équinoxe, le journaliste soutient qu’il n’existe pas de différence véritable entre le présentateur du programme Droits de Réponse, et le consultant Edmond Kamguia qui selon lui « s’apparente à un défenseur qui doit soutenir le présentateur ».
Lebledparle.com vous propose ci-dessous vous l’analyse de Pierre Nka
La faute au modérateur du débat politique
Bien avant les récentes sorties des journalistes sur la rentabilité ou la nécessité des débats politiques, en 2020, nous avons fait une sortie ici. À l’époque, nous trouvions que les chaînes manquent souvent d’originalité dans leur production.
Nous sommes allés jusqu’à penser que débat sur débat tue le débat. Nous restons sur cette posture. Vous allez demander pourquoi y participer comme nous le faisons sur différentes chaînes ?
En réalité, je participe aux débats pour ne pas laisser le 4e pouvoir totalement aux ordres. Aux ordres reçus souvent ou que s’imposent le modérateur en fonction de la ligne éditoriale.
Le débat politique rapporte. Pas seulement de l’argent sous forme de recettes publicitaires. Mais, bien au niveau de la construction d’une conscience politique.
C’est là que le journaliste modérateur doit faire preuve de hauteur. Qui n’a pas été édifié par les sorties quasiment prophétiques de Richard Touna Ombe, au lancement de Scène de Presse. Il avait le mot juste. Il savait lire l’actualité et dans une certaine liberté laissée par Aimé Robert Bihina Abanda, Scène de Presse présentait au public la crème de la crème des journalistes.
Scène de Presse est de plus en plus sortie de la conscience collective. Ce n’est plus le programme culte. À cause d’un passage souvent sans compétence des modérateurs et modératrices. L’argument ne s’accommode pas de l’argutie. Le premier étant ce qui fait le débat.
Dans d’autres chaînes de télévision, le modérateur fait la pluie et le beau temps. Avec les spécialistes pas toujours à leur place. Certains sont devenus des Gatekeepers. Faites-vous la différence entre ce que Edmond Kamguia dit dans droit de réponse et ce que Cédrick Noufele pose comme question ? Pour ma part, je n’y vois aucune.
Edmond Kamguia s’apparente à un défenseur qui doit soutenir le présentateur. Ça peut heurter… mais c’est le ressenti que j’ai. Surtout que la chaîne bleue veut se positionner comme le contraire de la première chaîne de télévision nationale. Ce qui est une erreur. Parce que si l’une dit oui, l’autre dira non. Ce n’est pas tant ça le journalisme. Il y a une posture de rassemblement dans les medias que de division.
Aujourd’hui, les Camerounais sont divisés par les journalistes. C’est pourquoi, Jean Jacques Ze aura tout fait pour Club d’élite, une partie des Camerounais ne regardera pas… L’image de 2018 et 2019 avec une ligne éditoriale exécutée par Ernest Obama reste dans les mentalités. Lui même aujourd’hui à la tête de Bnews1 cherche à se détache d’une image professionnelle de celle de son ancien média. ça tourne ainsi chaque jour.
L’avantage étant que, chaque fois, de nouveaux visages apparaissent comme panélistes. Mais les présentateurs ne changent pas. D’une chaîne à l’autre. A Canal 2, Bouba Ngomena est connu depuis deux décennies au moins. À la radio ou à la télé, il est connu des Camerounais avec son style.
C’est ce style qu’il faut changer. Il est possible de le changer en arrêtant de faire dans l’émotion. Il faut une froideur dans la modération d’un débat. Cela n’est possible que par le travail en équipe.
Une équipe de production du débat, ce n’est pas une affaire de journaliste et cameramen. C’est une affaire de RECHERCHISTES. Ces postes manquent dans nos télévisions.
On ne donne pas la parole à n’importe qui sur n’importe quel sujet. Qui a dit que M. Dieudonné Essomba est un couteau suisse pour être à l’antenne chaque dimanche au moins. Sa posture est connue. Je pense qu’il faut innover. Pour innover, il faut que les télévisions camerounaises s’arment d’experts.
C’est l’expert qui fait la fiche pour structurer les questions et les relances du journaliste modérateur. C’est l’expert qui déconstruit les arguments d’un invité par la fiche actualisée servie à chaud au présentateur à l’antenne.
Si le débat politique est plus dangereux à la liberté que la dictature comme le dit Jean Jacques Ze, c’est que le présentateur modérateur n’est pas à la hauteur. Si le débat politique ne rapporte pas à la télévision comme le pense Martin Camus Mimb, au moins le présentateur doit participer à l’éducation. L’éducation n’a pas de prix. L’éducation est un instrument, une arme de lutte contre la dictature.
Il faut refaire l’éducation de nos présentateurs de débat politique au Cameroun. Parce que pour l’expertise, elle est là. Recrutez de vrais recherchistes vous ne donnerez plus la parole à n’importe qui sur n’importe quel sujet en débat.
Sauf si vous êtes dans le playback des officines des partis politiques qui vous transforment en communicant politique et non journaliste politique. La nuance mérite tout un débat… digne d’une politique publique en matière de formation des journalistes modérateurs de débat politique.